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‘ Jusqu’où porte la voix sur IP ? ‘

La révolution de la voix sur IP est de réinventer le téléphone et pas seulement d’en réduire la facture.

Anecdotique, il n’y a pas si longtemps encore, en tant que succédané marginal du ‘ véritable ‘ téléphone, la voix sur IP (VoIP) est, aujourd’hui, au c?”ur des stratégies et des préoccupations des opérateurs
 ?” grands, moyens et petits ?” et des constructeurs d’équipements ou de systèmes. Et, bien sûr, des utilisateurs ?” entreprises ou particuliers.Mais le message que l’on retient de cette émergence de la VoIP se résume bien souvent à un seul cri : ‘ Nous allons pouvoir téléphoner pour pas cher ! ‘ Certes, réduire sa
facture de téléphone est appréciable. Mais il me semble qu’arrêter là l’analyse du phénomène est réducteur. Le bouillonnement de la VoIP appelle certaines réflexions.

Vers une véritable transportabilité du numéro

Nous nous limitons, bien souvent, à ne voir dans la VoIP que la substitution d’un mode de transport par un autre. En passant de France Télécom à un opérateur ADSL, l’abonné ne change rien à ses usages du téléphone : il peut
émettre et recevoir des appels à un prix avantageux, mais son numéro reste lié à une ligne fixe. Or, la révolution la plus fondamentale n’est pas tant la VoIP que l’utilisation du protocole SIP qu’elle autorise.En dématérialisant le numéro de téléphone, SIP le libère de la dépendance d’une ligne unique, et donc d’un lieu ; elle le désolidarise d’un appareil spécifique. Tout peut servir à appeler ou être appelé, de n’importe où. Cette
transportabilité du numéro de téléphone, qui devient un identifiant strictement personnel, comparable à une adresse e-mail, est, à mon sens, l’évolution la plus remarquable. Celle qui réinvente le téléphone, pas seulement sa facture. Et ce n’est
qu’un début.Cela me mène à Skype, le porte-drapeau des flibustiers de la VoIP, le plus grand service de téléphonie sur Internet. Il n’est certainement pas de bon ton, aujourd’hui, d’être le mécréant qui en dit du mal. Et pourtant, aussi
révolutionnaire que Skype puisse paraître aux yeux des pourfendeurs des opérateurs historiques, il n’en reste pas moins un modèle anachronique. Skype utilise un système propriétaire fermé. En cela, il n’est guère mieux que ce qu’étaient AOL ou
Compuserve au début de l’Internet : des mondes clos, n’utilisant pas les standards ouverts, nécessitant des logiciels spécifiques. Et conçus pour faire communiquer leurs abonnés entre eux ?” avec, accessoirement, des passerelles vers
le monde extérieur.La philosophie et la tendance historique de l’Internet sont à la compatibilité, à l’interopérabilité et à l’ouverture. En bref, à ce que SIP incarne en VoIP. Je ne vois pas pourquoi ni comment Skype pourrait inverser cette tendance en
devenant le Microsoft de la VoIP. Rétrospectivement, les ‘ services en ligne ‘ propriétaires d’AOL et de Compuserve nous paraissent poussiéreux. A défaut de s’ouvrir, il est fort à parier que, d’ici à quelques années, on ne
retiendra de Skype que le rôle historique qu’il aura joué.

L’avenir compromis des intermédiaires

Enfin, à long terme, une question se pose : si tout le monde peut téléphoner sur Internet et si les communications vers les réseaux commutés sont réduites à la portion congrue, qu’est-ce qui justifie un quelconque
intermédiaire ? Skype se targue d’être un modèle peer to peer de téléphonie, dans lequel, une fois établie, la communication circule directement. Le rôle stratégique de l’intermédiaire dans ce dispositif se limite à mettre
en contact l’appelant et l’appelé, en maintenant un registre de l’adresse IP à laquelle se trouve chacun des protagonistes à un moment donné.Ce modèle ne vaut que parce que, dans la configuration actuelle de l’Internet (IPV4), la grande majorité des utilisateurs a une adresse IP variable d’une session à l’autre. Mais, pour les tenants d’IPV6, la nouvelle version du
protocole de l’Internet permettrait à chaque utilisateur et à chaque appareil d’avoir une adresse IP permanente. Ce qui affaiblirait la position incontournable de station d’aiguillage qu’occupe l’intermédiaire dans le monde d’IPV4. IPV6 est
l’ouverture sur le véritable peer to peer, qui, au-delà du prix du téléphone, permettrait de faire l’économie de l’intermédiaire. Faut-il y voir un facteur propulsant pour IPV6 (qui en a bien besoin) ou, au contraire, un motif
de résistance de plus qu’il aura à surmonter ?(*) ex-PDG de Fluxus (France Net), aujourd’hui président-fondateur d’Ozone, entreprise dédiée au développement du ‘ réseau pervasif ‘ en s’appuyant sur le Wi-Fi.

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Rafi Haladjian*