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Comment Cyberpunk 2077 a tué l’E3 2019 en une heure

Star de l’édition 2018, Cyberpunk 2077 triomphe lors de cet E3 2019. Il domine la concurrence de la tête et des épaules car il est peut-être bien plus qu’un jeu…

L’année dernière, Cyberpunk 2077 avait volé le show et nous l’avions observé de loin. Nimbé du halo de sa révélation récente, il était de toutes les conversations pour tout ce qu’il portait d’idées, de craintes et de potentiel espéré.

Un an plus tard, le titre de CD Projekt Red ne se contente pas de dominer l’E3, il l’a tué. La faute à une édition molle. Déserté par Sony, comme boudé par Electronic Arts, soutenu par Microsoft, mais à distance respectueuse, l’E3 2019 avait, dans certains de ces recoins, des airs de foire aux vins mal ficelée, malgré des stands somptueux et quelques jeux prometteurs.

On pense notamment à Watch Dogs : Legion, parti pour être bien troussé, à Borderlands 3, défouloir officiel du salon, ou à la bonne surprise Dragon Ball Z Kakarot. Mais aucun de ces titres ne boxe dans la même catégorie que Cyberpunk 2077. Centre de l’attention, le jeu vient de prendre une nouvelle dimension, pas loin d’être déjà culte, alors qu’il ne sortira qu’en avril prochain.

Expliquer ce succès par la seule faiblesse présumée de la concurrence serait une erreur et reviendrait à nier l’incroyable travail effectué par les Polonais de CD Projekt Red. Ce serait passer à côté de l’essentiel.

Les bases d’un grand jeu de rôle

En découvrant cette nouvelle mission d’une heure environ, on prend davantage la mesure de ce titre. Elle nous présente non seulement un nouvel environnement de Night City, la mégapole où se déroule le jeu (et qu’on pourra arpenter sans chargement), mais y donne une teinte, une couleur locale.

Pacifica est une sorte de station balnéaire de luxe avortée, laissée aux mains d’un gang de trafiquants haïtiens. Les messes dans la chapelle où commence l’aventure sont en créole, les gens dans la rue parlent cette langue – et heureusement V, le protagoniste (cette fois-ci dans sa version masculine), voit tous ces propos traduits en temps réel grâce à un implant. Néanmoins, les voix, l’ambiance sonore contribuent à un exotisme inédit.

Arrêtons-nous sur V. Homme ou femme, à vous de choisir. A vous également d’établir ses origines : Nomade, Street ou Corporate. Chacune de ces « ethnies » aura un poids sur les choix que vous pourrez faire, sur la façon dont le monde vous percevra et sur les options de dialogues, et donc la trame narrative. Les dialogues, justement, sont dynamiques dans une certaine mesure : il paraît possible d’interrompre un interlocuteur, de le provoquer. Ce n’est pas encore la vraie vie, mais on s’en approche. 

Les actions de V, ses vêtements, ses décisions influeront sur sa crédibilité, sur son importance et sur le reste du jeu. Voilà déjà une belle promesse et une avalanche riche en potentiel.

01net.com – P.F. – Le stand de Cyberpunk 2077 à l’E3 2019.

Ajoutez-y une pincée de sel, à savoir que V est hanté par le fantôme numérique d’un hacker – Johnny Silverhand. Incarné par Keanu Reeves, ce revenant apporte une dose de quasi magie, d’humour, et permet également d’expliquer des choses au joueur l’air de rien. Une énorme trouvaille !

Vous en voulez plus ? Glissez donc une pointe de piment dans cette recette futuriste. V est le porteur d’une puce qui pourrait contenir rien de moins que la clé (USB ?) de la vie éternelle. Voilà à grands traits de quoi comprendre que la discussion que vous menez avec Placide, géant créole, boucher de son état et haut gradé du gang des Voodoo Boys, n’est que la partie émergée d’un fichu iceberg.

On vous le dit, chaque nouvelle scène est l’occasion d’une trouvaille, d’une idée, d’un détail qui vont nourrir une narration plus large, une immersion plus riche.

Chacun son chemin

La relative liberté des dialogues fait écho à celle d’approche des missions. En l’occurrence, infiltrer une sorte d’ancien complexe sportif pour trouver des données dans une « camionnette » – en créole dans le texte. Selon qu’on aura retenu et développé un profil de NetRunner ou plutôt un profil de « tank », les approches envisageables ne seront pas les mêmes. Le premier ne pourra pas ouvrir une porte trop lourdement verrouillée car il manquera de force. En revanche, il pourra hacker tout ce qui est connecté dans l’environnement.
Sans surprise, en 2077, tout est branché au réseau : du distributeur de boisson au robot sparring partner de boxe, en passant par le banc de musculation. Les deux premiers font de superbes diversions pour se glisser dans une pièce sans être vu. Tandis que le dernier peut s’avérer très utile pour tuer quelqu’un…

Le NetRunner, qui paraît le plus séduisant à jouer, est également doté d’une sorte de fouet laser et pourra toujours compter sur sa maîtrise du hack pour forcer un adversaire à se tirer une balle dans la tête ou à dégoupiller une grenade un peu trop tôt.

Le tank, lui, défoncera des portes, brisera des nuques et se précipitera sur une tourelle en prenant un ennemi comme bouclier avant d’arracher la mitrailleuse de son pied pour s’en servir contre ses adversaires.

Sur ce point, justement, les armes nous ont semblé assez fades, assez peu jouissives à utiliser, pas terriblement efficaces – surtout quand l’ennemi est dopé aux implants et au Juice, une sorte de stéroïdes pour cyborgs. Par ailleurs, est-ce parce que le démonstrateur jouait à la manette, mais il nous a semblé que la visée n’était pas aussi précise qu’elle le pourrait. Bien entendu, il reste presque un an aux développeurs pour peaufiner tout cela, alors laissons-leur le bénéfice du doute…

Revenons à nos classes. Les représentants de CD Projekt ont pris soin de préciser que malgré ces grands types de personnages, elles ne seront pas fixes et qu’il sera possible de librement piocher dans un arbre de compétences suffisamment touffu pour cacher la forêt.

Beau, et encore plus beau ?

Parlons également rapidement de l’identité visuelle du jeu. Elle réussit à être à la fois un hommage à tout ce que le cyberpunk compte de références et une déclinaison personnelle de ce que pourrait être l’avenir. Les ambiances sont variées et toujours justes. Les couleurs servent une atmosphère en quelques secondes. La lumière joue un rôle primordial également. Qu’il s’agisse du bleu électrique d’un regard bionique ou de la ville qui s’illumine peu à peu dans un horizon de néons alors que la nuit tombe.

Sur ce point, on ne peut que se réjouir que le studio polonais travaille avec Nvidia pour faire en sorte que la version PC soit compatible avec le ray tracing. La lumière, les effets de transparence, les reflets sur les surfaces opaques… tout devrait gagner en réalisme grâce à cette technologie. Rien que pour ça, on serait tenté de vous recommander d’y jouer sur PC et non sur console, même si les consoles de prochaine génération proposeront aussi une forme de ray tracing, encore à préciser.

Un monde virtuel est une somme de micro-réalités

Quoi qu’il en soit, tout semble être un appel à contempler et explorer un monde gigantesque. Les véhicules – une moto en l’occurrence dans cette mission – sont là pour vous y aider ou éventuellement vous compliquer la tâche. Vous pourrez en effet être poursuivi par la police si vous ne respectez pas le code la route.

Car Night City a ses codes. Ceux, évidents, hérités de notre monde – on évite de rouler sur quelqu’un devant des policiers – et ceux qui en disent long sur la profondeur de l’univers qui nous entoure.

Ainsi, au cours de la mission, Placide saisit le bras de V, qui réagit vivement. Dans un monde où on peut connecter un humain à une machine pour contrôler son cerveau, toucher le bras de quelqu’un alors qu’on y trouve son Personal Link est une sorte de tabou, comme un viol, une menace. C’est ce genre de détail qui donne une densité à l’histoire, qui fait que ce monde paraît être là depuis longtemps et vivre autour de nous. Ce sont ces petites fioritures qui donnent le goût de la réalité à une fiction.

Night City en est empli et semble être un ventre où fourmillent humains, machines et humains devenus machines. Un ventre fécond d’où pourrait sortir un grand jeu – on ne veut pas imaginer la déception d’un raté. Un « jeu de rôle à la première personne », la définition d’un genre, le titre qu’on attendait tous et qui devrait arriver le 16 avril prochain, si le grand Cyberespace le veut bien.

En définitive, Cyberpunk 2077 a tué l’E3, non pas parce que les autres jeux étaient mauvais, mais simplement parce qu’il paraît être plus qu’un jeu. De même qu’il y a des livres univers, il y a désormais un jeu univers. Bienvenue à Night City, nous sommes en 2077.

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Pierre Fontaine, envoyé spécial à Los Angeles