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Allemagne et Japon, même langueurs, même diagnostic

Malgré les dévaluations constatées de l’euro et du yen, les révisions nécessaires pour réduire les coûts dans les NTIC et autres secteurs porteurs, en Allemagne et au Japon, ont du mal à voir le jour.

Un taux de chômage proche de 10 %, un déficit public qui “tangente” les 3 %, une balance des paiements courants à peine équilibrée, une croissance négative, l’économie d’outre-Rhin est malade. Bien que ses contre-performances soient en partie liées à la conjoncture mondiale, il serait illusoire de ne pas voir que l’Allemagne souffre d’un mal plus profond que celui de sa dépendance internationale. D’autant que ce qui est frappant, c’est la concomitance de ses difficultés avec celles de l’économie japonaise.

Une histoire partagée

La croissance de ces deux pays dans les années 1950-1960 reposait sur des caractéristiques communes dont la disparition a révélé la réalité d’économies aux performances surévaluées et mal comprises. Ces deux économies ont bénéficié durant cette période de trois facteurs favorables. Le premier était une monnaie sous-évaluée qui donnait des avantages de compétitivité. En mettant en place la grille des parités en 1949, les Américains, appelés du fait de leur présence militaire à payer dans ces deux pays des sommes importantes, ont cherché à en limiter le montant en dollars en donnant à leur devise un cours élevé. Cette situation a eu un double impact. Dans un premier temps, Allemagne et Japon ont conquis des parts de marché ; dans un second temps, avec les changes flottants, ils ont laissé leur monnaie s’apprécier vers des niveaux conformes à leur productivité, bénéficiant au passage d’un moyen efficace de réduire l’inflation par la baisse du coût des importations. Le deuxième aspect était que la présence américaine se traduisait par des versements réguliers, source d’excédents de balance des paiements courants. Cet apport d’épargne permettait de surmonter la contradiction fondamentale des économies en forte croissance, à savoir la nécessité de combiner une épargne élevée pour financer l’investissement avec une forte consommation pour garantir les débouchés. Grâce à l’épargne gratuite apportée par les Américains, ils ont pu maintenir la part des salaires dans la valeur ajoutée à un niveau important, situation qui est à l’origine des mythes sur le pseudo “modèle rhénan” ou sur le “toyotisme”. Le troisième était la structure des dépenses publiques dues à la prise en charge de la Défense par les États-Unis. Ces dépenses se sont orientées vers des équipements civils, qui ont pu être financés sans déficit.Avec la fin de la Guerre froide, la nouvelle économie, appelée à se substituer à l’industrie comme vecteur de croissance, ne connaît pas les trois conditions favorables qui avaient marqué la construction de la puissance industrielle de ces deux pays. Elle souffre d’une surévaluation monétaire d’autant plus sensible en Allemagne que la réunification a débouché sur une baisse significative de la productivité.

Une reconversion difficile

Alors que les appareils industriels de ces deux pays sont menacés par la perte de compétitivité, ils se montrent incapables de se reconvertir. L’accès à internet, fondement du développement de la nouvelle économie, coûte aujourd’hui deux fois plus cher en Allemagne et trois fois plus au Japon qu’aux États-Unis. Malgré les dévaluations constatées de l’euro et du yen, les révisions nécessaires pour réduire les coûts dans les NTIC et autres secteurs porteurs ont du mal à voir le jour. Quant au secteur public, devenu déficitaire, il accapare une épargne raréfiée.Il faut espérer pour la France, principal partenaire d’une Allemagne qui va sacrifier une de ses plus importantes sociétés “mortar” avec la faillite de Philipp Holzmann, numéro 2 local du BTP, que celle-ci comprendra comment prendre le tournant du “click”* Professeur à lESCP-EAP

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Jean-Marc Daniel*