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Jean-Luc Rivoire (Tocamak): “L’hiver sera rude pour les start-up françaises”

L’incubateur Tocamak a levé 120 millions de francs au printemps dernier. Son PDG, Jean-Luc Rivoire, analyse les conséquences du e-krach sur son métier, et fait le point sur l’activité de sa société.


01net. : Dans un contexte de marché boursier instable, était-il difficile de lever ces 120 millions de francs ?
Jean-Luc Rivoire : Oui, même si nous y sommes parvenus dans des délais très raisonnables. Notre levée de fonds a commencé le 15 avril 2000 et nous l’avons terminée à la mi-juillet.Nous ne travaillons plus dans le même monde qu’auparavant. Aujourd’hui, les jeunes pousses ont du mal à trouver de l’argent pour leur premier tour si elles n’ont pas déjà plusieurs clients à présenter dans leur business plan. Tous les délais sont raccourcis : il faut prouver des perspectives de rentabilité avant trois ans et, quand on va chercher de l’argent, c’est pour douze mois et non plus six. Conséquence : toutes les start-up doivent réduire leurs frais de fonctionnement. Elles licencient du personnel ou en embauchent moins, elles freinent leurs dépenses de marketing, etc.Ce qui m’inquiète, c’est de voir s’éterniser la crise sur le marché des nouvelles technologies. L’hiver sera dur pour les start-up françaises. Beaucoup d’entre elles vont être confrontées à des problèmes de trésorerie et elles auront du mal à tenir la crise.Les sites marchands grand public, qui ne sont pas adossées à un acteur traditionnel brick and mortar, sont particulièrement exposés car ils ne pourront pas baisser leurs coûts d’acquisition de clients.Il y a encore beaucoup d’argent investi dans les start-up malgré le e-krach. Mais, l’attitude des capital-risqueurs a changé. Lors de la période d’euphorie, ils prenaient beaucoup de ” tickets “, mais pour de petits montants. Il leur était beaucoup plus difficile d’accompagner efficacement les projets. C’est l’inverse aujourd’hui.A quoi vont servir les fonds que vous avez levés
?
Tocamak se concentre sur deux types d’activités : d’un côté nous faisons du pur capital-risque, de l’autre nous vendons toute une ligne de services aux start-up. Sur les 120 millions de francs levés, nous en avons conservé 45 pour ces deux activités. Nous allons donc réinvestir environ un à deux millions de francs chaque mois dans un nouveau projet, et développer notre ligne de services : recrutement de personnel, organisation des levées de fonds, aide au développement international, etc.Nous avons effectué dernièrement cinq levées : au total, 31,6 millions de francs ont été réunis pour L@B, ASP dédiée aux grands comptes, et Assurway, un moteur de recherche et de comparaison de produits d’assurance. Innovacom, le CIC et le Crédit Lyonnais ont apporté 16,6 millions de francs à L@B. La Siparex, Aquasourca et Socadif ont investi 15 millions de francs dans Assurway. Nous avons également réalisé trois autres levées, dont une de 32 millions de francs pour un deuxième tour de table.On décrit le marché de la création de start-up comme très dynamique. Vous propose-t-on beaucoup de business plan ?
Nous recevons de 200 à 300 dossiers par mois, mais nous n’en sélectionnons qu’un seul ! En fait, les bons dossiers nous sont transmis par les sociétés de capital-risque. Souvent, on leur soumet de bonnes idées mais les projets sont trop jeunes. Ils préfèrent donc nous les transmettre et investissent dedans lors du deuxième tour de table.Quels sont les projets de développement international de Tocamak ?Depuis le mois d’avril, nous avons ouvert un bureau à Milan, où deux personnes assistent l’implantation de nos jeunes pousses en Italie. Nous sommes en train d’ouvrir un bureau à Madrid, en Espagne, et nous espérons nous installer en Allemagne avant la fin de l’année. Cependant, vu la nervosité des marchés boursiers, je dois reconnaître que nous avons dû revoir nos ambitions à la baisse.Nous projetons également de nouer des partenariats internationaux avec des incubateurs étrangers au travers de co-investissements.Les premières start-up que vous avez financées, comme MagicMaman (ex-Magic-Emilie), s’apprêtent-elles à entrer en Bourse ?Non. Nous pensons faire nos premières sorties dans environ six mois au travers de fusions ou cessions. Ce sera la preuve que notre modèle d’incubation fonctionne, au bout de deux ans et demi d’activité.Nous n’avons pas prévu d’introduction en Bourse à cause de l’instabilité des marchés. Mais, nous pouvons être fiers du chemin accompli : les dix-huit sociétés créées depuis 1998 grâce à Tocamak sont encore en ligne, et bien vivantes. Ce n’est déjà pas si mal !

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Antonin Billet