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Et si la 5G servait surtout… à améliorer la 4G ?

Présentée comme l’équivalent de la fibre pour le réseau mobile, la 5G pourrait ne pas apporter le gain en performances attendu auprès du grand public. Les choix qui vont être faits par le gouvernement et le régulateur vont peser.

Dix fois plus de débit, dix fois plus de capacité, dix fois moins de latence. C’est la promesse de la 5G par rapport à la 4G vantée par les acteurs des télécoms. De quoi atteindre le niveau de performance de la fibre optique sur le réseau mobile. Sauf que les choses ne s’annoncent pas aussi simples. « La vitesse, la couverture et la qualité des services 5G dépendront de la volonté des gouvernements et des régulateurs de soutenir un accès en temps opportun à la bonne quantité et au bon type de fréquences, sous les bonnes conditions ». Cette mise en garde a été adressée par l’association d’opérateurs et de constructeurs GSMA qui, vient de publier ses recommandations concernant la 5G.

Et effectivement, les décisions du gouvernement et de l’Arcep vont peser lourd sur le lancement et l’adoption de la 5G à l’horizon 2020. En charge du dossier, le président de l’Arcep Sébastien Soriano, la secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Economie et des finances Delphine Geny Stephann, ainsi que Julien Denormandie, devenu récemment ministre chargé de la Ville et du Logement mais qui conserve la charge de la couverture numérique du territoire. Tous les trois vont devoir effectuer de délicats arbitrages.

La couverture du territoire en question

Plusieurs choix doivent être faits. A commencer par le mode d’attribution des fréquences. En Italie, les quatre opérateurs ont déboursé 6,55 milliards d’euros lors d’une folle mise aux enchères début octobre. « Un parfum des années 2000 » suscitant « l’effroi » pour le directeur général de la Fédération française des télécoms Michel Combot, auditionné ce matin sur le sujet par l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques au Sénat. Tout cet argent dépensé sera autant de ressources en moins investies dans la couverture du territoire pour les opérateurs. Et cela pourrait les inciter à porter essentiellement leurs efforts dans les zones denses les plus rentables. Le scénario d’une 5G à deux vitesses est donc à craindre, d’autant qu’il est de moins en moins probable que des obligations de couverture de la population et du territoire soient fixées, comme c’est le cas actuellement avec les autres standards.

À lire : Et si la 5G n’était pas déployée partout en France ?

Certes, il n’y a pas eu d’enchère à l’occasion du renouvellement anticipé des fréquences 900 MHz, 1800 MHz et 2,1 GHz mais cela relevait de l’exceptionnel, dans le cadre du New Deal conclu en début d’année. Il n’est donc pas du tout question d’abandonner ce système en France, même si certains pays s’en abstiennent comme le Japon. « Il y a encore une équation à résoudre », a expliqué Sébastien Soriano à l’agence Reuters fin octobre.
« Pour éviter que la compétitivité de l’attribution ne se transforme en prix élevés, il faut être inventif ». L’idée qui se profile est donc de trouver un garde-fou pour éviter que les sommes ne grimpent trop. Lequel ? La question est encore à l’étude.  Pour y répondre, l’Arcep a lancé une grande consultation ouverte jusqu’en décembre. 

Le débit dépendra de la quantité de fréquence disponible

Autre épineux sujet, savoir quelle fréquence rendre disponible, à quelle quantité et quand. « Le spectre, c’est une ville champignon où beaucoup de gens veulent s’installer », a avancé le directeur général de l’ANFR Gilles Brégant, lors de son audition ce matin au Sénat. Il a rappelé que le réseau mobile doit partager le spectre, par exemple, avec des opérateurs satellites ou les militaires. Or, la 5G va être extrêmement gourmande en fréquences. Elle pourra s’appuyer principalement sur le 26 GHz, et le 3,5 GHz. Et il est envisagé un renfort du côté du 700 MHz, aujourd’hui attribué à la 4G, et du 1400 MHz, utilisé actuellement pour des applications sensibles mais qui poserait des problèmes de libération.

Le 26 GHz – les fameuses ondes millimétriques – est attendu pour doper le débit du réseau mobile car c’est une fréquence haute disposant d’une bonne largeur de bande mais elle souffre d’une faible propagation. Le principal problème se situe au niveau du 3,5 GHz, une bande plus basse qui servirait à couvrir jusqu’à 90% du territoire. Ses inconvénients : peu de spectre disponible et des risques de brouillage avec le THD radio qui utilise la même fréquence. Le site Nextinpact a détaillé les choix possibles. Rendre peu de spectre disponible dès 2020. Ou attendre 2026 lorsque le 3,5 Ghz aura été libéré. Dans un cas comme l’autre, le public risque d’être déçu, accédant partiellement à la 5G tout de suite ou tardivement à ce standard dans toutes ses capacités.

La 5G va désengorger la 4G

Les opérateurs craignent enfin le scénario d’une attribution géographique des fréquences, permettant notamment à certains acteurs comme Renault ou EDF, de se porter candidats. « Le fait de réserver du spectre en priorité dans les bandes 5G pour les verticaux pourrait remettre en cause le succès des services 5G publics et conduire à un gaspillage de fréquences. Des approches de partage comme le leasing sont de meilleures alternatives lorsque les verticaux ont besoin d’accéder aux fréquences », redoute le GSMA dans son rapport précédemment cité.

L’arbitrage du gouvernement et de l’Arcep ne sera donc pas chose aisée. Ils annoncent en tous cas être en mesure de lancer un appel à candidatures mi 2019 pour un déploiement à partir de 2020. Mais ce qui inquiète le plus finalement, c’est la prudence générale du discours des opérateurs. Michel Combot a exprimé aujourd’hui tout haut ce que les acteurs des télécoms disent tout bas : la 5G va surtout servir à désengorger la 4G les premières années en libérant des ressources dans les zones denses soumises à une intense utilisation du réseau mobile. Certes, cela veut dire que l’expérience moyenne grand public 4G s’améliorera. Mais ce confort gagné est loin du rêve de nouveaux usages mobiles en réalité virtuelle et augmentée. Difficile dans ces conditions de convaincre les abonnés de payer plus pour souscrire à des forfaits 5G haut de gamme.

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Amélie Charnay