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4 – Rétribution et formation

Stock-options, individualisation, aide au financement de son projet d’entreprise… Autant d’outils testés par les entreprises pour retenir leur cadres.

La plus belle preuve de considération n’est-elle pas d’accompagner le salarié considéré comme stratégique, même une fois qu’il a quitté l’entreprise ? C’est en tout cas la philosophie de Proval, un éditeur de logiciels coté au Marché libre.Premier principe : on ne surpaye pas. Jean-Marc Labrosse, le président du directoire, revendiquerait presque le fait que ses salaires restent en moyenne à moins 10 % en dessous des prix du marché. “Nous sommes très élitistes en matière de fidélisation, reconnaît-il. Sur nos 450 salariés, nous en avons identifié une petite cinquantaine que les dirigeants considèrent comme étant des personnes stratégiques.” Mais ce ne sont pas forcément les cinquante premiers postes ou salaires de la société. Ils sont informés de leur ” statut ” mais aucune communication interne n’est faite à ce sujet pour éviter la constitution d’une caste.D’ailleurs, ledit statut reste précaire. Par exemple, il y a deux ans, les experts internet étaient considérés comme stratégiques. C’est nettement moins le cas aujourd’hui. Quel intérêt de se voir ainsi distingué ? On commence par leur proposer des stock-options. Ensuite, on leur propose d’intégrer un mécanisme inventé par les fondateurs de Proval, et baptisé troc-options. Cette incitation à développer sa propre activité suppose que le cadre ait aussi des ambitions d’entrepreneur.

Aide au financement d’entreprise

À ce jour, huit salariés ont déjà sauté le pas. À chaque fois, la méthode est la même. “Je cherchais un système plus motivant que les stock-options, se souvient Gilles Trehiou, directeur général de Proval Technology. Si on ne m’avait pas proposé ce challenge, je serais parti ailleurs.” Dans les premiers mois, il travaille à son projet de filiale spécialisée dans l’expertise technique, en dehors de son horaire de salarié. Une fois le cahier des charges établi, il paye de sa poche 30 % du capital de la nouvelle entité. Proval versant le reste. ” Nous n’avons pas hésité à lui financer une formation de haut niveau comme le CPA [Centre de perfectionnement des affaires], car nous savions qu’il allait continuer à développer cette activité”, précise Jean-Marc Labrosse. L’idée étant qu’à terme, Proval rachète la majorité du capital. Avec cette formule, depuis 1991, 10 collaborateurs ont décroché le jackpot, soit une dizaine de millions de francs chacun, en récompense du risque encouru dans l’aventure. Une façon habile de mêler utilement investissement et management de hauts potentiels.Les attentes des cadres peuvent être particulièrement variées.“Ce qui justifie la politique américaine du “choose your payroll”, remarque Antoine Jeandet. On estime qu’un poste vaut 100. Et chaque année on demande au salarié comment il souhaite recevoir ces 100 : salaire, assurance-vie, baby-sitting, temps libre…”Une individualisation qui pourrait contenter le plus grand nombre, mais qui a peu de chance de fonctionner en France. Hormis la question de la protection sociale, déjà évoquée, une demande de temps libre n’est pas encore entrée dans les moeurs. “Cela reviendrait à faire une croix sur une possible promotion, admet un chasseur de têtes parisien. Seule une femme pourrait obtenir un quatre-cinquième de temps sans trop porter préjudice à sa carrière.” Des propos pas forcément très élégants mais qui en disent long sur les mentalités.De même, une abondance de services offerts aux salariés peut finalement se révéler préjudiciable. “Il est toujours plus facile d’embaucher un concierge pour veiller sur le linge sale des salariés que de leur proposer un véritable projet d’entreprise”, déplore Antoine Jeandet, président du Bernard Hodes Group.Le même de pointer du doigt un exemple de changement dans ce domaine des ressources humaines. En 2000, pour la première fois depuis 20 ans, Renault n’a pas utilisé de voiture pour illustrer sa campagne de communication à destination des établissements d’enseignement supérieur. Autre grande première : l’accroche de la publicité était en anglais (” driven by people “, conduit par desgens). Une mise en avant des personnes encore inenvisageable il y a peu dans cet univers où seul le produit, en l’occurrence une voiture, pouvait occuper le devant de la scène. Cette révolution a été rendue possible par le rachat de Nissan, au moment où il fallait insister sur la mondialisation des idées (d’où la langue anglaise) et sur l’importance des équipes pour réussir cette fusion.Problème de taille : ces changements d’approche exigent du temps. Or, nombre de directeurs des ressources humaines sont avant tout préoccupés, comme la plupart des managers, par leurs résultats à court terme. Ce qui ne leur laisse pas vraiment le loisir de se consacrer à l’édification d’une vision d’entreprise. Alors qu’un pressing interne peut ouvrir ses portes en quelques jours.

Le privilège devient presque un dû

L’ennui naquit un jour de l’uniformité. Le fabuliste Lamotte-Houdar avait raison, puisqu’en matière de bien matériels, l’imitation est toujours possible. Au risque d’en diminuer considérablement l’impact, le privilège devient alors presque un dû. Ainsi, en Grande-Bretagne, le nombre d’automobiles détenues par des entreprises dépasse, aujourd’hui, le nombre de véhicules appartenant à des particuliers. Il y a encore du chemin à parcourir pour que tout le monde soit concerné par la voiture de fonction, en France. En effet, selon une étude menée par la CFDT, seuls 15,1 % des cadres français auraient bénéficié d’au moins un avantage en nature l’année passée. Avec des différences notables, cependant, puisqu’ils seraient à peine 12 % dans le secteur privé et près de 18 % dans le public. Premier concerné : la voiture de fonction. Et pour certains éléments chouchoutés, l’entreprise peut aller jusqu’à régler le loyer de l’appartement. Comme ce manager de Vivendi Universal, considéré comme un collaborateur à fort potentiel, qui, à son retour de l’étranger, s’est vu proposer une prise en charge de son loyer à hauteur de 4 570 euros par mois.

Les bienfaits des 35 heures

Mais il n’est pas toujours nécessaire de mettre de telles sommes en jeu. “Nous disposons d’une équipe de 5 personnes qui travaillent à temps plein au suivi des carrières de nos collaborateurs, explique Guy-Hubert Bourgeois, de Beijaflore. Ils décident des changements de fonction et des augmentations de salaires qui leur sont proposées par les chefs de service.”Et malgré une moyenne d’âge de 29 ans, les salariés apprécient la mise en place des 35 heures, dont le manque à gagner pour l’entreprise est – équipes commerciales obligent – facilement quantifiable : 3 % du résultat net. Soit une dizaine de millions de francs sur les 270 du chiffre d’affaires 2001. Autre investissement de taille : la formation. Les commerciaux et les 17 personnes en charge du recrutement doivent lui consacrer deux mois par an. Soit 230 000 euros dépensés à cette fin, de janvier à juillet.“Si on se focalise sur la rémunération, il peut être efficace de briser le rythme de l’augmentation annuelle”, suggère Didier Burgaud, consultant au sein du cabinet de conseil en management Hewitt Associates. Et de prévoir des récompenses ponctuelles, ou spot award, destinées à célébrer la signature d’un contrat ou l’achèvement d’un chantier avant le terme prévu. Au risque de créer de mauvaises habitudes d’enfant gâté, récompensé à chaque service par une sucrerie.D’ailleurs, la rémunération variable atteint ses limites en période économiquement calme. Beaucoup de sociétés avaient décidé de geler les augmentations salariales des cadres, considérant que les parts variables liées au résultat suffiraient à les contenter. Que se passe-t-il si les scores sont bas ? Ils ne peuvent alors compter que sur leur fixe. Malaise.

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Nicolas Arpagian