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Dessine-moi une auto

C’est à deux pas de Paris que PSA Peugeot Citroën a installé son centre de design. Visite d’un lieu où la technologie fait du rêve automobile une réalité.

Tout commence par un dessin. Une idée tracée au crayon, quelques traits seulement. La création d’une nouvelle voiture a toujours débuté ainsi. Aujourd’hui encore. Mais passé cette première ébauche, la haute technologie, voire la technologie futuriste s’imposent. Une visite au centre de design de PSA Peugeot Citroën suffit pour s’en convaincre. Installé depuis octobre 2004 à Vélizy, en région parisienne, l’ADN (Automotive Design Network) accueille sur 70 000 m2 les équipes de recherche et de développement et les studios de style des deux grandes marques françaises. Pour autant, les troupes de Peugeot et de Citroën ne se côtoient pas, ceci afin de préserver le caractère propre à chaque marque et la confidentialité des projets. Ils partagent néanmoins les outils les plus sophistiqués mis à leur disposition, à savoir les salles de projection 4K, l’imposant dôme d’exposition, les ateliers de fabrication de maquettes ou encore l’impressionnant dispositif Cave. Les moyens informatiques employés pour le fonctionnement des infrastructures sont réellement colossaux. Certains systèmes très complexes ont été développés en partenariat avec les principaux acteurs du secteur, comme Intel, Nvidia ou HP. Ils ont été mis en œuvre par la Direction des systèmes informatiques du site. Lors de notre visite à l’ADN, c’est le style Peugeot que nous avons pu découvrir. Là où tout commence… par un dessin.

Le Sketch 2D

Parmi les trente designers de Peugeot (il y en a autant chez Citroën), certains dessinent au crayon noir avant de scanner la feuille et d’effectuer la mise en couleur sous Photoshop ou Painter. D’autres privilégient la palette graphique telle cette Wacom Cintiq dotée d’un écran tactile rotatif de 21,3 pouces et d’un stylet numérique. La phase de dessin, ou Sketch 2D, représente plusieurs mois dans la vie d’un projet. Au départ, les stylistes sont mis en concurrence. Chacun d’entre eux va faire une dizaine de propositions qui seront soumises aux responsables du bureau du style de la marque et à la direction. À la fin de cette première sélection, seuls cinq projets seront retenus et déboucheront sur la création des premières maquettes en polystyrène, à l’échelle 1/4 ou 1/5. Les designers vont continuer de faire évoluer ces propositions pour n’en retenir que deux, à l’issue de la phase de “ sélection de style ”. Deux mois plus tard, un seul projet sera finalement retenu. C’est lui qui débouchera, après de nouvelles modifications et trois ans de développement, à la création d’un nouveau véhicule.

La salle de présentation

Cette salle, créée il y a moins d’un an, permet de présenter à la fois le modèle physique d’un véhicule sous un éclairage spécifique de type “ lumière du jour ” et le prototype numérique sur des écrans de cinéma, une fois la salle plongée dans le noir. L’affichage est assuré par deux vidéoprojecteurs Sony 4K LCOS qui montrent chacun une image de 6 m de base en 4 096 x 2 048 points. Dans cette définition époustouflante, chaque pixel mesure moins de 1,5 mm de côté. Les images 3D visibles ici offrent la qualité la plus proche du modèle physique. Le rendu en ray tracing de clichés d’une telle précision exige une puissance phénoménale. Les calculs sont effectués en temps réel par un cluster (grappe) de cinq PC épaulés par dix Quadro Plex Nvidia, eux-mêmes composés de deux cartes graphiques Quadro FX 5800. Situé à un autre étage du bâtiment, ce cluster assure l’affichage des images de plusieurs autres salles de projection de l’ADN.

La salle de projection 3D

L’utilisation de la réalité virtuelle dans les phases de conception du véhicule est aujourd’hui devenue incontournable. En plus d’offrir une immersion bien supérieure à celle des écrans de projection classiques, elle permet de réduire le nombre de maquettes physiques, très coûteuses à réaliser. Autre atout de la réalité virtuelle, les participants peuvent interagir avec l’environnement. Pour cela, ils utilisent une simple manette Wiimote de Nintendo. Le choix de ce périphérique n’est pas anodin. Outre le fait qu’il est doté de la technologie Bluetooth et donc aisé à programmer, il est également rassurant pour l’utilisateur, qui, très souvent, s’en est déjà servi pour jouer et ne craint pas de le manipuler, voire de le laisser tomber. L’affichage des images est assuré par deux vidéoprojecteurs, un pour chaque œil, placés au-dessus de la console de commande. Les spectateurs perçoivent la 3D au travers de lunettes polarisées.

Les salles de travail

L’ADN compte une douzaine de salles de travail. Les écrans à échelle 1 qui les composent permettent aux stylistes de Peugeot ou de Citroën de présenter leurs travaux, aux techniciens de travailler sur des documents de CAO, et au directeur du style de chaque marque de contrôler l’avancée du projet. L’affichage est assuré par un projecteur DLP Barco XLM-H25 offrant une définition native de 2 048 x 1 080 points et une puissance maximale de 28 000 lumens. Il est placé derrière l’écran semi-transparent, ce qui donne la possibilité aux intervenants de s’approcher au plus près de la toile sans que leur ombre ne vienne gêner la lecture de l’image. Le projecteur peut afficher quatre sources différentes, séparément ou ensemble. Notamment des images 3D très haute définition, calculées en temps réel par le cluster déporté.

Le Cave

Installé au moment de la construction du centre ADN, le cave (Cave Automatic Virtual Environment), utilisé à la fois par Peugeot et Citroën, est l’unique exemplaire employé en France à des fins industrielles. Il s’agit d’un système de réalité virtuelle composé d’une cabine de projection à cinq faces capable d’afficher des images en 3D stéréoscopique en 1 280 x 1 024 points via des lunettes actives à cristaux liquides. Les capteurs (petites sphères), situés sur les lunettes et sur le périphérique de pointage, permettent aux caméras de tracking, de localiser la position de l’utilisateur dans l’espace. Le dispositif est alimenté par un cluster graphique de douze PC qui fonctionne sur un réseau InfiniBand offrant un débit de 40 Gbit/s. Le Cave est notamment destiné à tester l’ergonomie du poste de conduite, l’accès aux commandes ou encore la visibilité. Le local technique du Cave et ses cinq projecteurs Barco occupent un volume vingt fois plus important que celui de la seule cabine de réalité virtuelle.

La fraiseuse 3D

Parce que l’on ne vend pas du virtuel à un client, les maquettes 3D demeurent indispensables dans la phase de conception d’un véhicule. Fabriquées par l’américain Tarus, ces fraiseuses cinq axes à commandes numériques réalisent les plans des futures autos de Peugeot et de Citroën jusqu’à l’échelle 1, en polystyrène ou en argile. Montées sur coussin d’air, ces machines peuvent être déplacées très facilement par les techniciens qui les manipulent. Les mouvements de la fraise sur les cinq axes sont calculés par un logiciel d’usinage à partir du modèle 3D du véhicule réalisé en CAO. Le fichier se compose de plusieurs dizaines de milliers de points correspondant aux positions de la fraise sur le bloc d’argile ou de polystyrène. De quelques heures à une journée sont nécessaires pour sculpter une maquette complète, suivant le niveau de précision souhaité.

Le studio Couleurs et Matières

Alors que les designers automobiles imaginent les lignes extérieures et intérieures des véhicules de demain, l’équipe de Couleurs et Matières s’attelle à une tâche tout aussi cruciale. Ce sont eux qui choisissent les textures, les teintes et les décors qui composeront l’extérieur et l’intérieur de la future voiture. Pas question pour autant de suivre la mode puisque ces designers travaillent sur des véhicules qui seront lancés dans trois ou quatre ans. Alors, pour trouver l’inspiration, ces spécialistes s’entourent d’une multitude d’objets qu’ils classent par thèmes ou par textures, et qu’ils mêlent à des accessoires automobiles. Pour concrétiser la vision des chefs de projet, les textiles, les couleurs et les accessoires sont modélisés à l’aide de différents logiciels avant d’être présentés aux responsables du projet et à la direction générale. En ce qui concerne les textiles, le studio de Peugeot utilise le logiciel Patchwork3D de Lumiscaphe, spécialisé dans la mise à plat de surface. Ce puissant outil simule le comportement d’un textile, de ses plis ou de sa densité, ce qui permet de le gainer sur un objet 3D avec beaucoup de réalisme.

Le Dôme

C’est dans cet immense local que sont prises toutes les décisions stratégiques liées aux projets véhicules. Il se compose de deux parties. D’un côté, la salle de projection numérique ; de l’autre, le hall d’exposition physique. La salle de projection comprend trois écrans capables d’afficher une voiture à l’échelle 1. Trois vidéoprojecteurs Barco installés dans des caissons insonorisés et thermorégulés présentent chacun une image de 2 048 x 1 080 points. Les trois écrans sont montés sur rail et peuvent être rangés de manière à dévoiler la terrasse extérieure, qui permet aux spectateurs de découvrir les modèles physiques sous une lumière naturelle. En outre, à tout moment, les invités ont la possibilité de passer de l’image numérique au modèle physique : à chaque présentation, des maquettes à l’échelle 1 montrant différentes versions du projet en cours de développement sont disposées sous l’immense dôme éclairé par un système de lampes de type “ lumière du jour ”. Les projecteurs délivrent une puissance comparable à celle libérée dans les stades de football.

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Philippe Fontaine