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Borey Sok : ‘ Sur Internet, plus on donne, plus on obtient en retour ‘

Auteur du livre ‘ Evolutic Musique 2.0 ‘, cet ancien de Skyrock et de Warner France revient sur le marketing de la musique à l’heure du Net.

01net. : En ce moment, l’industrie du disque relance l’offensive judiciaire contre la piraterie sur Internet. A-t-elle renoncé à explorer de nouvelles pistes de développement de la musique ?


Borey Sok : Les maisons de disques ne se concentrent pas assez sur ce qui importe avec Internet : la recherche et le développement. Elles envoient des vidéos promotionnelles sur YouTube ou sur Dailymotion, mais ça ne
suffit pas. Cela ne relève pas d’une stratégie à long terme.


Cela dit, elles se sont intéressées aux NTIC [nouvelles technologies de l’information et de la communication, NDLR], notamment le MP3, comme Sony BMG qui avait cherché à exploiter ce format. Mais il y avait une
multitude d’interlocuteurs, c’était difficile de trouver un compromis, cela a pris du temps. Trop de temps, car finalement, le MP3 s’est retrouvé partout sur le peer to peer.Dans votre livre, vous évoquez beaucoup d’initiatives marketing d’artistes, de sites ou de labels. Mais est-ce que cela va au-delà de la simple expérience ?


Non, on n’en est vraiment qu’au stade de l’expérience. Les maisons de disques ont encore trop le réflexe de s’adresser aux médias traditionnels pour leur promotion. Or, c’est une logique de mass-média. Sur TF1, quand vous passez un spot,
c’est du ‘ push ‘ : vous n’avez pas de retour. Sur Internet, et c’est ce qui fait sa force, on peut nouer une interaction avec les fans. La relation peut être plus qualitative.Justement, on a pu voir
plusieurs opérations
impliquant les internautes : un concours de pochettes pour les albums de Diam’s ou de Janet Jackson, le marketing viral de l’album de Lily Allen assuré
par les internautes, etc. Peut-on parler de nouvelle stratégie ?



Le problème, avec ces petites opérations, c’est que, du jour au lendemain, c’est terminé. A l’époque du seul CD physique, les maisons de disques pouvaient se permettre de jouer sur la rareté des contenus, sur l’inaccessibilité de
l’artiste. Vous ne pouviez accéder à son univers sans acheter le CD. Avec Internet, ça ne marche pas : le nombre de fichiers est démultiplié. Les maisons de disques ne l’ont pas encore compris.


Sur Internet, plus on donne aux fans, plus on obtient en retour. Et il existe les outils informatiques pour ça. Les blogs, les flux RSS ou un système comme Twitter qui permet d’envoyer des messages à toute une communauté par SMS.
Vous n’avez même plus besoin d’être connecté à Internet pour être lié à vos fans.Entre le moment où vous avez commencé votre livre et maintenant, y a-t-il du nouveau ?


Les réseaux sociaux se sont considérablement développés.
Last.FM ou
Pandora sont des sites basés sur des recommandations d’internautes et qui fonctionnent extrêmement bien. L’internaute devient beaucoup plus crédible que n’importe quel magazine
musical ou n’importe quel média. Il fait un travail que n’ont pas fait les maisons de disques, un travail d’éducation à l’écoute de la musique.Quelles initiatives vous ont le plus étonné ?


Je pense à Jonathan Coulton. C’était un informaticien et, du jour au lendemain, il a donné sa démission et s’est mis à la musique. Toutes les semaines [entre septembre 2005 et septembre 2006, NDLR], il créait un
nouveau morceau et le mettait en vente sur son site Internet. Il s’est retrouvé à gagner entre 3 000 et 5 000 dollars par mois. Mais c’est un cas particulier, qui ne marche pas pour tous les artistes. Et puis il y a Terra Naomi, qui a
reçu un YouTube Award en 2006. C’est encore la belle histoire de la chanteuse qui fait du buzz, mais cela va plus loin.


Elle s’est dit : ‘ J’ai des fans, mais pas les moyens de me payer une tournée, je ne vais peut-être pas remplir des salles, puisque les fans sont nombreux mais partout dans le monde. ‘
D’où une tournée virtuelle : toutes les semaines, elle se filmait en train de jouer, chez elle ! Elle a fait son disque comme ça, et l’a distribué en VPC [vente par correspondance] et en numérique. Elle a vendu
3 000 CD la première semaine, elle a été repérée par Neil Young qui l’a appelée pour faire des ch?”urs.Est-ce la fin des maisons de disques ?


Je ne suis pas un anti-label. Quand on dit qu’un artiste n’a plus besoin d’un label, je pense que c’est faux. La carrière d’un artiste a des aspects financiers et marketing, il faut une organisation humaine, une structure. Un artiste ne
peut pas passer son temps à faire sa promotion. Les maisons de disques sont une nécessité.

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propos recueillis par Arnaud Devillard