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Smart Ag, des tracteurs autonomes pour sauver les agriculteurs… et la planète

Confrontées à une pénurie de main d’œuvre, de plus en plus d’exploitations agricoles peinent à fonctionner. Une start-up espère améliorer la situation en rendant autonomes certaines machines. Le début d’un cercle vertueux ?

Loin des data centers et des images d’Epinal convoquées dans l’imaginaire populaire par les termes « intelligence artificielle », Smart Ag, jeune start-up américaine, travaille à son échelle à sauver l’agriculture, à permettre aux agriculteurs de faire face à un problème capital : le manque de main d’œuvre.

Déserts fertiles immenses

Vu du ciel ou du sol, les exploitations agricoles grossissent, s’étendent, immenses. Une tendance qu’on peut observer dans la plupart des régions céréalières mais qui est particulièrement vraie aux Etats-Unis. Les champs s’y étendent sur des dizaines d’hectares, l’exploitation moyenne dans le Midwest occupant environ 135 Ha. Pourtant, ces zones rurales sont de plus en plus désertées, délaissées, nous explique Justin Heath, directeur stratégique de Smart Ag. Deux tendances que les fabricants de matériels agricoles ont bien enregistrées et qui les poussent à proposer des engins toujours plus gros pour abattre plus de travail avec moins de main d’oeuvre, au point que certaines machines ne peuvent prendre la route, nous confie le jeune entrepreneur pour nous donner une idée des proportions prises par ce problème.

Autonomie et accompagnement

Pour compenser le manque de main d’œuvre, Smart Ag a développé l’offre AutoCart, qui sera commercialisée d’ici la fin d’année. Installée sur un tracteur par exemple, elle le rend autonome, capable d’évoluer sans supervision humaine dans un champ. Ainsi, tandis qu’un exploitant agricole conduit une moissonneuse, le tracteur équipé d’une remorque peut s’aligner le long de l’engin pendant qu’il fait sa récolte afin de recevoir le grain, puis, quand la remorque est pleine aller la vider ou la déposer en bout de champ.

Quand on demande à Justin Heath si les deux véhicules pourraient être autonomes, sa réponse est surprenante. « Techniquement, les deux pourraient évoluer seuls, car ils communiquent entre eux. Mais les agriculteurs ne veulent pas laisser le volant à ce moment. Il y a une question d’image, de satisfaction. Ils veulent être là au moment de la récolte. » Pourquoi laisser le fruit et la gloire de son labeur à une machine ?

01net.com – L’interface de l’application qui permet d’établir les frontières à ne pas dépasser en mode de conduite autonome.

Le kit développé par Smart Ag depuis 2015 comporte une partie logicielle et évidemment un kit matériel. Il comprend des capteurs et caméras à placer sur la machine et, dans un boîtier métallique ventilé, qui devrait être IP67, un centre de contrôle développé par la start-up pour piloter le tracteur. S’ajoute à cela une unité de calcul Jetson, de Nvidia. C’est ce cerveau qui a la charge de détecter la proximité d’un autre engin, de s’assurer qu’aucune personne ou bête n’est en travers de son chemin. Auquel cas, il arrête l’engin et attend patiemment pour reprendre son activité.

Le module Jetson s’assure également que le tracteur n’outrepasse les bornes virtuelles qui lui ont été fixées depuis un ordinateur, un smartphone ou une tablette. Car AutoCart n’est destiné à assurer l’autonomie du véhicule que dans les champs. Il n’est pas programmé pour prendre la route – il n’embarque d’ailleurs pas de système redondant. En cas de panne, il est conçu pour arrêter le véhicule.

Ces bornes virtuelles, définies sur une carte satellite, permettent d’éviter de récolter le champ du voisin, de contourner les arbres, les pylônes ou encore les zones trop humides qui parsèment les champs.

L’ensemble devrait être commercialisé chez les revendeurs spécialisés, qui assureront installation, formation et entretien, aux alentours de 50 000 dollars. Un prix pas si élevé au regard de ce que coûte certains engins agricoles.

01net.com – Le boîtier de contrôle, à gauche, le module Jetson, ainsi que le caméra et le radar. Tout à droite une épreuve imprimée en 3D du futur boîtier.

Des effets bénéfiques

Smart Ag met l’intelligence artificielle au service de ceux qui nous nourrissent, pour leur faciliter la vie. Mais pour Justin Heath, son produit pourrait avoir deux autres effets bénéfiques. Le premier, pour les agriculteurs. En rendant autonomes les engins agricoles, il espère pouvoir rompre un cercle vicieux qui rend les agriculteurs dépendants d’un seul engin. Une panne au moment des récoltes est une catastrophe quand on n’a qu’un tracteur, par exemple. Il espère que AutoCart permettra de revenir à des engins plus petits, moins coûteux et donc plus nombreux, afin qu’une panne ne soit pas si lourde de conséquences.

Et le retour à des engins plus petits aurait un autre effet bénéfique. Cela éviterait d’écraser et tasser les terres arables fragiles, et donc de leur assurer une meilleure fertilité. Un début de cercle vertueux qui pourrait aboutir à l’utilisation de moins d’engrais, à moins de pollution. Un effet papillon pour le meilleur, quand l’intelligence artificielle est là pour servir l’homme, au mieux.

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Pierre Fontaine, envoyé spécial à San José