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Grosse fatigue

Seul sur le sable, les pieds dans l’eau, son rêve était trop beau. Cet été sur la plage, évitez de demander à un start-upper comment il s’est retrouvé à Tapas-les-flots. Ça peut donner ça.

Ce matin-là, Christophe, mon capital-risqueur, est rentré énervé dans mon bureau. “Faites ce que vous voulez. Diversifiez-vous dans n’importe quel business mais soyez rentable. Vous avez deux mois, après, j’arrête de financer votre Ferrari.” Bon, il n’était pas d’humeur à entendre : “L’essence aussi ?”, alors je me suis mis à bosser.Rentabilité, diversification. Le sexe, Bon Dieu, y’a que ça qui marche sur Internet, tous les news magazines le disent. En deux temps trois mouvements, toutes les filles du service client se sont retrouvé nues devant l’appareil photo de Paulo, le directeur marketing. Même Sylvie, car, après tout, il en faut pour tous les goûts. C’est comme ça que notre site de jouets, Babytoys.com s’est transformé en Babetoys.com. Pourtant, ça n’a pas décollé comme prévu. Quelque chose clochait. Les magazines spécialisés, eux, vantaient le retour de l’Audiotel, le téléphone surtaxé qui a fait la fortune de France Télécom et de l’Etat. Moi, je me voyais bien en Michel Bon ou Laurent Fabius dans deux ans,mais Christophe n’était pas d’accord. “C’est mort ça, coco, tu lis pas assez les magazines américains. Le marché qui explose, c’est le SMS. Les revenus, tu les imagines même pas.”C’est comme ça que Gérard, notre directeur artistique, s’est retrouvé à convertir les photos cochonnes de Sylvie au format SMS. Pour Sylvie, c’était tout bénéf, on pouvait la confondre avec Loana sur mon Nokia. Et puis, Gérard, ça lui rappelait des souvenirs, du temps où il créait des pages Minitel avec d’autres photos cochonnes. La première ligne de son CV. Sans doute que Christophe avait oublié un détail. Babetoys, rebaptisé Babesms.com à la va-vite, n’accrochait pas. Le seul mail d’utilisateur qu’on a reçu nous disait en substance : “Il est vachement mal dessiné votre éléphant en SMS.” Ça n’a pas fait plaisir à Sylvie. Mais c’est elle qui nous a redonné le moral. En apportant sa démission à Jan, mon directeur des ressources humaines suédois, elle est tombée sur un magazine en suédois.Jan, c’est un mec cool. Pas du genre à terroriser le petit personnel, discret et tout ça. Je l’ai fait revenir de ses deux ans de congés pour nous traduire le machin. Et j’ai vachement impressionné Christophe quand je lui ai expliqué que le meilleur moyen d’exploiter le SMS, c’était le jeu. Et voilà comment Sylvie est devenue notre Miss poker en ligne. Stripsms.com, c’était une bonne idée. Le seul jeu de strip poker sur téléphones mobiles, la classe.Notre seule erreur a été de vouloir écouler le stock de poupées Barbie du défunt Babytoys pour récompenser les joueurs. Sans ça, ça aurait marché du feu de Dieu, j’en reste persuadé.On est passé en liquidation juste au moment où je m’apprêtais à lancer la version ” hommes ” de Stripsms, avec Christophe qui venait de se faire lourder de sa boîte de capital-risque. La liquidation a été dure : quelques milliers de photos de Sylvie avec des poupées Barbie et les première prises de Christophe. Ça n’a même pas payé ma condamnation pour racolage. Qu’est-ce que j’y peux, moi, si en tapant www.babytoys.com, les gamins tombaient sur Stripsms ?PS : Notre rendez-vous bimensuel s’interrompt pendant l’été. Nous nous retrouverons le 31 août. D’ici là, bonnes vacances et n’hésitez pas à menvoyer vos histoires de plage par e-mail.

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Alain Steinmann