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T. Nitot, Mozilla : « Firefox est toujours sur le devant de la scène »

Part de marché qui stagne, remplacement par Chromium dans Ubuntu Netbook… Firefox est-il dans une mauvaise passe ? Tristan Nitot répond aux questions qui fâchent.

01net. : Firefox fait l’objet de plus en plus de critiques sur le Net. Il lui est notamment reproché une relative lenteur face à Chrome. Firefox 3 serait-il en train de devenir le « Vista » de Mozilla ?

Tristan Nitot, Mozilla Europe : Je ne crois pas qu’il y ait quelque point commun que ce soit entre Vista et Firefox. Nous publions de nouvelles versions fréquemment. Les 3.0, 3.5, 3.6 et 3.6.4 sont des versions importantes à leur façon. Cela fait donc quatre versions en deux ans. On est bien loin de Vista. Côté performances : il s’agit parfois d’un faux procès. Firefox est très compétitif en gestion de mémoire et souvent bien meilleur que ses concurrents.
Je pense surtout que le marché des navigateurs a changé. Il y a 5 ans, lors de la sortie de Firefox, Microsoft était en situation de monopole. Notre navigateur a pleinement joué son rôle de challenger. Il y a 18 mois, Chrome est arrivé sur le marché, avec les moyens financiers, techniques et marketing de Google, qui sont immenses.
Et là, tout dépend du point de vue où l’on se place. Soit vous considérez Internet Explorer comme une référence : alors Firefox est le challenger. Soit vous considérez que Microsoft est négligeable : alors Chrome est le challenger de Firefox. Pour ma part, je ne considère pas Microsoft comme négligeable. Microsoft est toujours le leader en parts de marché, même s’il est en chute libre. Il bénéficie toujours de cet avantage de la vente liée. A dire vrai, Chrome et Firefox, ainsi qu’Opera, sont des alliés dans la promotion d’un Web ouvert et respectueux des standards.

Les dernières statistiques d’utilisation des navigateurs montrent une stagnation de l’usage de Firefox dans le monde comme en Europe. Cela inquiète-t-il la Fondation Mozilla ?

La croissance de Firefox a toujours connu une certaine saisonnalité, marquée par un fléchissement au printemps et une reprise forte en septembre. 2010 ne déroge pas à la règle. Ce qui diffère toutefois, c’est la relative montée en puissance de Chrome. Il n’en reste pas moins que lorsque Chrome gagne un nouvel utilisateur, Firefox en gagne 2,5. Finalement, à chaque fois qu’Internet Explorer perd un utilisateur, c’est en faveur d’un navigateur moderne, qu’il s’agisse de Firefox, de Chrome ou de Safari.
Mais nous ne restons pas les bras croisés face à la concurrence. En cinq ans, nous sommes passés de quinze employés permanents à 300. Firefox est maintenant disponible en 75 langues pour trois plates-formes : Linux, Mac et Windows, sans compter Maemo et Android. Et nous avons accéléré la fréquence de sortie de nouvelles versions. Et puis il y a Firefox 4, prévu aux alentours de la fin de l’année, qui est très prometteur.

Canonical a décidé de remplacer Firefox par Chromium dans sa future édition netbook d’Ubuntu. Est-ce un désaveu pour Mozilla ?

Chrome fait certaines choses mieux que Firefox, c’est incontestable. Pour celles-ci, nous avons un plan d’action afin de combler l’écart, dont les premiers résultats seront visibles dans Firefox 4. Mais il faut aussi prendre un peu de recul et repositionner les navigateurs au sein du projet GNU/Linux. Firefox est un bien meilleur citoyen de la communauté Linux que Chrome.
Prenons par exemple les bibliothèques Cairo et Pango, l’extension XRender ou les thèmes GTK (1). Ce sont des outils importants, utilisés par plusieurs applications, que la communauté Linux considère comme essentiels. Mozilla doit contribuer à améliorer ces bibliothèques afin que la plupart des applications Linux en bénéficient. C’est pourquoi nous avons choisi de les utiliser, même si les performances sont parfois dégradées, principalement à cause de certains pilotes de cartes graphiques.
Pour sa part, Google a décidé de ne pas utiliser ces technologies. Chrome gagne certes en vitesse, mais son éditeur ne participe pas à l’amélioration de bibliothèques importantes. Cela va à l’encontre de la philosophie du logiciel libre et est néfaste à moyen et long terme pour l’écosystème GNU/Linux.

Que peut-on dire aujourd’hui du futur Firefox 4. Sera-t-il l’occasion de remettre Firefox sur le devant de la scène ?

Firefox est toujours sur le devant de la scène. C’est toujours nous qui défions Microsoft, avec nos 400 millions d’utilisateurs. Firefox 4 est extrêmement prometteur, à commencer par sa rapidité, et ce, à tous les niveaux. Les développements sont toujours en cours, mais nous avons déjà fait des progrès importants en termes de temps de lancement du navigateur. La réactivité de l’interface a aussi été améliorée, tout comme l’exécution de JavaScript avec JaegerMonkey. La vitesse d’affichage a également été accélérée grâce à l’utilisation du processeur graphique, quand cela est possible.
Outre les performances, l’interface utilisateur de Firefox évolue sensiblement. De nouvelles fonctions liées aux onglets sont prévues, comme la possibilité d’aller à un onglet déjà ouvert alors qu’on tape son nom dans la barre d’adresses. Il y a aussi une nouvelle notion d’« onglets applicatifs » dédiés aux applications Web les plus fréquemment utilisées. Par exemple : l’utilisateur pourra disposer d’un onglet spécifique pour son webmail qui sera toujours visible, même si beaucoup d’autres onglets sont ouverts.
Pour les développeurs Web, Firefox 4 sera aussi un grand bond en avant, avec le support des WebSockets, de PushState, du multipoint, de CSS3 (Transitions), d’HTML5 (avec un « parser » tout nouveau) et de la vidéo native avec le format ouvert WebM (2). Il y aura également une évolution des outils qui font de Firefox le navigateur de référence pour les développeurs, à commencer par Firebug.
Il est encore trop tôt pour avoir la liste définitive des nouveautés de Firefox 4, mais les versions bêta qui sortiront cet été nous permettront d’affiner une version qui s’annonce déjà comme très alléchante.

(1) Cairo : librairie graphique libre dédiée au rendu vectoriel. Pango : librairie graphique libre dédiée au rendu de police de caractères et à l’affichage de texte internationalisé. Xrender : extension qui permet de gérer la transparence et l’anti-aliasing. GTK : The GIMP Toolkit, ensemble de bibliothèques permettant de réaliser des interfaces et thèmes graphiques.

(2) WebSocket : nouveauté de HTML5 qui permet d’établir une communication asynchrone entre le navigateur et le serveur. PushState : système permettant notamment à un site de changer l’URL affichée dans le navigateur. CSS3 transitions : nouvelle fonction du langage CSS3 permettant d’animer les pages Web. Parser : un parseur est un analyseur syntaxique permettant d’analyser le code d‘une page Web pour en retrouver certains éléments.

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Par : Opera

Christophe Guillemin