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Chasseurs de têtes contre sites en lignes: la guerre aura-t-elle lieu?

Internet et sites en ligne ont bouleversé la donne sur le marché du recrutement. Les cabinets classiques misent sur la valeur ajoutée du conseil. Mais de nouveaux groupes associant Internet et conseil prennent leurs quartiers sur le mode de l’intégration verticale.

” C’est vrai. Dans un premier temps, certains clients ont annoncé qu’ils allaient, à l’avenir, se débrouiller seuls et aller pêcher eux-mêmes les candidatures sur les sites “, reconnaît Agnès Chauvin, PDG du cabinet Temps Dense. Le fait est que le recrutement par le Net coûte moins cher : de 500 à 5 000 francs pour 3 à 4 annonces contre 35 à 60 000 francs pour des annonces papier. Sans compter la pratique de la rémunération, qui est à hauteur de 33 % du salaire annuel du candidat recruté pour les cabinets de chasseurs de têtes.Quant aux informaticiens, ils utilisent beaucoup plus le Net que d’autres catégories. La déferlante des sites d’emploi en ligne ne pouvait donc susciter, du moins chez quelques entreprises, qu’une réaction d’autonomie face aux cabinets de recrutement, dans la perspective de réaliser des économies. Sans doute, le chiffre d’affaires des cabinets de recrutement traditionnels en aura souffert quelque peu dans les premiers temps. Mais pas au point de les inquèter. “La situation ne nous affole pas, assure Agnès Chauvin. C’est simplement une préoccupation. Il nous a fallu nous adapter à nos clients et au Net.”D’ailleurs certains cabinets se sont réorganisés et ont créé leur site Web. “Avec Internet, on redistribue les cartes. Il y aura ceux qui savent s’en servir et ceux qui ne le savent pas. C’est le passage de la charrue au tracteur. Nous nous sommes réorganisés en intégrant l’outil”, explique Guillaume Le Neveu, responsable de la division systèmes d’information du cabinet Robert Half France.

Le Net : un rôle d’accélérateur

Le Net, loin d’être perçu comme un danger, est même plutôt apprécié pour son rôle d’accélérateur. “Auparavant, lorsque les annonces étaient publiées le vendredi, les premiers CV arrivaient seulement le lundi ou le mardi ; et le rendez-vous pris pour la fin de semaine, rapporte Guillaume Le Neveu. Maintenant, avec les sites d’emploi, l’annonce est en ligne le matin, la réponse arrive le soir et le rendez-vous pris pour le lendemain matin.”Même discours au cabinet Temps Dense. “Ce media nous permet une ouverture. Nous avons une carte à jouer. Entre autres, celui d’observatoire en aidant les clients à s’y retrouver. En effet nous avons un regard critique sur certains sites, que l’on connaît parce qu’on les utilise et qu’on les teste”, avance Agnès Chauvin.Il n’en demeure pas moins que la donne a été bouleversée et, comme le constate Guillaume Le Neveu que “le métier change, et cela à cause du Web”.” Reste la recherche et le conseil, que les cabinets traditionnels mettent plus que jamais en avant. “Actuellement, sur cent personnes recrutées, détaille Guillaume Le Neveu, un 1/3 provient de gens listés dans les annuaires ou sur sites ; 1/3 des personnes ayant répondu aux annonces et 1/3 issus de l’approche directe. Le meilleur candidat n’est donc pas forcément sur le Net.Autre tâche dévolue aux cabinets de conseil : l’analyse de l’adéquation entre le profil et les besoins. ” Nous connaissons bien le secteur, les profils, et les entreprises dans tous leurs rouages. Et grâce à cela, et à une vision plus objective, nous pouvons les aider à réajuster leurs demandes et leurs besoins “, insiste Agnès Chauvin. Les profils pointus semblent également réclamer des soins particuliers. “Une entreprise en quête d’un expert plate-forme et d’un chef de projet sécurité pour une place de marché électronique ne va pas aller à la pêche en ligne”, prêche Guillaume Le Neveu.

L’opposition sites en ligne/cabinets de recrutement, un faux débat ?

 Ce sont les cabinets simples approvisionneurs de CV qui peuvent se faire des cheveux blancs, suggère Guillaume Le Neveu. Le problème, c’est l’infrastructure de sélection. Ceux qui ne seront pas à même d’apporter cette valeur ajoutée seront ainsi appelés à disparaître “.
” Investir non seulement dans une base de données mais également dans un système de gestion de cette base n’est pas à la portée de toutes les entreprises “, renchérit Agnès Chauvin.Pour la fondatrice de Temps Dense, la bagarre du Net-emploi sera une bataille de gros acteurs. ” Nous sommes des profiteurs du Net, pas des acteurs. Nous ne tirons pas les ficelles. “ Les grands acteurs en question ? Certains Big Five se lancent dans des projets de systèmes experts pour pouvoir faire du consulting en ligne. Les grands noms de l‘executive search, comme Heidrick&Struggles ou Corn Ferry ont également développé des sites.Mais surtout, de nouveaux acteurs, pratiquant l’intégration verticale autour d’Internet et du conseil ont fait leur apparition. C’est le cas de TMP et de sa division Monster, leader mondial des sites en ligne et qui pèse déjà pour 125 millions de dollars dans le chiffre d’affaires de sa maison mère évalué à 1 milliard de dollars (lire l’encadré ci-dessous).” Nous ne représentons pas un danger pour les grands cabinets
d’executive search, quand bien même ils ne rejoindraient pas Internet, ni pour les acteurs intermédiaires ayant la souplesse et le sérieux des artisans, assure Pierre Aussure, DG de TMP Executive Search, qui confirme plutôt une menace sur “ les CV brokers n’ayant pas véritablement un rôle de consultants. Mais nous n’avons aucun intérêt dans des rachats. Monster est tellement connu que les CV viennent s’y agréger “.
De fait, la majorité des cabinets traditionnels en appellent aux services des bases de données des plus importants sites en lignes comme Monster.Quid des candidats utilisateurs face à ces chassés-croisés qui leur échappent quelque peu et à ce nouveau type d’acteur ? Se laisser porter par la vague en acceptant ne pas savoir où navigue leur CV ? Ou miser sur un atout futur évoqué chez TMP : “Notre intégration verticale correspondant à des niveaux de carrière, on peut imaginer qu’à terme, au fil d’un parcours, une candidature relevant au départ de division middle recrutement puisse intéresser la division executive research. Le changement de tableau nécessitera en France un changement de culture. Jusqu’à présent, le CV y était vécu comme confidentiel et maîtrisé.

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Annick Le Berre