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Chrome, Opera, Firefox, Brave… Comment ces navigateurs génèrent-ils des revenus ?

Le nombre de navigateurs disponibles sur le marché a considérablement augmenté ces dernières années. Mais les modèles économiques sous-jacents sont parfois très différents. Petit tour de marché.

Le 6 juin dernier, les utilisateurs du navigateur Brave ont vécu l’un de ces moments particuliers où l’on a l’impression que le monde n’est qu’un décor, avec un rideau qui tout d’un coup s’entrouvre pour montrer la réalité des choses.
Sur Twitter, l’un des utilisateurs a révélé au grand jour un usage douteux de liens d’affiliation dans l’autocomplétion du champ d’URL, provoquant un véritable tollé sur la Toile. La direction a été contrainte de s’expliquer et de désactiver cette « fonctionnalité » dans la foulée.

Cet épisode de rétropédalage nous rappelle que le navigateur Web est un drôle de produit. C’est l’un des logiciels les plus utilisés au monde, peut-être même le plus. Et pourtant il est gratuit, et cela depuis des années. C’est un passage obligé pour accéder au Web et son usage est devenu tellement courant que l’on pourrait presque oublier qu’il existe.
Néanmoins, étant donné les centaines de millions de personnes qui utilisent ce type de logiciel tous les jours, il est forcément au carrefour d’enjeux économiques énormes. Mais la plupart du temps, ces enjeux sont invisibles au quotidien.

La recherche, principale source de revenus

Alors comment les éditeurs gagnent-ils de l’argent avec ce type de produit ? Quel est leur modèle économique ? Les principales sources de revenus sont les moteurs de recherche préinstallés et, surtout, ceux qui sont activés par défaut après installation.
Cette intégration et ce paramétrage se monnayent chèrement. En 2018, Mozilla a engrangé 429 millions de dollars — soit 95 % du total des revenus annuels — grâce à ce genre de partenariats. La majorité de ce pactole est fourni par Google, dont le moteur de recherche est proposé par défaut dans presque tous les pays (Baidu en Chine, Yandex en Russie, Turquie, Biélorussie et Kazakhstan).

Il est d’ailleurs assez cocasse qu’une fondation qui lutte contre les mouchards publicitaires et qui défend la protection des données personnelles, soit à ce point dépendante d’une multinationale dont le modèle économique repose sur le ciblage publicitaire. DuckDuckGo aurait, de ce point de vue, été un meilleur choix, mais le chèque versé n’aurait sans doute pas été le même.

Les challengers, comme Opera ou Vivaldi, négocient également des accords avec les moteurs de recherche. Mais compte tenu de leur poids sur le marché, ces deals ne sont certainement pas aussi lucratifs que pour Firefox. D’ailleurs, Vivaldi n’a même pas réussi à recruter Google comme partenaire. L’éditeur travaille principalement avec Bing, qui est activé par défaut, ainsi qu’avec DuckDuckGo, Qwant, Ecosia, StartPage, Yahoo et Yandex.

Les sponsors sont également les bienvenus

Histoire de mettre du beurre dans les épinards, Vivaldi monétise aussi les liens favoris « Speed Dial » où des entreprises peuvent figurer par défaut, telles que Fnac, Expedia ou Amazon.
Par ailleurs, l’arborescence des marque-pages est également préconfigurée par l’éditeur, en intégrant toute une série de liens sponsorisés.

01net – Copie d’écran du navigateur Vivaldi

Opera a adopté la même stratégie. L’éditeur propose également des emplacements publicitaires directement dans les pages Web. À cela se rajoutent des ventes de licences à des fabricants de smartphones qui ont décidé d’intégrer le navigateur Opera Mini.
Celui-ci consomme particulièrement peu de bande passante et il est surtout utilisé dans des pays en voie de développement, où le débit n’est pas très élevé.

Opera – Rapport financier février 2020
Opera – Rapport financier février 2020

Pour les navigateurs de Google et Microsoft, la situation est plus complexe. Le modèle économique et la rentabilité de Chrome et Edge sont plus difficiles à évaluer, car leurs données financières ne sont pas détaillées.
Dans les deux cas, ils permettent de récupérer des données d’usage et de mettre en avant les moteurs de recherche respectifs et, par ce biais, d’engranger des revenus publicitaires.

Influence et collecte de données

Dans le cas de Chrome, on remarque d’ailleurs que tout est fait pour inciter l’utilisateur à passer par un moteur de recherche. Ainsi, le navigateur de Google a été le premier à coupler le champ d’URL avec le champ de recherche, ce qui a donné à ce dernier une position bien plus importante dans l’interface.
Par ailleurs, les favoris et les marque-pages ont été clairement relégués au second plan, et sont beaucoup moins faciles d’accès que chez les concurrents.
Enfin, la position dominante de Chrome (69 % de parts de marché en mai 2020) permet également à Google d’avoir une influence considérable sur les standards du Web. Bref, pour un Gafa, le navigateur est certes une source de revenus, mais aussi un outil pour favoriser ses plates-formes.

Il reste le cas de Brave, qui est très particulier. Créé par Brendan Eich, un ancien de Mozilla, ce navigateur se place en rupture des modèles économiques existants en intégrant une plate-forme publicitaire basée sur une crypto-monnaie (Basic Attention Token, BAT). Elle a pour but de valoriser l’attention des internautes.

L’utilisateur peut en gagner s’il accepte de visionner des publicités gérées par Brave et affichées sous la forme de notifications. Il peut également en acheter directement. Ces BAT sont ensuite redistribués aux différents fournisseurs de contenus, soit de manière automatique en fonction du temps de visionnage, soit de manière volontaire sous la forme de donations des utilisateurs. Sur les sommes payées par les annonceurs, Brave garde une commission de 30 %.

Ce modèle est très innovant et vise une meilleure protection des données personnelles, mais il nécessite du temps pour se mettre en place. C’est pourquoi Brave explore également d’autres pistes, et les liens d’affiliation dans l’autocomplétion en était une. Cependant, désormais, on le sait, elle n’était pas très heureuse.

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Par : Opera

Gilbert KALLENBORN