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Ça décode un max

J’aime être à jour. Le 9 juin, je décide d’acquérir ma cinquième mise à jour d’un excellent produit de traitement de longs documents. Passer de la version 5.5.6 à la 6, pas de quoi fouetter un chat! Vous croyez ça, vous ?

Comme à mon habitude, je passe par le numéro gratuit de l’éditeur, ignorant ostensiblement sa cyberboutique ; question de feeling. J’aime ces voix féminines qui me parlent avec un léger accent anglais et me donnent la couleur du ciel à Édimbourg. C’est l’occasion, bien réelle, d’un échange téléphonique sympa où le client ne se résume pas à une simple référence.Vingt-quatre heures plus tard, un coursier international (c’est ce qu’il dit, mais je n’ai pas vu ses grandes ailes) m’apporte le divin paquet. Fébrile, j’arrache le carton pour atteindre l’objet de mon désir, un CD-ROM tout neuf. Je glisse la galette dans le lecteur idoine et lance le programme d’installation.Après avoir cliqué de-ci de-là sur des boutons (avertissement, langue, choix des éléments qui m’intéressent), un dernier écran s’affiche avec mon nom, celui de ma société et une case vide qui n’attend plus que le numéro de série ; ultime sésame pour atteindre le nirvana du SGML.Je retourne l’enveloppe du CD-ROM. En haut, écrit en capitales et corps 8, le numéro à rentrer. Très vite je déchante, usant mes pauvres yeux à tenter de le décrypter :

“Là, Faiez, tu lis quoi, un 8 ?
?” Non, on dirait plutôt un B…
– Et ça, c’est quoi, Hung, un G ?
?” Ben, ça ressemble plutôt à un 6…
– Et ça, c’est un O ou un 0 ?!”


(À tout hasard, je signale à l’abruti du marketing auteur de la chose que son employeur est aussi fondeur et donc capable d’imprimer des numéros de série en Weiss corps 24 italique parfaitement lisibles.)Après quelques heures passées à tester toutes les combinaisons probables puis improbables, je renonce. Et je me rabats sur un appel téléphonique, payant cette fois-ci, au support technique. Je vous passe les six coups de fil, les jours d’attente, les discussions interminables sur le sexe de mon portable, l’OS utilisé, ses extensions, sa RAM, la capacité de son disque dur.Sans compter les questions métaphysiques du genre :

“Pourquoi avez-vous 4 versions différentes de ce produit sur votre portable ?
?” Mais c’est pour épater la galerie, ma chérie…
?” Pourquoi gardez-vous la version 4 ? Pourquoi avez-vous la même version en français et en anglais ?
?” Mais c’est pour te parler longuement, mon enfant !”
J’ai eu droit à trois nouveaux numéros de série tout aussi foireux ; j’ai fini par virer les autres versions installées ; j’ai essayé sur d’autres micros avec d’autres versions du système d’exploitation… Rien, nada, que dalle ! Inutile de le dire, je commençais à fumer.Nouveau coup de fil. Après 10 minutes d’attente (” Tous nos conseillers sont au téléphone “) :

“Notez que cette conversation peut être enregistrée à des fins de formation du personnel “, (etc.) Je tombe enfin sur un technicien :
“” Bonjour, j’ai acheté une mise à jour qui ne s’installe pas et aimerais, accessoirement, avoir un numéro de série pour accéder au logiciel.
?” Monsieur, vous avez l’air très énervé ; sachez que j’ai le droit de mettre un terme à notre entretien.
?” Jeune homme, je ne suis pas énervé, juste excédé. Cela fait juste 6 jours que j’attends que vous me répondiez. J’ai expédié un fax avec toutes les infos et comme je suis sans réponse…
?” Non monsieur, je ne peux pas continuer car vous êtes trop énervé et j’ai le droit de…
?” En tant que client, j’ai le droit de quoi ? De payer et de ne pas réclamer ? “
Et mon interlocuteur, terrorisé, de me raccrocher au nez Ambiance. Re-coup de fil, re-attente de 10 minutes et je tombe, heureusement, sur un sympathique lascar qui hurle de rire au récit de mes mésaventures… mais qui ne trouve pas plus de numéro de série correct que ses collègues.Au bilan, j’ai donné dix fois mon code client à tout un pool de personnes adorables ?” sauf le paranoïaque de service. Elles m’ont toutes juré qu’elles allaient me recontacter dans les 30 minutes ou dans les 24 heures. J’ai décliné tous mes numéros d’appel (bureau, portable, maison, salle de bains, etc.), épelé mon e-mail.Ce 30 juin, je n’ai toujours pas de numéro de série utilisable. 1865,46 francs ttc, sans compter les coups de fil en Angleterre, ça fait cher le manuel utilisateur de 618 pages !
Mais je patiente, jadore ce logiciel. Et je finirai bien par être à jour, dès que la série noire des numéros de série se sera tarie.

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Jean-Christophe Courte