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Apple et IBM, 35 ans d’une relation tumultueuse

Les deux géants de l’informatique viennent de signer un partenariat historique afin d’imposer leurs matériels et services en entreprise. Une love story qui n’a pas toujours été de saison : dans les années 80, Apple était même le pire ennemi de Big Blue?

C’est une des surprises de l’année high-tech : Apple et IBM viennent de signer un partenariat d’ampleur pour combiner l’expertise du premier sur le matériel et le logiciel avec la puissance et le savoir faire du second en matière d’informatique en nuage et de Big Data. Un mariage d’autant plus exceptionnel que les deux entreprises n’ont pas toujours eu des rapports cordiaux, loin de là.

Flashback à la fin des seventies. IBM, confortablement installé depuis des dizaines d’années déjà comme le mastodonte de l’informatique, regarde de haut les hackers californiens qui, du fond de leur garage et à coups de fer à souder, préparent une révolution : celle de la micro-informatique.

Et parmi eux, il y avait évidemment « les deux Steve », Wozniak et Jobs, qui avec l’Apple II en 1977 lanceront toute une industrie en s’opposant dès le départ aux machines chères et antipathiques qu’IBM commercialisait à l’époque. 

La guerre Apple / IBM

Devant le succès fulgurant de l’Apple II et des innombrables « micro-ordinateurs » qui vont brusquement s’installer dans les foyers, IBM réagit en aout 1981 avec l’IBM PC 5150. Apple a déjà changé, Steve Jobs a pris de l’assurance. Et cette fois, c’est lui qui prend IBM et son premier PC –bricolé à la va vite, il est vrai- de haut. Il se paie même une page entière pleine d’ironie dans le Wall Street Journal pour se moquer de Big Blue. 

Jobs détestait IBM et ce qu’il représentait : « Si, pour quelque raison, nous commettons une énorme erreur et qu’IBM l’emporte, je pense alors que nous entrerons dans un âge sombre de l’informatique pour au moins vingt ans, expliquait-t-il à un journaliste à l’époque, comme le rapporte la biographie de Walter Isaacson. Jobs rappela même à son biographe trente ans plus tard qu’« IBM était à l’époque ce qu’est Microsoft aujourd’hui dans ses pires travers. Ils ne représentaient pas une force de création, mais une force du mal. IBM, c’était comme Microsoft ou Google de nos jours. »

Mais Jobs a –comme souvent- pêché par arrogance. Isaacson cite aussi Bill Gates, qui était présent chez Apple le jour du lancement du 5150 : « Ils s’en fichaient totalement, raconte-t-il. Cela leur a pris un an à comprendre ce qui venait de leur tomber sur la tête.  »

Car celui qui va bientôt s’appeler « PC » tout court est un succès immédiat : la marque IBM rassure les acheteurs, notamment professionnels, et va vite devenir le micro standard en entreprise… Avant de séduire aussi le grand public.

Symbole de cette guerre épique entre Apple et IBM : la célèbre publicité annonçant l’arrivée du Macintosh en 1984, dans laquelle Big Blue est tout simplement assimilé à… Big Brother.

1991 : Apple et IBM se serrent la main

Poussé vers la sortie, Jobs quittera Apple un an après la diffusion du fameux spot de Ridley Scott pour fonder Next. Mais IBM et Apple mettront bien des années pour se rabibocher. 1991 : le monde a changé, Apple aussi. Et c’est un John Sculley tiré à quatre épingles qui présente un premier partenariat important entre la firme qu’il dirige désormais, Big Blue et Motorola. Les trois acteurs s’accordent notamment pour travailler sur une nouvelle architecture basée sur les travaux d’IBM : le PowerPC.

C’en est fini de la grande guerre : le «deal du siècle» entre les trois entreprises provoque rapidement de profonds bouleversements à Cupertino. Qui à partir de son Système 7.1.2 délaisse le 68000 pour des processeurs PowerPC. Et tous les nouveaux Mac bénéficieront dès 1994 de la nouvelle architecture, qui a été un temps plus efficace que celle d’Intel et qui a servi de différenciateur à Apple dans ses pubs… jusqu’à 2006, date à laquelle Steve Jobs annonce une transition vers les processeurs x86. 

1997 – 2006 : les cartes sont rebattues

Steve Jobs n’a jamais changé vis à vis d’IBM. Dès qu’il revient chez Apple en 1997, il se met en tête d’en finir avec les puces PowerPC. Et se met très tôt -début 2000- a discuter discrètement avec Paul Otellini, le patron d’Intel à l’époque, afin de préparer la transition de tous les Mac vers l’architecture d’Intel. Ce qui représente un travail titanesque, puisqu’il faut réécrire Mac OS X, son système d’exploitation, pour une toute autre architecture. La transition vers Intel sera annoncée à la WWDC 2005 par le big boss himself.

Mais en 2005, IBM n’est plus vraiment un concurrent pour Apple. La firme vient de lâcher sa division PC -qui confectionnait notamment les fameux portables ThinkPad- au Chinois Lenovo et s’est recentrée sur les services aux entreprises. Avec l’iPod et bientôt l’iPhone, Apple s’est trouvé de nouveaux concurrents et de nouveaux ennemis, alors qu’IBM complète ses activités de mieux en mieux… Ce qui a abouti au deal annoncé aujourd’hui. 

Reste une question, qui restera à jamais sans réponse : qu’aurait pensé Steve Jobs de ce partenariat avec son éternel ennemi ?  

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Eric LB