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Salaires: top secret

S’il est une question qui intéresse les informaticiens en cette période de vaches grasses, c’est bien le salaire. Mais les employeurs maintiennent le flou. Par Anne-Françoise Marès.

Les recruteurs ont beau clamer haut et fort que la course aux émoluments est un piège dans lequel il ne faut pas tomber et qu’ils répugnent à embaucher des mercenaires, ils sont les premiers à y participer. Mais dans la plus grande opacité. Car, en la matière, la transparence fait peur. Alors on assiste à toutes sortes d’aberrations : certains patrons de SSII refusent carrément d’indiquer les salaires pratiqués chez eux. Avec, comme justification, la crainte des réactions de leurs clients. Si ces derniers connaissaient les salaires de l’informaticien détaché chez eux, ils trouveraient en comparaison la facture bien lourde.D’autres redoutent plutôt les sirènes de la concurrence : “Nos salaires ne tiennent pas la route face à ceux pratiqués dans de grands groupes comme Cap Gemini. En les indiquant, les candidats ne postuleraient pas chez nous”, explique un patron d’une SSII provinciale. Certains n’hésitent pas non plus à tricher. Comme ce patron de SSII se vantant publiquement de salaires d’embauche d’ingénieurs débutants à 300 000 francs, jouant naïvement sur la triche pour donner une bonne image de sa société.Mais la crainte des réactions externes vaut bien celle de l’interne. “Nos salariés ne doivent pas connaître les salaires d’embauche de postes équivalents. Ce serait la révolution, car les plus anciens sont restés à des niveaux inférieurs”, se défend un DRH de société de services. D’ailleurs, le secret se répand également entre salariés. Un jeune responsable de portail dans une banque craint ainsi que la diffusion de son salaire ?” en l’occurrence 300 000 francs ?” ne fasse des jaloux parmi ses collègues moins privilégiés.Comme s’il y avait une certaine honte à être bien payé. Malgré le désir de certains jeunes fondateurs de start-up d’imiter la transparence des sociétés américaines et l’exemple que veut donner le patron des patrons, Ernest-Antoine Seillière, le salaire reste un secret bien gardé. Et toutes les excuses sont bonnes pour ne pas aborder le sujet. A la question de savoir quelle est la plus forte rémunération dans leur société, les responsables ont vite fait d’indiquer celle de leurs directeurs commerciaux. Une façon de ne pas s’engager, puisque les salaires de ces derniers font l’objet d’une importante part variable. Et pas question de compter sur les stock-options pour davantage de transparence. Interrogés sur cette paie dun nouveau genre, les patrons de SSII baissent massivement la tête, gênés.

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Anne-Françoise Marès, chef de la rubrique Emploi