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Un système tiré par les cheveux !

Sous couvert de règles savantes et de gains attrayants, les sites d’enchères inversées à offre unique relèvent des jeux de hasard.

Un téléviseur Samsung 24 pouces Full HD pour 29 centimes, un disque dur Western Digital de 500 Go pour 44 centimes, une console Nintendo DSi XL pour 2,15 euros… Pour sûr, de telles offres sont des plus alléchantes. Les sites dits “ d’enchères inversées à offre unique ” se font une spécialité de ces produits high-tech neufs, cédés contre une poignée d’euros, voire de centimes. Mais le Père Noël n’existe pas, même sur le Web ! Et le système mis en place, au regard de la loi, flirte avec l’illégalité.Quel en est le principe ? Il s’agit pour le joueur de donner le prix le plus bas possible, mais qu’il sera le seul à avoir trouvé : la fameuse “ offre unique la plus basse ”. Les sites expliquent avec force détails cette subtilité, de jolies animations à l’appui. Ils indiquent moins clairement une autre particularité.

Payer pour enchérir

Contrairement à des enchères classiques, comme sur eBay, chaque fois qu’un joueur veut enchérir, il s’acquitte d’un droit de placement pour chaque enchère de 50 centimes à 2 euros, qu’il emporte ? ou pas ? le morceau. Ce qui revient à dire que le joueur mise sur des prix. Pour un gagnant à un prix ridicule (auquel il faut toutefois ajouter les frais d’envoi), les participants bredouilles perdent donc une somme d’argent proportionnelle à leur nombre d’enchères, assimilables à des paris. On fait donc miroiter à tout internaute l’espérance d’un gain contre une participation financière, grâce à un jeu où le hasard prédomine. D’après la loi, les critères définissant une loterie payante sont rassemblés. Or les loteries payantes sont prohibées en France, et de tels sites sont donc illégaux. L’un d’eux a marqué les esprits. En 2009, e-Minibid.fr eut les honneurs d’un reportage dans l’émission 100 % Mag de M6, lequel décortiquait un “ nouveau système astucieux ”. Il fut fermé quelques semaines plus tard, suite à l’intervention du service central des courses et des jeux de la police nationale. Depuis, les sites d’enchères inversées tentent de contourner la loi. Certains se sont même domiciliés en Angleterre et en Andorre, par exemple. D’autres soutiennent qu’il est possible de développer une stratégie, et donc de réduire la part de hasard. Pour cela, ils permettent au joueur de savoir si ses placements d’enchères sont gagnants ou pas.

Jeu de hasard

De l’avis de la DGCCRF, les enchères avec suivi en direct sont plus risquées, “ entraînant le participant à des dépenses plus importantes en lui laissant croire que sa seule stratégie ou tactique a une influence sur le résultat et en l’incitant à enchérir de nombreuses fois sur un même produit ”. La loi du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne aurait pu clarifier la situation. Ce n’est pas le cas. Ainsi, l’Autorité de régulation des jeux en ligne a pour rôle essentiel de délivrer des agréments aux sites qui le demandent, uniquement pour les pronostics sportifs et le poker. Les autres formes de jeux ne sont pas évoquées. En attendant, de nombreuses variantes sont apparues, toujours avec une participation financière préalable de l’internaute. “ Enchère à la seconde ” avec compte à rebours de courte durée, chaque nouvelle enchère relançant le compte à rebours ; “ enchère express ” ou “ prix mystère ” pour lesquels l’internaute doit cliquer pour voir le prix du produit, lequel baisse à chaque clic…Dans cette effervescence de jeux payants en ligne, le tout est de ne pas être dupe et de garder à l’esprit que l’on perd bien plus souvent que l’on ne gagne.

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Olivier Lapirot