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France Télécom promet d’excellents résultats… en 2002

En présentant les comptes 2001 de son entreprise, Michel Bon s’est livré à un exercice délicat : expliquer pourquoi France Télécom affichait une marge record avec un déficit de 8,23 milliards d’euros.

Maintenir les activités internet en France et se débarrasser de ses filiales UMTS, câble et réseaux à l’étranger. Ainsi résumée, la stratégie de France Télécom est claire. Pourtant, la situation est paradoxale chez l’opérateur historique. D’un côté, le groupe n’a jamais dégagé autant d’argent. De l’autre, il affiche une perte record de 8,23 milliards d’euros, la première depuis qu’il est devenu, en 1990, une entreprise à part entière. Maigre consolation : il n’est pas le seul dans ce cas.Comme pour ses homologues européens, cette contradiction est imputable aux coûteuses acquisitions de ces dernières années. Les rachats à répétition ont, d’abord creusé la dette. Aujourd’hui, la “bulle spéculative” s’étant dégonflée, ils le contraignent à compenser les écarts entre leur prix d’achat et leur valeur actuelle. Pourtant, en dépit de ce chiffre effrayant de 8,23 milliards d’euros, “l’avenir de France Télécom est serein”, rassure Michel Bon. Une affirmation que le PDG fonde sur trois arguments.

Plus d’abonnés et moins de salariés

D’abord, le marché se porte bien. Le ralentissement économique semble l’avoir épargné : hausse de 13 % du trafic téléphonique, augmentation du nombre de mobiles vendus et apport de 3,2 millions de nouveaux foyers connectés à internet. Cette bonne santé profite à France Télécom qui, en 2001, totalisait dans l’Hexagone plus de 55 millions d’abonnés, soit 20 millions de plus qu’en 1996, date de l’ouverture à la concurrence. S’y ajoutent ses 36 millions d’abonnés hors des frontières.En parallèle, l’entreprise affirme avoir fait de solides progrès en efficacité : son activité augmente alors même qu’elle compte 24 500 emplois de moins qu’en 1995. Depuis cette date, la productivité a augmenté en moyenne de 11 % l’an par rapport au nombre de clients et elle a été multipliée par six par rapport au trafic transporté. S’en suivent de bons résultats opérationnels, avec une progression du chiffre d’affaires de 27,8 % (+ 8,5 % proforma), à 43,03 milliards d’euros ; un résultat brut opérationnel (Ebitda) qui grimpe de 14 %, à 12,32 milliards d’euros ; et un résultat net avant écart d’acquisition et provisions exceptionnelles qui augmente de 7,1 %, à 5,20 milliards d’euros.Le moteur de la machine France Télécom est donc sain, plaide Michel Bon. Le deuxième argument porte sur la maîtrise des dépenses auxquelles il doit faire face après ses rachats et prises de participations dans des opérateurs étrangers. “Toutes nos acquisitions n’ont pas été heureuses”, admet Michel Bon. De fait, le retournement de conjoncture en a fortement déprécié certaines, obligeant France Télécom à passer pour 10,21 milliards d’euros de provisions exceptionnelles, tant pour combler les écarts d’acquisitions passées que pour faire face à une détérioration prévisible de la situation dans quatre dossiers.

Vendre des actifs pour expurger la dette

Mais une fois cet effort consenti, Michel Bon estime que la situation sera assainie. La mécanique France Télécom sera alors apte “à générer du cash”, lancée sur les nouvelles activités qui, parvenues à maturité, produiront assez de recettes pour remonter la pente.Enfin, dernier argument du PDG, “la dette est sous contrôle” et elle sera réduite, conformément aux prévisions, “même dans un scénario catastrophe”. Son encours a reculé de 4,2 milliards d’euros mais s’élève néanmoins aujourd’hui à 60,7 milliards d’euros, soit environ cinq fois l’excédent brut d’exploitation. Un gouffre. En 2000, le rachat d’Orange a, par exemple, coûté plus de 43 milliards d’euros, dette comprise. France Télécom n’avait pas pu payer en actions, car la part de l’Etat dans l’opérateur serait alors tombée au-dessous de 50 %, ce que son statut actuel ne permet pas. L’opérateur a donc dû verser plus de 22 milliards d’euros en cash… et creuser la dette. Mais dans l’euphorie de l’époque, pour France Télécom comme pour ses homologues, rien ne paraissait trop cher.Aujourd’hui, la fièvre est retombée et, pour tenir ses engagements de désendettement, l’opérateur a recours à la vente d’actifs non stratégiques. A ceux déjà annoncés (Casema, Noos, Numéricable…) pour 3 milliards d’euros, France Télécom ajoute désormais les noms de TDF, Wind (Italie) et des consortiums de satellites (Intelsat et Eutelsat notamment) qui rapporteraient 8 milliards d’euros supplémentaires.Les explications de l’opérateur n’avaient jusque-là pas convaincu les analystes. Ce qui incite Michel Bon à lancer une “opération transparence”, consistant à envisager le pire (scénario noir) : cours de la Bourse toujours bas, litiges tournant en sa défaveur, etc. “Mais avouez qu’il y a quand même peu de risques que toutes ces hypothèses se réalisent”, lance-t-il. La dette s’alourdirait alors de 17,1 milliards d’euros sur la période 2002-2005.

Les nouvelles activités aujourd’hui matures

Pour y faire face, Michel Bon estime pouvoir mettre en balance 32 milliards d’euros en raclant les fonds de tiroir (cessions d’actifs pour 17 milliards d’euros au total) et, surtout, avec l’appoint de trésorerie généré par la “machine à faire du cash” (14 milliards d’euros). Il écarte l’augmentation de capital à bas prix ou de nouvelles cessions bradées.A l’appui de cette belle confiance, une théorie : celle de l’arrivée à maturité des nouvelles activités. Le téléphone fixe est un secteur mature : les investissements sont faibles et il génère du cash (la partie données et entreprises prenant le relais de la téléphonie grand public). Par contre, les mobiles et internet, activités nouvelles, ont entraîné jusqu’à présent beaucoup d’investissements sans rien rapporter. Aujourd’hui, estime Michel Bon, elles sont parvenues à maturité et vont générer des recettes. Et de citer l’exemple d’Orange, dont les revenus opérationnels sont quasiment parvenus l’équilibre en 2001. Selon le scénario noir, la dette serait de 58,3 milliards d’euros fin 2003 et de 49,7 milliards d’euros fin 2005. Selon le scénario optimiste, elle passerait à 44,8 milliards d’euros fin 2003 et à 33,2 milliards d’euros fin 2005.Le message semble être passé auprès des analystes financiers. L’action qui, après un plancher historique de 28,1 euros en septembre 2001, stagnait à 30 euros, remonte doucement depuis l’annonce des résultats.

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Jean-Pierre Soulès