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Ces études qui laissent perplexe…

Nous avons déjà déploré dans ces colonnes le trop grand nombre d’études qui s’avèrent fausses. Mais il y a pire : celles qui ne sont pas très sérieuses, en particulier concernant les semiconducteurs.

Les spécialistes du semiconducteur intéressés par la conjoncture suivent particulièrement les prévisions de deux vétérans du domaine : Bill McClean, qui a fondé le cabinet IC Insights aux Etats-Unis, et Malcolm Penn, qui a créé le
cabinet Future Horizons, en Grande-Bretagne. Bill McClean travaille beaucoup ses prévisions en référence au passé, qu’il s’agisse d’extrapolations ou de recherche de situations similaires.Malcolm Penn, lui, se préoccupe moins du passé que de la loi de l’offre et de la demande en temps réel, et de l’évolution de cet équilibre dans le temps. Bill McClean semble se détacher difficilement du consensus américain (actuellement
très pessimiste) alors que Malcolm Penn en est beaucoup plus indépendant, n’hésitant pas à aller à contre-courant de ce que déclarent les analystes financiers. Il a des convictions fortes, étayées, mais il peut avoir raison trop tôt tellement son
impatience est grande… d’avoir raison.Depuis 2002, les prévisions de Malcolm Penn ont été justes. Celles de Bill McClean un peu moins. Mais tous les deux, autant que nous puissions en juger par leurs rapports, travaillent très consciencieusement, en intégrant de nombreux
paramètres dont la mise à jour a été rodée au cours du temps.Si Bill McClean se montre plus pessimiste que Malcolm Penn depuis deux ans, c’est sans doute qu’il est plus difficile de résister à un pessimisme ambiant lorsqu’on vit dedans : les modes de pensée
“antitechnologiques” actuels de la finance américaine influencent en effet la pensée de l’Amérique tout entière.Quelle croissance avaient annoncé nos deux gourous fin 2004 pour le marché du semiconducteur en 2005 ? Bill McClean voyait le marché décroître légèrement, confirmant ainsi une tendance long terme qu’il pensait à l’époque
définitivement calée en dessous de 10 %. Depuis peu, il est redevenu nettement plus positif : il annonce + 6 % pour cette année et une croissance long terme au-delà de 10 %.A l’inverse, Malcolm Penn voyait le marché croître de 15 % en 2005, chiffre ramené depuis à une fourchette de 8 % à 10 %. Bill McClean s’est trompé à cause de corrélations historiques insuffisamment pertinentes. Malcolm
Penn a été confronté au fait que les déstockages ont duré plus longtemps que prévu et que les investissements en capacité de production de semiconducteurs du début d’année ont été supérieurs aux prévisions : l’offre abondante en circuits qui en
a résulté a ainsi fait pression sur les prix, ce qui a réduit la croissance de marché en dollars. Finalement, la croissance de cette année sera probablement de 8 % ± 1 %.

Juger les logiques qui sous-tendent les études

Mais il nous arrive encore à la rédaction des études peu crédibles, même si elles sont issues de sociétés d’études réputées sérieuses. Nous avons ainsi reçu début novembre une étude ?” nous ne révélerons pas sa source par
charité mais il est difficile de cacher son origine américaine ?” nous annonçant une croissance de 2,4 % pour 2005 et de 4,3 % pour 2006 ?” ce qui nécessiterait que le marché s’écroule d’ici la fin de l’année et que
les prix s’effondrent en 2006.Pour cause de surcapacités de production ? Même pas : son auteur nous annonce que le marché des équipements ralentit et passera d’une croissance de 11,3 % en 2004 à 6,9 % en 2005. Oubliant au passage que ce dernier
chiffre est pour le moins encourageant et correspond à une croissance en nombre de pièces (donc en nombre de composants) nettement supérieure à 10 %…Selon lui, le marché du remplacement du PC aurait passé son point haut en 2004… alors que les sociétés d’études spécialisées révèlent, elles, une croissance de 17 % en nombre de pièces le trimestre dernier ! La
croissance des taux d’intérêt bloquerait les achats de produits grand public : quelle faculté d’étendre au monde entier ce qui concerne avant tout les Etats-Unis !Et de conclure que cette faible croissance est logique puisque celle de long terme est ‘ devenue plus faible dans l’industrie du semiconducteur ; désormais, les hauts de cycles ne seront plus très hauts et
les bas de cycle, par contre, seront encore plus bas qu’autrefois ‘
. Voilà qui nous rappelle les prévisions faites en 2000 sur un marché du semiconducteur dépassant à tous les coups les 400 Md$ en 2005…Plus que jamais, lorsque l’on découvre les résultats d’une étude, faut-il donc connaître son auteur et sa logique, puis comparer ses conclusions à ce que chacun considère comme crédible. Il est nécessaire d’intégrer le fait que les
meilleurs des prévisionnistes ont parfois raison trop tôt. Par impatience…Les plus mauvais refusent trop longtemps d’admettre que des paramètres considérés comme des lois peuvent changer. Dans tous les cas, il reste indispensable de comparer les résultats d’études avec des données de terrain, puis d’ajouter à
la sauce obtenue le plus de bon sens possible !* Rédacteur en chef d’ Electronique International

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Jean-Pierre Della Mussia*