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Andy Müller-Maguhn (Icann) : ” L’élection libre des représentants de l’Icann est en danger “

Un an et demi après son élection, Andy Müller-Maguhn, l’un des cinq membres du comité directeur de l’Icann, continue de dénoncer la domination américaine sur Internet.

Le porte-parole du ” Chaos Computer Club ” est le pirate le plus connu d’outre-Rhin. Il est aussi, depuis octobre 2000, l’un des cinq membres élus sur le Net au comité directeur de l’Icann, l’organisme chargé de gérer les noms de domaine. Mais un an et demi après son élection, Andy Müller-Maguhn continue de dénoncer l’influence grandissante des Américains sur l’Internet.01 net. : Vous représentez des millions d’utilisateurs d’Internet à l’Icann (Internet Corporation for Assigned Names and Numbers), l’organisme chargé de gérer, entre autres, les noms de domaine. Un an et demi après votre élection au comité directeur, qu’est-ce qui a changé ?Andy Müller-Maguhn : Je dirais que la situation est un peu meilleure qu’avant. Mais cet organisme, créé par les Etats-Unis en 1998, est toujours dominé par une poignée d’employés californiens et absolument pas par les utilisateurs d’ Internet. L’Icann n’a pas réussi à se libérer de la tutelle gouvernementale américaine. Rendez-vous compte : presque toutes les décisions doivent être validées par le ministère américain de l’Economie.Le président du comité directeur, Stuart Lynn, a proposé une réforme structurelle qui implique la suppression de l’élection “At Large “* des cinq membres sur dix-neuf. Est-ce la fin de la transparence à l’Icann ?L’Icann n’est toujours pas transparente. J’ai appris par hasard cette proposition, alors que je suis moi-même membre du comité directeur. Les représentants désignés de l’Icann voudraient en effet nous remplacer par des délégués gouvernementaux qui, selon eux, représentent les citoyens d’une façon plus légitime. Selon moi, les gouvernements représentent surtout leurs propres intérêts. Je ne pense pas seulement à la Chine…Comment expliquez-vous qu’une telle proposition ait été faite à votre insu ?Nous avons été convoqués par le président de l’Icann en urgence dans un hôtel qui se trouve juste à côté de la Maison Blanche. Une façon de nous faire comprendre que le gouvernement américain tient à protéger ses intérêts en gardant le contrôle sur les noms de domaine. Les Etats-Unis ne sont pas prêts à céder du pouvoir. Surtout pas par les temps qui courent…Par ailleurs, L’Icann continue de servir les intérêts des milieux industriels. En septembre 2001, lors de la rencontre organisée à Montevideo en Uruguay, la moitié des participants étaient des avocats qui représentaient les marques. Le rôle de l’Icann n’est pas de défendre les marques mais d’administrer l’Internet. Malgré tout, la plupart des membres du comité défendent leurs intérêts économiques. Pourquoi, lors de l’introduction des ” .info “, les marques ont-elles eu la priorité pour déposer un nom de domaine ?Que pouvez-vous faire en tant que représentant des utilisateurs ?J’essaie de changer un peu les choses en déclenchant des débats. J’informe aussi les internautes. Mais ce n’est pas facile. Prenez mon collègue Karl Auerbach, qui représente les internautes d’Amérique du Nord. Il vient de porter plainte contre l’Icann parce qu’on lui a refusé l’accès à ses comptes détaillés, sous prétexte qu’il avait refusé de signer une obligation de réserve. L’Icann se veut transparente… mais c’est un véritable champ de mines !Comment s’est passé la réunion du comité directeur, qui s’est tenue au Ghana du 10 au 14 mars ?Les membres du comité directeur ont parlé à la tribune mais les vraies questions ont été abordées dans les dîners, à l’abri des oreilles indiscrètes. Certes, la nécessité d’une représentation des internautes a été reconnue. Mais on se sait toujours pas si l’Icann va procéder de nouveau à des élections libres sur Internet. La décision finale pourrait tomber en juin à l’occasion de la rencontre de Bucarest. La survie du vote ” At Large ” n’est pas du tout assurée. C’est pourquoi, il est important que les Internautes s’organisent pour défendre leurs droits. Et pas seulement à l’Icann..L’existence de l’Icann a-t-il encore un sens ?Je pense que oui. Nous avons besoin d’une organisation pour administrer le trafic sur l’Internet. Mais il faut trouver une alternative et décentraliser les pouvoirs. Les Européens n’ont pas pris conscience de l’enjeu. Les Américains ne les laissent pas participer aux décisions. L’Icann continue à consolider son pouvoir et cela pourrait avoir des conséquences à l’avenir, sur des questions de sécurité par exemple.

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Propos recueillis à Berlin par Christophe Bourdoiseau