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Airbus mise sur des datacenters en containers pour monter en puissance

Les aérodynamiciens sont avides de simulation numérique, et leurs besoins en puissance de calcul sont exponentiels. Pour y faire face, la DSI d’Airbus a recours aux POD (Performance Optimized Datacenter), les centres de données en containers de HP.

Multiplier par un million la puissance de calcul d’ici à 2022, c’est la demande des aérodynamiciens d’Airbus. Une gageure pour la DSI de l’avionneur qui cherche à réduire ses coûts informatiques. La solution : des datacenters en containers modulables que l’on peut remplacer tous les dix-huit mois. Avec 376 téraflops installés, Airbus dispose pourtant déjà d’une puissance de calcul phénoménale de 376 000 milliards d’opérations flottantes par seconde.

La performance pour objectif

Une puissance que le constructeur européen, qui emploie 55 000 personnes pour un chiffre d’affaires de 33,1 milliards d’euros en 2011, estime la plus élevée de tout le secteur aéronautique, et dont 75 % sont consacrés aux calculs aérodynamiques. Près de 865 ingénieurs en Europe et 30 à Bangalore en Inde œuvrent simultanément sur le design des futurs avions. “ La demande en puissance de calcul des ingénieurs est sans fin ”, explique Jean-Luc Vincent-Franc, vice-président infrastructure d’Airbus. Avec un objectif : mettre au point des appareils les plus performants possible, c’est-à-dire consommant moins de kérosène par passager et moins bruyants, tout en conservant de bonnes qualités de vol. Cela donne lieu à des simulations de plus en plus complexes sur les effets aérodynamiques, et aux tests d’un nombre croissant de configurations.Pour l’Airbus A350, un long-courrier en composite dont le premier exemplaire de test est en cours de montage, ce sont 5 000 jeux de données qui sont évalués, chacun nécessitant vingt-quatre heures de calcul. Axel Flaig, vice-président senior de l’aérodynamique d’Airbus, affiche des ambitions considérables en matière de simulation : “ A l’avenir, nous tendons vers ce que nous appelons “ voler dans l’avion virtuel ”, c’est-à-dire une simulation temps réel, soit 24 datasets calculés par seconde. Cela implique une augmentation d’un million de fois de nos capacités de calcul au cours des dix prochaines années ! ”Les ingénieurs posent de fait un véritable défi à la direction informatique de l’avionneur qui, de son côté, doit maintenir, si ce n’est abaisser, le coût de son infrastructure : “ Nous faisons face à une explosion de la demande en termes de calcul haute performance, et donc, à une explosion des coûts associés, confirme Guus Dekkers, DSI d’Airbus et d’EADS. Dans un premier temps, les ingénieurs ont exploité des solutions locales avec des fournisseurs locaux. Au niveau des coûts, cela se révélait en fait très cher. Nous avons donc retenu une solution à base de containers, ce qui nous a fait économiser des millions d’euros ! Nous payons pour des téraflops, et c’est tout. ”Pour Jean-Luc Vincent-Franc, cette solution à base de containers “ est le résultat d’une stratégie sur le long terme, dans laquelle nous avons regroupé les besoins de calcul de nos différents centres d’ingénierie répartis en Europe. Chacun avait une solution locale, notre but a été de les fédérer et d’optimiser l’ensemble. ”Après appel d’offres, c’est à HP qu’Airbus a confié, en février 2009, la mise en place de ce service de puissance de calcul. Un premier centre de données en containers ? appelé POD ?, d’une puissance de 100 téraflops, a été installé à Toulouse il y a trois ans, aux côtés du datacenter d’Airbus, sur un parking désaffecté. Un deuxième ? d’une puissance légèrement inférieure de 93 téraflops ?, a été bâti dans le centre de Hambourg en Allemagne, un an plus tard. Enfin, toujours dans le cadre de son contrat avec HP, deux nouveaux containers ont été installés en 2011 à Toulouse, soit au final une puissance cumulée de 300 téraflops.

Un coût de possession divisé par dix

Il s’agit bien de containers de 40 pieds (12 mètres) standards, ceux-là même que l’on voit dans tous les ports du globe, sauf qu’ils renferment 1 008 serveurs-lames dans des racks sur toute leur longueur et toute la hauteur disponible. Une telle concentration de serveurs représenterait en puissance un datacenter de 1 000 mètres carrés. Cette concentration extrême confère au POD une efficacité énergétique (PUE) de 1,25. Chez le constructeur aéronautique européen, on estime que cette solution a permis de diviser par dix le TCO (Total Cost on Ownership, coût de possession) par rapport aux serveurs déployés il y a dix ans.Si installer des centres de données en containers sur un parking peut sembler original, Jean-Luc Vincent-Franc n’y voit que des avantages. “ L’un des challenges auquel répond ce choix est celui de l’obsolescence. La technologie informatique a un cycle de vie de trois ans, et cette solution nous permet d’avoir ce qui se fait de mieux tous les dix-huit mois. Vous retirez un container, et vous en mettez un nouveau à la place. ” La DSI a offert plus de puissance à ses ingénieurs… qui l’ont immédiatement exploitée. Marc Morere, à la tête des projets architecture d’Airbus, le reconnaît : “ L’infrastructure est exploitée à 100 % en permanence. En fin de week-end seulement, on observe une légère diminution de charge. ”Cette stratégie ne s’applique toutefois qu’au calcul intensif : le reste du système d’information (SI) du constructeur est toujours hébergé dans ses murs, comme le souligne Marc Morere : “ L’ensemble du SI d’Airbus reste dans ses datacenters, à Hambourg, Toulouse, Getafe (Espagne) et Filton (Angleterre). Dans les POD, nous ne traitons que les calculs, qui restent indépendants de la DMU (Digital Mock-up, maquette numérique). ” Convaincu de l’intérêt de poursuivre cette approche container, l’avionneur songe désormais à sa quatrième génération d’infrastructure de calcul intensif.Un appel d’offres pour le contrat dit HPC4 est en cours, le nom du fournisseur des prochains containers n’est pas connu. Un changement qui se fera de toute façon sans douleur : L’infrastructure mise en place autour des actuels containers HP devrait en effet s’adapter aisément à la prochaine génération de centres de données. Car si les serveurs en rack sont refroidis par air dans le container, chaque container est relié à un puissant système de refroidissement à eau, installé aussi sur l’ancien parking. “ La consommation totale du site atteint actuellement 1 mégawattheure au total, détaille Marc Morere. Les deux POD consomment environ 800 kilowattheures, les 200 restants étant consommés par le système de refroidissement. Le site est prévu pour fournir 2 mégawattheures, il sera donc facile d’intégrer de nouveaux containers, et inutile de remplacer le système de refroidissement. ”

Vers une mutualisation de la puissance de calcul d’EADS

Avec cette nouvelle génération de datacenters, Jean-Luc Vincent-Franc entend pousser encore plus loin la mutualisation de la puissance de calcul, non plus seulement au niveau d’Airbus, mais à celui de tout le groupe EADS, la maison mère : “ Cette infrastructure est bâtie pour l’ingénierie d’Airbus qui partage déjà ses capacités de calcul avec Eurocopter. C’est la première étape de l’intégration avec EADS, la prochaine étant une infrastructure totalement mutualisée dans le groupe. ” Cet accès à la puissance sera en outre ouvert aux partenaires extérieurs du constructeur, notamment à ceux fédérés par les initiatives européennes de type Aerospace Valley. “ HPC 4 va préparer le futur pour les trois prochaines années, avec une demande en puissance en forte croissance, allant vers le pétaflop ”, poursuit le vice-président infrastructure d’Airbus. Ce dernier souhaite plus de puissance, mais aussi une efficacité énergétique accrue pour ses futurs centres de données. “ Nous visons une efficacité énergétique de 1,1 pour cette prochaine génération ”, conclut Jean-Luc Vincent-Franc.

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Alain Clapaud