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Suicide à la banane

Lorsqu’on oublie que faire appel à un prestataire accroît la complexité des projets informatiques, ceux-ci dérapent inévitablement.

Une société de services informatiques, c’est un peu comme une peau de banane géante : quand on arrive trop vite dessus, on se plante. Pas besoin d’aller très loin pour s’en rendre compte. Une ou deux glissades, quelques acronymes, et on obtient une assez bonne idée de ce que peut être un carambolage informatique : BNF contre Cap, EDF contre IBM… A chaque fois, c’est la même sérénade, le même crissement de pneus, qui mène au même parterre. A chaque fois, le prestataire est montré du doigt, comme s’il était à la fois responsable des freins et du conducteur. Et comme une logique étrange autant qu’inébranlable veut que l’on se range toujours du côté du payeur, on en oublie le bon sens.Est-il plus futé de glisser sur une peau de banane et de l’accuser d’avoir été là ou de la repérer puis de marcher habilement à côté ? Le ” bon sens ” tient simplement à cette question. Ou plutôt à sa réponse. La gestion d’un sous-traitant n’est jamais simple. Elle devient même fantastiquement complexe dès lors que le projet s’étale sur plusieurs années, engage des centaines de millions de francs de dépenses et met en scène des centaines de personnes.Dans le cas de la BNF, le maître d’ouvrage a juste oublié quelques petites choses. Il a juste oublié de spécifier la moitié des applications créées en cours de projet. Il a juste oublié qu’il valait mieux avoir quelques mois de retard par rapport à l’inauguration des lieux que de se précipiter tête baissée. Il a juste oublié d’envoyer un cahier des charges clair au prestataire, lequel, appâté par un bon coup, s’est laissé piéger. Résultat, un crash portant la facture à 420 millions de francs au lieu des 280 millions initialement prévus.Pour EDF-GDF, c’est un peu la même histoire. Sauf que la peau de banane s’appelle IBM. Le projet, trop typé, est impossible à suivre. Le cahier des charges, toujours lui, se fait de plus en plus flou et léger au fur et à mesure que le temps passe. Au final, les équipes se démotivent, le projet est remis en cause, puis arrêté. La décision d’arrêt prend, paradoxalement, très peu de temps. Résultat, huit ans d’efforts au total et 2 milliards de francs dilapidés pour rien.Ces deux histoires répondent au même schéma, parfaitement reproductible et d’ailleurs parfaitement reproduit : on épluche une banane, on la jette loin devant et on court le plus vite possible dessus pour voir comment ça fait. Croire qu’on peut surfer de cette manière sur un prestataire, sans se soucier de sa solidité, de sa capacité à mener un projet à bien et encore moins de lui expliquer clairement ce qu’on attend de lui, cest suicidaire. Un vrai suicide à la banane.Prochaine chronique lundi 26 février

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Philippe Billard