Passer au contenu

Dur labeur

Ah, l’honnête homme que voilà ! Rubis sur l’ongle, il a franchi le Rubicon, il a dit tout haut à New York ce que Porto Allegre…

Ah, l’honnête homme que voilà ! Rubis sur l’ongle, il a franchi le Rubicon, il a dit tout haut à New York ce que Porto Allegre cachait tout bas. Pendant qu’ici, le monde décravaté se donne l’accolade autour d’un verre de punch bio, là-bas des gens sérieux rappellent la vérité en brandissant un verre d’eau : “Mesdames et messieurs les antitout, dansez si vous voulez, mais sachez-le, le but ultime de l’entreprise est de faire des profits et de créer de la valeur à long terme pour ses actionnaires.” Le président de Nestlé aura au moins fait plaisir aux siens : nul doute que cette déclaration lui évitera de rejoindre la cohorte honteuse des PDG débarqués comme des malpropres, victimes propitiatoires d’un petit rhume à -99 % en Bourse ou de milliards de dollars de pertes ridicules. Les travailleurs de l’entreprise doivent travailler pour l’actionnaire, la messe est dite, la pendule est à l’heure, les fouets de la productivité sont astiqués, au boulot ! J’aime quand les règles sont claires, posées sur la table comme les livres de la loi. Bon, d’accord, il y a un bémol dans l’axiome : ce cher président n’a pas rappelé pour qui travaillait l’actionnaire. Et d’abord, est-ce que l’actionnaire a le droit de travailler ? L’autre problème avec ces règles, c’est que tout le monde va vouloir devenir actionnaire, y compris les travailleurs. Alors si les travailleurs se mettent à travailler pour eux, où va-t-on ? Vous voyez, tout n’est pas réglé mais ne vous inquiétez pas, on va trouver la solution. On pourrait postuler que l’actionnaire travaille pour son actionnaire, lequel ?”uvre pour le sien, etc. On remonterait jusqu’aux fonds de pensions américains qui paient les retraites des pompiers de New York, lesquels l’ont bien mérité. On dirait aussi qu’il y a deux sortes de travail : le boulot facile du travailleur qui crée de la valeur pour l’actionnaire et le dur labeur de l’actionnaire qui dépense cette valeur. Les producteurs de richesse d’un côté, les consommateurs de l’autre. Bon, cette dualité nest pas nouvelle mais, si elle marche, où est le problème ?

🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.


La rédaction