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Jean-Yves Babonneau (Afnic) : ‘ L’identification des dépositaires des .fr sera renforcée en 2004 ‘

Rôle de l’Europe, déploiement d’IPv6 en France, protection des serveurs DNS… Jean-Yves Babonneau, directeur général de l’Afnic*, fait le point sur les enjeux techniques et économiques liés au nommage sur
Internet.

01net. : Les États-Unis exercent-ils toujours un leadership dans ce domaine ?Jean-Yves Babonneau. Sans aucun doute, puisqu’ils maîtrisent la racine du nommage. Par exemple, pour récupérer le code .tf, qui correspond aux terres australes françaises, il faut en passer par les États-Unis. Mais
cette prérogative doit-elle être conservée par un seul pays, quand bien même il est à l’origine du réseau Internet, ou confiée à une structure intergouvernementale ? J’étais présent au Sommet mondial de la société de
l’information, à Genève, où la décision a été prise de créer un groupe de travail, sous l’égide de l’ONU. Il réfléchira d’ici à 2005, date du prochain Sommet, non seulement sur le nommage, mais aussi sur les contenus
d’Internet. Il faudra voir si, par la suite, les Etats-Unis seront prêts à céder à cette prérogative…Existe-t-il une stratégie européenne en la matière ?Il existe actuellement une convergence sur le contenu des bases Whois
[la base de données qui consigne l’identité physique ou morale des dépositaires de noms de domaines, NDLR]. Pour
les .com, il n’y a en effet aucune vérification de l’identité réelle des dépositaires, à la différence des .fr, pour lesquels nous enregistrons depuis plus de 10 ans ces informations. Les organismes européens de nommage cherchent
aujourd’hui à harmoniser leur politique, en attachant de plus en plus d’importance à l’exactitude des informations de la base Whois.Qui légitime et contrôle l’action de votre association ?Notre légitimité n’est pas d’ordre juridique, mais technique et historique. Le .fr était en effet régi en France depuis 1987 par l’Institut national de la recherche en informatique et automatisme (Inria)
[Jean-Yves Babonneau est lui-même un ancien directeur informatique de l’Inria, NDLR], devenu en 1998 un des membres fondateurs et membre du conseil d’administration de l’Afnic. À ce conseil siègent
trois membres désignés par les ministères de l’Industrie, des Télécommunications et de la Recherche, deux membres par l’Inria, plus cinq membres élus issus des prestataires, des utilisateurs et d’un collège international. Si
nous n’avons connu que cinq litiges en cinq ans quant à des noms de domaines déposés en .fr, avec une jurisprudence favorable à notre égard, c’est, je pense, la preuve d’une gestion rigoureuse.Quel rôle jouez-vous dans le déploiement du protocole
IPv6 en France ?
Nous en sommes clairement l’un des principaux moteurs, étant donné que nous nous sommes penchés sur la question dès octobre 2000, avec un groupe de travail conduit par Mohsen Souissi. Nous sommes ainsi un des deux seuls
organismes de nommage au monde, avec celui du Japon, à avoir mis en production le transcodage d’IPv6, et ce, depuis octobre 2003. De plus, ZoneCheck, notre outil de vérification de délégation d’un nom de domaine, a été réécrit afin de prendre
en compte nativement IPv6. Tout prestataire ou utilisateur qui demande ainsi une adresse IPv6 associée à son nom de domaine l’obtient directement. À ce jour, 80 DNS gérés par Renater [réseau à très haut débit de la recherche en
France, NDLR]
fonctionnent avec des adresses IPv6, pour lesquelles nous assurons l’assistance technique. Nos confrères européens, qui en sont au stade de la réflexion, viennent ainsi nous demander conseil.Après plusieurs attaques, en quoi la protection des serveurs de noms de domaines racines a-t-elle été améliorée ?Il faut relativiser ces
attaques, qui ne concernaient qu’une partie des serveurs DNS racines. Internet les a bien supportées. La réplication des serveurs a démontré son efficacité. Nous en avons
néanmoins profité pour utiliser le protocole
Anycast
[prévu par le protocole IPv6, NDLR] pour augmenter le nombre de serveurs miroirs qui ont été ou vont être installés en Espagne, en France, au sein de
Renater, d’autres en Italie, en Russie…Quelles mesures prenez-vous pour faciliter la gestion des noms de domaines par les particuliers et les entreprises ?Une modification importante a été décidée, à la suite d’un conseil d’administration de l’Afnic qui s’est tenu début novembre. Nous conserverons les règles de territorialité : ont droit à un .fr uniquement les
personnes morales ou physiques ayant un lien avec la France ?” par exemple, une entreprise étrangère disposant d’une filiale ou ayant déposé une marque valable en France. À partir du second trimestre 2004, les règles
d’identification seront renforcées. Nous allons proposer d’inclure une extension logicielle (plug-in) dans la barre des navigateurs Web. Celle-ci déclinera immédiatement, lors de la consultation d’un site, l’identité du
dépositaire, avec des informations issues directement des bases publiques. Si nous renforçons l’identification, nous assouplissons dans le même temps le ‘ droit au nom ‘ pour tout organisme identifié. Nous estimons
que, désormais, les utilisateurs sont suffisamment matures pour pouvoir déposer tout nom de domaine et en assumer la responsabilité devant le droit français. En cas d’abus, les contrevenants seront immédiatement identifiés, rendus visibles
par l’extension présente dans les navigateurs. Cette demande d’authentification en ligne correspond à l’attente des utilisateurs.* L’ Afnic (Association française pour le nommage Internet en coopération) est l’organisme à but non lucratif chargé, depuis janvier 1998, de la gestion des noms de domaine en .fr.

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Propos recueillis par Laurent Campagnolle