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Blocage des sites terroristes : l’Arcep entend empêcher les abus

Dans un avis paru ce 8 février au Journal Officiel, le régulateur des télécoms passe au crible le décret qui vient d’entrer en vigueur contre les sites terroristes. L’autorité annonce qu’elle contrôlera la conformité du dispositif.

C’est le premier dossier brûlant dont s’empare le nouveau président de l’Arcep Sébastien Soriano. Et il commence fort en rendant un avis assez critique, publié ce 8 février au Journal Officiel, concernant le décret d’application du gouvernement permettant d’empêcher l’accès des internautes en France à des sites incitant « à des actes de terrorisme ou en faisant l’apologie».

Premier point problématique : la technique de blocage qui doit être utilisée par les FAI n’est pas définie. Il semblerait néanmoins que le gouvernement recommande « la technique dite DNS consistant à intervenir sur le nom de domaine ». Une pratique classique déjà utilisée, par exemple, pour bloquer The Pirate Bay la semaine dernière.
Second point sur lequel l’Arcep attire l’attention, pour pouvoir réagir dans les 24 heures comme les y oblige le décret, les FAI devront développer des systèmes informatiques adéquats. Si le décret prévoit « un mécanisme de compensation des surcoûts résultant des obligations mises à la charge des FAI », il aurait été bon qu’il définisse également « des délais raisonnables de mise en œuvre, compatibles avec les nécessités opérationnelles de l’action publique en matière de lutte contre le terrorisme et la pédopornographie ». Il paraît en effet évident que les FAI ne pourront pas être opérationnels immédiatement.

L’Arcep se pose en garde-fou de la neutralité du net

Et pas question d’aller au-delà du blocage de nom de domaine, précise Sébastien Soriano. « Il ne serait ni raisonnable ni proportionné d’exiger des FAI qu’ils garantissent l’impossibilité pour des internautes ayant recours à des méthodes de contournement d’accéder aux services fournis par les adresses électroniques concernées, ou qu’ils soient soumis, en contradiction avec les dispositions du 7° de l’article 6 de la LCEN, à une “obligation générale de surveiller les informations qu'[ils] transmettent ou stockent [ou] à une obligation générale de rechercher des faits ou des circonstances révélant des activités illicites” ».
En clair, les FAI ne doivent pas se transformer en agents des renseignements et doivent continuer à respecter la neutralité du net au regard du contenu des messages transmis.

Pour finir, Sébastien Soriano envoie un message fort qui ne devrait pas ravir notre ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve. « Il convient que les autorités compétentes, et en premier lieu l’ARCEP, puissent s’assurer du caractère efficace et proportionné des mesures mises en œuvre par les FAI pour respecter leurs obligations, afin notamment de contrôler que les techniques utilisées ne conduisent pas à empêcher l’accès à des adresses électroniques dont le blocage n’a pas été ordonné par l’OCLCTIC. »
Le nouveau patron de l’Arcep revendique son rôle de régulateurs, qui pourrait en l’occurrence faire en sorte que ce dispositif ne dérape pas et ne mène pas à une surveillance sans contrôle ni droit de regard. Le gouvernement devra compter avec l’Arcep pour appliquer ce nouveau dispositif. Plutôt rassurant.

A lire aussi :
Sites terroristes : passe d’armes entre le Conseil du numérique et l’Intérieur
– 17/07/2014

Ci-dessous, la chronique de Delphine Sabattier, “Cybersécurité contre cyberlibertés”, diffusée le 15/02/2015 : 

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Amélie Charnay