Passer au contenu

Comment SFR réduit sa contribution au cinéma

Imitant Free, l’opérateur a mis en place des astuces pour verser moins d’argent au Centre national du cinéma. Sa contribution aurait déjà baissé en 2011.

Depuis début 2011, Free est devenu la bête noire du cinéma français. En effet, le fournisseur d’accès a réduit quasiment à néant sa contribution au budget du CNC (Centre national du cinéma).

En toute discrétion, SFR a aussi mis en place plusieurs astuces afin de réduire sa contribution au financement du 7ème Art. Rappelons que tous les opérateurs télécoms doivent acquitter auprès du CNC une taxe s’élevant à 2,25% du prix de leur offre de télévision.

Historiquement, cette taxe s’appliquait au prix du forfait triple play (internet, téléphone, télévision), soit typiquement 30 euros. Mais début 2011, Free a inventé un moyen de réduire drastiquement l’addition. Le trublion de l’internet français a coupé en deux son forfait triple play: d’une part l’internet et le téléphone, et de l’autre la télévision. Résultat: la taxe ne s’applique plus qu’à la seule partie télévision. Surtout, cette partie TV est vendue à prix cassé (seulement 2 euros par mois), ce qui a permis de réduire quasiment à zéro le produit de la taxe. 

Désormais, la filiale de Vivendi vend aussi la télévision sous forme d’option séparée, facturée 2 ou 3 euros par mois dans son offre ADSL classique. « C’est une réponse à une demande client, et n’a rien à voir avec la taxe versée au CNC », assure très sérieusement un porte-parole.

SFR a un stratagème légèrement différent de celui de Free

Toutefois, il existe une différence entre les deux opérateurs. Free a appliqué son astuce à tous ses clients existants, tandis que SFR assure ne l’appliquer qu’aux nouveaux clients. L’impact est donc beaucoup plus limité.

Et appliquer cette astuce à toute la base de clientèle de SFR n’est pas évident. Pour cela, il faudrait leur demander la permission à chacun, et offrir à ceux qui refusent la possibilité de quitter SFR sans frais, même si leur période d’engagement n’est pas achevée…

Trouvant ce premier stratégème insuffisant, la filiale de Vivendi en a mis en place un second, bien plus efficace. Elle est partie du principe que la taxe versée au CNC est dûe pour chaque abonné à la télévision. Autrement dit, le montant de la taxe est proportionnel au nombre d’abonnés TV. Donc, pour réduire la taxe versée, il suffit de réduire le nombre d’abonnés TV. En pratique, rien de plus simple: il suffit de demander à l’abonné s’il veut vraiment bénéficier de la télévision.

Les faux abonnés de SFR

Concrètement, en 2011, les abonnés mobiles de SFR ont ainsi dû activer un dispositif pour continuer à regarder la TV -et sinon perdaient cette possibilité. Une mesure discrète, mais qui a eu un impact très important. En effet, SFR comptait -essentiellement parmi ses clients mobiles- un très grand nombre de “faux” abonnés à la télévision, à qui SFR proposait d’office la TV sans qu’ils ne l’aient jamais demandé ni désiré, et qui ne la regardaient jamais…

Explication: jusqu’à fin 2010, l’abonné TV, au lieu d’être un boulet pour l’opérateur, était au contraire un atout. Certes, l’opérateur devait déjà acquitter pour chacun d’eux la même taxe auprès du CNC. Mais, parallèlement, il bénéficiait aussi d’une TVA réduite (5,5% contre 19,6%). Financièrement, il était donc avantageux d’avoir un maximum d’abonnés télévision… en tous cas sur le papier, même si en réalité c’étaient de “faux abonnés” ne regardant jamais la TV.

SFR, champion de l’optimisation fiscale

Et à ce jeu d’optimisation fiscale, SFR était le champion. C’était l’opérateur qui avait le plus d’abonnés TV, et donc qui contribuait le plus au CNC: 78 millions d’euros en 2010, soit bien plus qu’Orange (56 millions d’euros), pourtant bien plus gros que lui ! Mais, face à ces dérives, Bercy siffla la fin de la récréation et supprima la TVA réduite au 1er janvier 2011.

Au final, grâce à la mise en place de tous ces stratagèmes, la contribution de SFR au CNC aurait baissé pour la première fois en 2011. Hélas, avoir un chiffre précis est impossible: le CNC refuse de le donner, de même que SFR. Toutefois, en effectuant des recoupements, on peut supposer que la contribution de SFR aurait baissé d’un gros tiers, pour tutoyer la cinquantaine de millions d’euros (interrogé sur ce chiffre, SFR n’a pas répondu).

Interrogés, les autres opérateurs ont communiqué sans réticences leur contribution au CNC en 2011: celle d’Orange a augmenté de 46% (à 82 millions d’euros), et celle de Bouygues Telecom a quadruplé (à 19,5 millions d’euros).

🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.


Jamal Henni (BFM Business)