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Critiquer son patron sur Facebook est un motif de licenciement

Le conseil des prud’hommes a jugé fondée la décision d’Alten qui a licencié trois de ses employés pour dénigrement sur Facebook. L’argument de la correspondance privée n’a pas été retenu.

Quand on est salarié, mieux vaut mesurer les mots que l’on utilise pour parler de son patron sur Facebook. Trois salariées d’Alten viennent de voir leur licenciement confirmé par le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt. Ce dernier estime que les faits reprochés par leur employeur, à savoir la publication de messages injurieux à son égard, postés sur le réseau social, constituent un motif valable.

Les faits remontent à décembre 2008. Trois salariées se connectent un samedi soir, depuis leur domicile, sur Facebook. Elles publient sur leur « mur » des propos mettant en cause leur direction, mais aussi le directeur des ressources humaines. Ces messages ne sont accessibles qu’aux personnes acceptées en tant qu’amis sur Facebook. L’un d’entre eux, un collègue, en fait un copier-coller et les transmet à leur employeur commun.

La direction d’Alten n’a pas apprécié la teneur des propos et a décidé de se séparer de ces employées trop bavardes pour faute grave, sur les motifs d’incitation à la rébellion et dénigrement de l’entreprise.

Internet reconnu comme un espace public

Deux des personnes licenciées ont décidé de porter l’affaire devant le tribunal des prud’hommes en mai dernier. Elles considèrent que les propos ont été tenus dans le cadre privé, puisqu’elles ont agi en dehors des heures de travail et en utilisant leur propre matériel (ordinateur et connexion personnels). De ce fait, les messages postés sur leur mur relèvent de la correspondance privée.

Ces arguments n’ont donc pas été retenus par le conseil des prud’hommes. « Cette décision entérine le fait qu’Internet est un espace public, explique Diane Mullenex, avocate à la cour et responsable du département technologie média et communications du cabinet Ichay et Mullenex. Chaque salarié a le droit à la liberté d’expression, mais tant qu’il s’en tient à ne pas franchir la limite de l’injurieux ou du diffamant ».

Des jugements similaires ont déjà eu lieu à l’étranger, notamment en Angleterre. « C’est une première en France. Certains salariés ont déjà été condamnés pour avoir tenu des propos diffamants vis-à-vis de leur employeur, mais dans ces cas, ils avaient utilisé des moyens mis à disposition par leur employeur, comme un intranet. Dans le cas d’Alten, tout s’est passé au domicile des employés », précise Diane Mullenex

Veiller à l’e-reputation

L’avocate estime cependant que le jugement est un peu sévère. « Retenir le motif d’un licenciement pour faute grave caractérisée est peut-être exagéré quand on sait que les propos tenus se limitaient à parler d’un “club des néfastes” pour qualifier l’entreprise. » Maître Gregory Saint-Michel, l’avocat des deux salariés, a indiqué à l’AFP vouloir faire appel.

Cette histoire rappelle en tout cas la nécessité de réfléchir à deux fois avant de mettre en ligne un message, la frontière entre sphère publique et privée n’étant pas de mise sur le Net. Ce conseil ne se limite pas aux propos injurieux portés à l’égard d’un tiers ou d’une entreprise. Il s’applique également à toutes sortes de contenus qui pourraient porter préjudice à l’identité numérique de leur auteur. Les employeurs n’hésitent plus à vérifier l’e-réputation d’un candidat à l’embauche, mieux vaut que ce qu’ils trouvent fasse état de son sérieux.

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Coralie Cathelinais