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Apple et Foxconn contraints d’améliorer la vie de leurs salariés

L’audit, mené par la Fair Labor Association au sein de trois usines Foxconn qui travaillent principalement pour Apple, a été rendu public hier soir et pointe de nombreux problèmes.

En février dernier, Apple demandait à la Fair Labor Association (FLA) de mener un audit sur les conditions de travail et de vie des salariés des usines Foxconn travaillant principalement pour la société américaine. Après l’équivalent horaire d’une trentaine de jours d’audit, le rapport de la FLA vient d’être rendu public. En ressort un portrait assez contrasté de la situation et l’évidence de la perfectibilité du système à tous les niveaux : des conditions de travail et de vie au nombre d’heures de travail, en passant par l’information sur les droits des travailleurs.
Les conclusions de la FLA « ont révélé de sérieux et lourds manquements au code de conduite de (l’Association), ainsi qu’au code du travail chinois ».

Des temps de travail non respectés

Foxconn et Apple se sont engagés à apporter des améliorations immédiatement concernant les points les plus problématiques ou simples à corriger. Il en ira ainsi du temps de travail. Pendant l’audit, la Fair Labor Association a remarqué de trop conséquents dépassements du maximum horaire. Là où la FLA et la loi chinoise fixent, respectivement, un maximum de 60 et 76 heures de travail par semaine (heures supplémentaires comprises), les salariés des usines Foxconn dépassent régulièrement ces maxima établis lors des pics de productivité, avec des pointes effrayantes à près de 80 heures supplémentaires mensuelles. Environ la moitié des salariés de l’usine de Chengdu ont ainsi dépassé le quota d’heures supplémentaires mensuelles fixées à 36 heures par la loi chinoise. Un chiffre qui monte à 77,1 % et à près de 80 % dans l’usine de Longhua et de Guanlan. Sachant que la moitié du total des salariés de ces entreprises ont indiqué avoir travaillé plus de 11 jours consécutifs sans repos pendant certaines périodes intensives, avant le lancement d’un produit par exemple.

Salaires bas mais meilleurs qu’ailleurs

Une situation difficilement acceptable, d’autant que le système de calcul des heures supplémentaires fonctionnait sur un principe de 30 minutes. Autrement dit, si l’ouvrier travaillait 29 minutes de plus, il n’était pas payé plus. S’il travaillait 59 minutes, il n’était payé qu’une demi-heure supplémentaire. Les paliers horaires ont désormais été réduits à 15 minutes.
Mais le plus terrible c’est que, malgré ces rythmes de travail effrénés, 72 % des ouvriers de l’usine de Chendgu déclarent que « leur salaire ne suffit pas à couvrir leurs besoins élémentaires ». Dans cette usine, le salaire moyen est de 270 euros par mois (2 257 yuans), inférieur à ceux pratiqués dans les deux autres sites, le salaire minimum légal étant plus bas dans cette région. L’histoire de Wu Jun, ouvrière chez Foxconn, rapportée par Reuters, éclaire d’un jour cru l’état d’esprit de ces travailleurs exploités et qui survivent à peine, ne croyant pas pouvoir gagner autant en travaillant un peu moins…

Cela dit, les salariés de Foxconn ont encore de la chance. Le salaire minimum pratiqué par le plus gros employeur privé en Chine est supérieur au minimum légal. Ainsi, à Shenzhen, le salaire de départ s’élève à 1 800 yuans (214 euros) chez Foxconn contre 1 500 Yuans (179 euros) pour le minimum légal. Un revenu mensuel qui monte à environ 2 200 yuans (260 euros), une fois passée la période d’essai.
Il semble bon de rappeler que ces salaires sont ponctionnés du loyer, pour habiter dans les dortoirs de l’usine, et des repas, assez chers puisqu’ils coûtent environ 13 centimes d’euros pièce.
Apple a indiqué à la FLA que, d’ici le 1er juillet 2013, il allait faire en sorte que Foxconn respecte la loi et fasse moins travailler les ouvriers, sans perte de salaire. Il va donc falloir trouver des compensations et embaucher pour renforcer les effectifs.

Des conditions de travail en voie d’amélioration

Mais au-delà des salaires qui montrent bien que la Chine connaît actuellement ce que l’Europe prolétarienne a traversé dans la seconde moitié du XIXe siècle, l’absence de communication sur leurs droits auprès des ouvriers apparaît flagrante.
Ainsi, 20 % d’entre eux pensaient que les représentants du personnel étaient élus par le personnel d’encadrement. Et si les unions ouvrières existent – on ne peut pas à proprement parler d’organisations syndicales –, elles sont méconnues. 70 % des ouvriers ne connaissent pas leur rôle et leurs moyens d’action. Dès lors, difficile de mobiliser les ouvriers pour améliorer leurs conditions de vie.

Quant aux conditions de travail, l’audit de la Fair Labor Association indique que depuis les accidents mortels dus à l’explosion dans un bâtiment de polissage des boîtiers en aluminium, les choses se sont améliorées même si elles restent perfectibles. Ainsi, certaines machines n’étaient pas protégées et certains ouvriers manquaient de formation ou d’information.

 

Un premier pas

En définitive, ce rapport, qui relève pas moins de 50 problèmes, dresse un portrait étonnant, emprunt de paradoxes : le premier étant de faire surgir des situations misérables mais presque idylliques par rapport à ce que proposent d’autres usines.

Trois espoirs pointent pourtant. Le premier, l’audit dit clairement que ces conditions de travail entraînent un trop fort taux de turnover, ce qui nuit à la productivité des chaînes. Foxconn aurait donc intérêt à améliorer la vie de ses ouvriers. Le deuxième, la Fair Labor Association mènera désormais régulièrement des inspections de ce genre, ce qui devrait pousser Apple comme Foxconn à faire attention. Enfin, troisième espoir, dans ces usines, la firme de Cupertino représente un peu moins des deux tiers de la fabrication totale. Il reste donc un tiers de la production qu’on peut allouer à d’autres acteurs de la high-tech. D’autres acteurs sur lesquels l’opinion publique occidentale peut faire pression pour améliorer les choses…

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Pierre Fontaine