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Jeu vidéo : qui va gagner la belle?

Après deux années difficiles, le secteur pourrait renouer avec une croissance à deux chiffres. Mais tous les éditeurs ne seront pas sauvés.

Les indicateurs passent au vert ! L’édition des jeux vidéo est une industrie cyclique, soumise à l’impact de nouvelles machines, plus performantes mais coûteuses, sur les achats des joueurs. Depuis son essor, les dix dernières années, le jeu vidéo, au sens large, pèse plus de 20 milliards de dollars (23 milliards d’euros) et, depuis deux ans, il a dépassé l’industrie cinématographique et la vidéo. Les éditeurs anticipent un demi-milliard de joueurs en 2005 ! Explosion économique ou spéculation financière ?Pour beaucoup, il est déjà trop tard. Des entreprises comme les Français Titus, Eidos, Kalisto ou Cryo n’auraient, selon le verdict des marchés boursiers, plus d’autre issue que la revente ou la cessation d’activité. D’autres, comme Ubi Soft ou Infogrames, ont encore des cartes en main, en dépit d’un cours en Bourse divisé respectivement par deux et par quatre depuis les pics de l’an 2000 ! Mais tous peuvent profiter d’une nouvelle donne.Aujourd’hui, les éditeurs peuvent sortir leurs titres pour Playstation 2 avec beaucoup d’ambition. La console de Sony aurait trouvé 10 millions de foyers d’accueil, dont 2,76 millions aux États-Unis et 2,63 en Europe. Selon ses promoteurs, le parc installé de cette console de dernière génération pourrait atteindre quelque 20 millions dans un an. Prévision surréaliste ? Voire. Nintendo, principal concurrent de Sony, compte diffuser, dans les 5 ans à venir, 100 millions de Game Boy Advance, la console portable qu’il vient de lancer.

Alimenter les consoles

Dès lors, les éditeurs sont au pied du mur. Ils seront jugés, par les consommateurs et les analystes financiers, sur leurs capacités à alimenter ces machines et à se partager les recettes de l’édition. Le marché lié à ces nouvelles consoles est évalué par HSBC-CCF à quelques 18,7 milliards de dollars en 2002 et 24,4 en 2003. Mais d’autres chiffres circulent dans la communauté financière. Ainsi, Jean-Michel Salvator, de la société de Bourse Wargny, envisage une croissance du secteur de 40 %, alors que le consensus de la place oscille autour de 30 %.Pour s’imposer sur le marché international, certains éditeurs européens disposent de deux atouts majeurs : la richesse de leur catalogue et la maîtrise des réseaux de distribution. Ainsi, le Lyonnais Infogrames qui, après avoir racheté l’an passé l’éditeur américain GT Interactive, s’est offert la filiale multimédia du géant du jouet Hasbro, est donné favori. Pour Jean-Michel Salvador, “ Infogrames maîtrise le processus clé du secteur : le développement et la distribution des “hits”“. Et d’ajouter : “Nous recommandons le titre dans le cadre d’une hausse de 10 % de sa marge opérationnelle d’ici à trois ans.“L’été sera chaud : Infogrames mettra sur le marché mondial plusieurs hits pour Playstation 2, dont 24 heures du Mans, Test Drive ou encore Nascar Heat. La logique, pour Bruno Bonnell, son PDG, étant de lancer chaque année le développement d’une dizaine de jeux à succès, supérieurs au million d’exemplaires vendus. Son trésor de guerre est conséquent. La force du Français réside également dans ses réseaux de distribution nord-américain et européen. Une indépendance vis-à-vis des distributeurs qui figure parmi les critères appréciés des analystes financiers.Mais l’éditeur français le mieux placé est à l’évidence Ubi Soft. “Le groupe a dépassé nos espérances avec un chiffre d’affaires en hausse de 39 %, dont 13,5 % en croissance organique“, remarque, rassuré, Xavier Courtois, analyste chez ETC. “Nous réaliserons 22 % de notre volume d’affaires sur la vente de titres pour Playstation 2, et de 23 à 25 % sur Game Boy Advance en 2001“, estime Yves Guillemot, le PDG d’Ubi Soft. Un chiffre qui le place très en avant sur le marché des nouvelles consoles et réduit d’autant sa dépendance vis-à-vis des supports dits ” anciens ” : le PC (33 % du chiffre d’affaires), la PS One (9 à 10 %) et Game Boy (3 à 4 %). L’éditeur détient également un catalogue de marques fortes telles que Myst (et Riven) ou encore Rayman, les deux franchises ayant cumulé, lors de l’exploitation de versions antérieures, plus de 10 millions d’unités vendues chacune.

Ubi Soft, l’atout multijoueur

La surprise pourrait venir du jeu en ligne, un secteur encore boudé. Ubi Soft sera le premier Européen à lancer, à l’automne, un jeu à univers persistant et multijoueur sur le continent nord-américain. Un titre sur lequel l’éditeur est prêt à investir entre 5 et 10 millions de dollars. Dans le même domaine, Ubi Soft distribue déjà en Europe Everquest, un jeu qui rassemble plus de 300 000 abonnés à 10 dollars par mois. Yves Guillemot promet encore “de suivre une politique d’acquisition de marques fortes“. Il compte investir entre 30 et 50 millions de dollars par opération.De leur côté, les analystes financiers sont obsédés par les comparaisons. Ils ont en ligne de mire la valorisation d’Américains, comme Electronic Arts ou THQ. Ces derniers sont estimés trois fois leur chiffre d’affaires, contre 1,5 pour Infogrames ou Ubi Soft. De là à déduire, à terme, un fort potentiel de hausse, il n’y a qu’un pas.Face à cette nouvelle donne, y a-t-il de la place pour les petits joueurs ? Dans cette catégorie, Titus Interactive ou encore Cryo, risquent de souffrir de l’âpreté du marché. Les investissements sont de plus en plus lourds. La distribution se fait nécessairement à l’international, et les catalogues doivent afficher des licences reconnues sur l’ensemble des continents. Ce qui est loin d’être le cas de ces deux éditeurs. À court de cash, Titus met sur le marché la participation de 34 % qu’il détient dans l’éditeur Interplay, alors que ce dernier détient les titres le plus intéressant du groupe, dont Baldur’s Gate et ses millions d’exemplaires vendus, et offre une ouverture sur le continent nord-américain. Cryo, de son côté, réintègre sa filiale internet pour se concentrer sur son métier d’éditeur, quitte à délaisser la fourniture de technologie. Quant à Kalisto, l’intervention du fonds d’investissement américain, Global Emerging Market, disposé à procéder à une augmentation de capital réservé pouvant aller jusqu’à 15 millions d’euros, lui permettra peut être de commercialiser son catalogue de jeux en ligne cette année. Au-delà, rien n’est garanti.

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Amaury Mestre de Laroque et Jean-Pierre Savalle