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Gilbert Montagné : ‘ Il faut équiper les box des FAI de dispositifs vocaux ‘

Gilbert Montagné revient sur le rôle des nouvelles technologies dans l’intégration des personnes malvoyantes dans la cité.

01net. : Quel est l’objet de la mission pour laquelle vous avez été mandaté par le Gouvernement ?


Gilbert Montagné : J’ai remis le 10 janvier dernier
un rapport à Xavier Bertrand
[ministre du Travail, des Relations sociales et de la Solidarité,
NDLR]
sur le mieux-être de l’handicap visuel. Entre le début septembre 2007 et le début janvier de cette année, j’ai rencontré plus de 200 personnes, des représentants des chaînes de télévision, en passant par les acteurs du
monde de l’informatique et des télécommunications, ou encore des industriels, afin d’établir plusieurs propositions pour répondre aux besoins d’intégration des malvoyants.


Nous ne pouvons pas nier que nous avons une déficience. Mais, nous ne devons pas subir un handicap supplémentaire en n’ayant pas accès aux mêmes informations que les voyants. Les nouvelles technologies sont l’une des voies qui permettent
de résorber ce ‘ surhandicap ‘.Vous préconisez la vocalisation des produits de consommation courante, mais les industriels sont-ils prêts à vous suivre ?


J’ai rencontré une centaine d’industriels du monde de l’électroménager, de l’informatique et du multimédia afin qu’ils prennent conscience de la nécessité de vocaliser leurs produits, qui doivent être accessibles à tous. Il ne s’agit plus
de concevoir un produit et de se demander après comment les personnes malvoyantes peuvent s’en servir. Cela doit être pensé en amont. Certains industriels comme Dell sont prêts à le faire. Le constructeur informatique s’est ainsi engagé à intégrer
des logiciels vocaux à la demande dans ses produits.


Il faut savoir qu’acheter un logiciel de reconnaissance vocale coûte plus cher aujourd’hui qu’un ordinateur. Ce qui ne serait pas le cas si cela avait été prévu dès le départ dans les machines. Nous avons rencontré la semaine dernière
l’Afnor [Association française de normalisation, NDLR] afin que la vocalisation devienne une norme. Sans cela, sur des appareils comme les décodeurs, comment voulez-vous que l’on sache qu’une mise à jour est à faire ? Ou
comment naviguer sur la page du menu lorsque nous mettons un film dans un lecteur de DVD ?Comment expliquez-vous que peu de distributeurs automatiques de billets utilisent la vocalisation ?


Cela fait 20 ans que je me bats pour cela. En France, seule la
BNP a répondu présente. Il existe aujourd’hui 800 distributeurs automatiques de billets accessibles aux personnes malvoyantes
grâce à un Jack sur lequel il suffit de brancher une prise casque. La vocalisation est faite en français et en anglais. Pour garder le secret de l’information, dès que le casque est branché, l’écran est annulé afin que personne ne puisse lire
par-dessus l’épaule du malvoyant.


Depuis janvier 2008, tous les nouveaux distributeurs de la BNP intègrent cette technique. De la même manière, les malvoyants ne peuvent consulter leurs comptes bancaires en ligne car il leur est impossible de composer un code sur le
clavier rotatif numérique présent à l’écran. La BNP vient de mettre en place un accès vocalisé à son service en ligne. Au moyen de la touche Tabulation nous choisissons un chiffre et nous le validons pour composer notre code secret.Les écrans tactiles ne vous facilitent pas la vie, considérez vous les nouvelles technologies comme un frein ou une chance pour les malvoyants ?


Les nouvelles technologies sont une chance quand les concepteurs ont l’intelligence de les mettre au service du plus grand nombre. Les constructeurs travaillent sur des GPS entièrement vocaux, y compris pour la saisie de la destination,
qui pourraient nous indiquer devant quel numéro d’une rue nous nous trouvons. Le Nokia N95 8 Go est capable de lire les étiquettes RFID de manière vocale. Ainsi grâce un téléphone mobile, on pourra prochainement savoir quels sont les objets que
l’on touche dans les supermarchés.Vous êtes un adepte d’Internet, comment jugez-vous l’accessibilité des sites ?


Il y a encore beaucoup de travail à faire en ce domaine. Le W3C a défini des normes afin que les sites soient accessibles aux malvoyants. De même, braillenet.org met en ligne des ressources pour indiquer aux webmasters comment rendre leur
site accessible. Ils n’ont plus d’excuse pour ne pas le faire.Pour parcourir une page, nous nous servons des raccourcis clavier. Il faut que les liens soient définis comme des liens hypertextes, et non pas cachés dans des images, sinon comment pouvons nous savoir où cliquer ? Si on ne peut
exiger que les sites Internet soient conçus pour tous, la Cnil pourrait exiger que les sites Internet inaccessibles aux personnes malvoyantes l’indiquent en haut de leur page d’accueil. Que les choses au moins soient claires.D’une manière générale, souscrire un abonnement auprès d’un FAI, brancher sa box, c’est facile ou non ? Existe-t-il des améliorations à faire dans ce domaine ?


Il faut que les Livebox, Freebox et consorts soient vocalisées. Quand j’appelle la hot line, la première question que l’on me pose est : quels sont les voyants qui clignotent sur votre box ? Je suis incapable
de répondre, et la personne à l’autre bout du fil est incapable de m’aider. Il faudrait que les hot lines soient gratuites, à l’instar des renseignements téléphoniques qui sont accessibles gratuitement aux personnes malvoyantes
grâce à une carte, car nous avons il est vrai un peu plus besoin d’assistance que les autres.Vous prônez l’audiodescription pour accompagner les séquences sans dialogues des films. Sur Internet, les vidéos et les images se multiplient. Cette technique doit-elle être, ici aussi, exploitée ?


L’audiodescription doit devenir une norme pour l’audiovisuel sur Internet, comme dans les salles de cinéma. Des expérimentations ont été menées. Au moyen d’un petit casque nous pouvons suivre les scènes sans dialogue qui nous sont
décrites, et cela sans gêner les autres spectateurs. Ceci doit devenir une réalité dans toutes les salles.

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Propos recueillis par Hélène Puel