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Eric Ecoutin (Oravep): “La formation en ligne n’est pas forcément moins chère”

Eric Ecoutin, chargé d’études à l’Observatoire des ressources pour la formation (Oravep), travaille à l’élaboration d’un guide sur les plates-formes et les dispositifs d’e-learning. Selon lui, des efforts considérables restent à faire pour que la e-formation tienne ses promesses.

Les plates-formes d’e-learning répondent-elles, à l’heure actuelle, aux besoins des grandes entreprises et des écoles ?Pas encore. La majeure partie des plates-formes ne sont pas encore pourvues en gestion documentaire. Il est impossible de faire un lien automatique entre une bibliothèque virtuelle et des formations en ligne. C’est plutôt gênant pour l’élaboration d’une formation réellement complète. Par ailleurs, la gestion des référentiels, c’est-à-dire des objectifs des formations, est encore rare alors que c’est un élément important dans une logique d’industrialisation du processus d’e-learning. Concrètement, qu’apporterait une automatisation de la gestion des référentiels ? Dans notre jargon, le référentiel correspond aux savoirs et aux compétences que le stagiaire doit acquérir pour voir sa formation validée. Lorsqu’on numérise les cours, une partie des fiches des modules correspond aux référentiels. Or il arrive, par exemple, que deux cursus différents aient certains objectifs communs parce que les cours contiennent des modules identiques. Un lien automatique entre les référentiels de ces cours permet une gestion automatique du changement en cas d’évolution des modules : il suffit de saisir une seule fois le changement pour qu’il soit validé pour tous les cursus auxquels correspondent ces modules. Vous imaginez, pour une entreprise ou pour une école, l’épargne de temps et d’énergie que cela représente ! De plus, les apprenants devraient pouvoir avoir accès aux référentiels, car ils sont les premiers intéressés. D’où la nécessité de les gèrer sur un logiciel de type plate-forme. L’industrialisation des cours en ligne conduira-t-elle à la disparition de l’enseignement traditionnel ?Même industrialisés et bien pensés, les cours en ligne tels quels ne sont pas suffisants. La formation à distance est une bonne alternative, mais l’expérience montre que la pratique mixte formation traditionnelle-formation en ligne, est bien installée. Il ne faut pas chercher à se passer de professeurs. L’e-learning est d’autre part encore confronté un à vrai problème pédagogique.A quel problème pensez-vous ?D’après mes observations, dans les universités comme dans les entreprises, la réalisation de travaux collaboratifs en ligne est encore rare. Nous savons pourtant qu’un excellent moyen d’apprendre est justement de mettre en ?”uvre ce type de travail à plusieurs et à distance.
Prenons un exemple : on demande à quatre étudiants de réaliser ensemble un portail d’e-commerce. Le projet est étalé sur trois mois. Les étudiants doivent, à distance, travailler ensemble pour faire aboutir le projet. S’ils le concrétisent, leur expérience sera extrêmement intéressante pour un futur employeur. Les dispositifs de formation devraient donc prendre en compte cette dimension. Il faudrait également aider les professeurs et les étudiants dans cette démarche qui impose de profonds changements de conception de l’apprentissage puisque le professeur se pose plus comme un guide que comme un détenteur de savoirs. Le travail collaboratif en ligne dans le cadre de l’enseignement n’existe donc pas ? Mais si, il existe ! Mais il n’est pas fréquent. L’université de Limoges qui a mis en place un DEUST et une maîtrise en ligne est à cet égard un bon exemple. On y rencontre des démarches avancées de partage des connaissances et de travail commun en ligne. Mais il reste encore beaucoup à faire pour que ce type de formation soit vraiment ancré dans les pratiques et organisé de façon cohérente. L’avantage de la formation en ligne serait alors l’économie financière ?Non, contrairement aux idées reçues, la formation en ligne n’est pas forcément moins chère. Si l’on souhaite réellement apporter aux apprenants un soutien humain comparable à ce qu’on trouve dans le monde réel, il faut arriver à créer de véritables classes virtuelles. Les nouvelles technologies ne permettent pas encore de réunir des classes de 30 personnes. Donc, pour l’instant, on utilise la visioconférence en one to one, et ça coûte beaucoup plus cher qu’un cours normal.Pourtant, des entreprises comme T3W proposent des solutions de classes virtuelles.Absolument. C’est un bon exemple (voir encadré ci-dessous), mais je pense que la pratique de formation en classe virtuelle demeure très compliquée. Il est toujours difficile de conserver un degré d’interactivité fort quand le nombre d’apprenants augmente. Imaginez un amphithéâtre en ligne ! Ca n’existe pas encore. Mais alors, qu’est-ce qui marche dans la formation en ligne ? En fait, ce qui marche le mieux, ce sont les messageries. Vient ensuite le chat synchrone en ligne. L’institut polytechnique de Lorraine propose par exemple des travaux dirigés en ligne avec ce moyen de 19 heures à 23 heures, et ça marche bien. La technologie est peu coûteuse et elle représente un vrai pilier de la formation. De simples mails valent parfois mieux qu’une solution technologique trop compliquée.

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Mélusine Harlé