Passer au contenu

« Ils le regretteront » : la tech coréenne ne veut pas choisir entre Chine et Etats-Unis

La Chine continue de menacer la Corée du Sud de représailles en cas de « découplage » de ses liens commerciaux. En cause : les États-Unis qui cherchent par le moyen de subventions à écarter les entreprises de semi-conducteurs et de batteries de ses contrats chinois.

L’année 2023 est synonyme de meilleures capacités de production pour les semi-conducteurs, mais ces derniers sont et resteront stratégiques et particulièrement centraux dans l’économie et les guerres commerciales. Pour la Corée du Sud, qui possèdent quelques noms comme LG Energy Solution, SK On, Samsung SDI (pour les batteries) et Samsung Electronics et SK Hynix (pour les semi-conducteurs), c’est au milieu d’une « guerre froide de la tech » que le jour se lève une nouvelle fois, pour reprendre les termes d’un récent reportage du Financial Times.

Entre États-Unis et Chine, chacun y va de ses menaces et de ses tentatives de mises en place de contrats exclusifs. Sont visées les productions de batteries, d’écrans et de puces électroniques. Une stratégie indirecte, parallèle à des attaques plus directes entre les deux grandes puissances, comme avec la loi sur le contrôle des exportations américaine du 7 octobre 2022. Ces dernières semaines, la demande pour des puces nouvelles génération capables d’accompagner le développement de l’IA a redoublé l’importance stratégique du secteur.

Pour la première fois depuis près de 20 ans, la Corée du Sud a davantage exporté vers les États-Unis que la Chine en 2022, selon des données de la Banque de Corée publiées en juin et reprises par le journal économique américain. Si les volumes de ventes de marchandises ont augmenté pour les États-Unis, elles ont aussi et surtout baissé en direction de la Chine pour cause notamment « d’ingérence arbitraire dans les entreprises », déclarait le ministre coréen du Commerce, Ahn Duk-geun. Entre 2016 et 2022, les revenus des entreprises coréennes en Chine ont aussi baissé de 37,3 % relate le Financial Times.

Le ministre des Finances Choo Kyung-ho rectifiait le tir en se voulant rassurant : « nous n’avons jamais annoncé de plan de découplage de la Chine, et nous n’avons aucune intention de le faire ». Il ajoutait : « nous ne devrions pas considérer les efforts visant à renforcer les relations avec les États-Unis comme une décision de ne pas tenir compte de la Chine ».

lg display ecrans voiture
En plus de proposer des écrans pour les smartphones, tablettes et ordinateurs, les fabricants d’écran coréens comme LG Display voient l’industrie automobile comme une nouvelle opportunité de marché © LG Display

Le Président chinois visite LG, qui signe le mois suivant avec Apple

En 2022, la Chine reste tout de même en première position des exportations de puces coréennes. Quant aux écrans, le Président chinois Xi Jinping s’est rendu en avril dernier à Guangzhou dans le sud de la Chine, dans le but de visiter une usine coréenne de LG Displays à la fois pour mettre en avant leurs affinités locales, tout en montrant à la fois à la Corée et aux Américains que la Chine allait garder sa mainmise sur de tels partenaires stratégiques.

Pas de quoi effrayer l’entreprise qui signalait le mois suivant avoir sécurisé une production d’écrans OLED pour le compte d’Apple aux États-Unis et ses iPad et MacBook. Une décision indispensable pour une entreprise déficitaire à cause de la baisse de la demande ces trois dernières années.

Le pivot entre Chine et États-Unis est bien là, mais pour l’ancien ministre du Commerce coréen, Yeo Han-koo, « les tensions américano-chinoises […] peuvent être une grande opportunité pour la Corée du Sud ». Il faudra pour cela trouver le bon compromis en profitant des incitations américaines (par les subventions) et en limitant les représailles chinoises. Ne sont pas seulement visées les aides économiques par les États-Unis : en plus de ses termes sur les exportations vers la Chine, les États-Unis tentent de contrôler la production de puces électroniques par la voie des logiciels.

« La Corée est un petit pays coincé entre de grands pays. […] Cela alimente un sentiment perpétuel de crise, cette négativité que vous pouvez observer maintenant. Mais c’est précisément ce sentiment de crise qui pousse le pays à réussir », ajoutait celui qui travaille désormais pour le tkink tank Peterson Institute for International Economics, basé à Washington D.C et qui s’intéresse aux problèmes économiques internationaux.

Partenaire économique et partenaire sécuritaire

Ça ne sera pas tout, car au dualisme se greffent aussi et surtout un ralentissement palpable de la croissance chinoise (après une décennie de boom) et une concurrence accrue de fournisseurs locaux, qui obligent d’une certaine manière la Corée à voir les subventions et ses contrats avec les États-Unis comme une bouée de sauvetage indispensable. Entre production locale pour sauver les contrats chinois et production délocalisée pour satisfaire les demandes américaines, les relations entre la Corée au milieu de la Chine et des États-Unis sont bien plus qu’un jeu d’équilibriste.

Au sein même de la capitale Séoul, l’ambassadeur de Chine menaçait au mois de juin les dirigeants que « ceux qui parient sur la défaite de la Chine le regretteront certainement ». En guise de représailles, pour la Corée comme pour les États-Unis, Pékin peut utiliser l’argument des matières premières qu’il fournit comme le gallium et le germanium (pour les puces et les équipements de communication), du lithium, nickel, du cobalt et du graphite pour les voitures électriques.

Yeo Han-koo expliquait aussi au Financial Times que l’époque « après la Guerre Froide, où nous pensions pouvoir séparer les problèmes économiques des problèmes de sécurité […] est terminée. Nous ne pouvons pas continuer à puiser du réconfort dans une époque révolue ». Chine comme États-Unis sont importants pour la Corée du Sud pour sa défense militaire, particulièrement vis-à-vis de la Corée du Nord. C’est d’ailleurs à partir de là que les liens ont commencé à se fragiliser entre Chine et Corée en 2016 : lorsque Séoul s’équipait de missiles anti-balistiques fabriqués de l’autre côté du Pacifique.

Depuis, partenaire sécuritaire et partenaire économique se mélangent dans les relations de la Corée du Sud vers les États-Unis et la Chine.

hyundai-ioniq-5-disney100-platinum-edition
© Hyundai

Le futur est aussi question de batteries et de voitures électriques (chez les constructeurs, Kia et Hyundai sont coréens). Là encore, les grandes puissances n’hésitent pas sur les politiques protectionnistes et incitent désormais à produire sur leur territoire. Le Trésor américain a ainsi proposé à la Corée de bénéficier des crédits d’impôt, de produire localement avec des facilités mises en place. La Chine a de son côté investi 4 milliards de dollars dans les entreprises coréennes de batteries cette année. Là encore, trouver un juste milieu paraît bien difficile. Mais en cas de réussite, la Corée du Sud se relèverait une nouvelle fois victorieusement centrale.

🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.

Source : Financial Times


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *