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Comment un collectif citoyen veut obliger Amazon à payer ses impôts en France

Un recours en justice vient d’être déposé contre Amazon au motif d’un « préjudice de solidarité » au détriment des contribuables français. L’association I-Buycott a mobilisé plus de 770 personnes. 

Si Amazon a bouleversé le domaine de la logistique dans le monde, ses détracteurs innovent, eux-aussi, en matière juridique pour mieux l’attaquer. Depuis jeudi 12 décembre, l’association militante I-Buycott a lancé un recours en justice contre l’entreprise de Jeff Bezos au nom d’un «préjudice de solidarité ». 

« Soit c’est nous qui payons pour eux, soit ce sont des coupes budgétaires pour le service public ! », s’insurge Leyent Acar, co-fondateur de l’association. « Les impôts qu’Amazon ne paie pas, c’est un manque à gagner pour tous les Français. »

Un texte de 1804 contre le géant du e-commerce

Pour faire plier le géant américain, le recours -assez audacieux- s’appuie sur l’article 1240 du Code civil. « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer », précise le texte de 1804. Ce qui est mis en cause, c’est le principe de «responsabilité» en droit français. En clair, « dès que quelqu’un commet une faute et cause un préjudice à quelqu’un, il doit le réparer », explique Me Elisabeth Gelot, l’avocate du barreau de Lyon (Rhône) qui va défendre le dossier.

Capture d’écran vpourverdict.com

« C’est la première fois »

« La question n’est pas de savoir si l’évasion fiscale d’Amazon est illégale ou pas, fait valoir l’avocate. Nous voulons faire constater que l’optimisation fiscale d’Amazon entre 2006 et 2014, telle qu’elle a été établie par la Commission européenne le 4 octobre 2017, porte préjudice à tous les contribuables français », plaide Me Elisabeth Gelot. « C’est la première fois que ce motif sera soumis aux juges ».

Derrière ce chef d’accusation inédit, les militants dénoncent l’évasion fiscale du géant américain. I-Buycott exige « le paiement des sommes réellement dues à l’Etat français, et la transparence totale au niveau des résultats financiers d’Amazon en France et en Europe ». Ce recours en justice s’inscrit dans le cadre d’une campagne de boycott lancée en mars dernier, « I-boycott.org ». 

« Avec cette action, on passe à la vitesse supérieure », explique Leyent Acar. « Plus de 6 500 personnes s’étaient rassemblées contre Amazon, qui n’a pas daigné répondre. »

Un millier de signataires d’ici le 11 janvier 2020

I-Buycott s’était donné un mois pour réunir 300 personnes. Cinq jours plus tard, ils sont 771 à avoir contribué, sur la plate-forme vpourverdict, un outil de mutualisation de service juridique. L’objectif a été rempli en moins de 48 heures. « On espère dépasser le millier », glisse le militant. « Il reste trois semaines, c’est largement atteignable ». 

La date limite pour cette action collective est prévue pour le 11 janvier 2020. En guise de dommages et intérêt, l’association demande 200 euros par plaignant. Pour signer, chacun participe à hauteur de 5 euros pour les frais de justice.

Capture d’écran I-Buycott.org

Si l’action est suivie, a-t-elle des chances d’aboutir ? Pour qu’elle ne soit pas qu’un symbole, les militants comptent sur les juges. 

« Nous avons des espoirs de gagner car les juges ont déjà beaucoup innové sur ce même fondement de l’article 1240, assure l’avocate dans les colonnes du Parisien. Ils ont reconnu le préjudice écologique dans le cadre du naufrage de l’Erika ainsi que le préjudice de l’amiante. »

Et pour la suite ? « Une fois, l’action close, il y aura d’abord une phase amiable obligatoire, de négociation ou de conciliation avec Amazon, mi janvier, prévoit Leyent Acar. Ensuite, l’action ira devant le tribunal judiciaire [NDLR : résultant de la fusion, à partir du 1er janvier 2020, du tribunal d’instance et de grande instance]. » 

« Il n’y a pas d’évasion fiscale »

La conciliation à l’amiable ne semble pas être la voie empruntée par Amazon. Egalement interrogé par Le Parisien, le directeur général France d’Amazon se montre confiant.

« Nous payons des impôts en France, y compris entre 2006 et 2014, précise Frédéric Duval. Il n’y a pas de préjudice parce qu’il n’y a pas d’évasion fiscale. Nous respectons la loi. »

https://www.youtube.com/watch?v=XVbvBn66ii4

Cette action juridique d’un nouveau genre s’ajoute à la longue liste des critiques contre le géant américain. En novembre, Amazon était pointé du doigt pour son impact économique, social et environnemental négatif alors que l’ex-Secrétaire d’Etat au Numérique, Mounir Mahjoubi, l’accusait d’avoir détruit 8 000 emplois en France. En ce moment, la loi anti-gaspillage portée par Brune Poirson qui interdit de jeter des produits neufs est également dirigée contre Amazon. Le mastodonte cédera-t-il face à la multitude des attaques ? 

Source : Le Parisien

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Marion Simon-Rainaud