Passer au contenu

Reef fait naufrage

L’éditeur de logiciels de gestion de contenus de sites Web, qui voulait rivaliser avec Vignette et Broadvision, dépose son bilan.

” Notre entrée en Bourse se fera dans les six prochains mois. Ce passage obligé n’est pour nous qu’un épiphénomène marketing. “ Nous sommes en avril 2000. Quelques jours à peine avant le krach boursier qui va ébranler les valeurs phares de la nouvelle économie. A cette époque, le PDG de Reef, Philippe Brawerman, regarde encore avec détachement les marchés financiers.Aujourd’hui, après trois levées de fonds spectaculaires, d’un montant total de plus de 80 millions d’euros, et un chiffre d’affaires qui a plafonné en 2001 à 10 millions d’euros, l’éditeur de solutions e-business dépose le bilan.D’après le site d’information belge Trends.be, qui diffusait l’information dès le 26 juin, ce sont 60 personnes qui risquent de se retrouver sans emploi. Entre-temps, et grâce aux fonds levés auprès de prestigieux investisseurs (The Carlyle Group, Viventures, 3i, Goldman Sachs, Profrigo, IDG Ventures, KBC Investco et SG Cowen Securities), Reef aura conduit une politique effrénée de croissance externe dont la viabilité est maintenant sujette à caution.Au fil des acquisitions (Globale Com, Epdata, Versifi, Net Developpement), essentiellement conclues par échanges d’actions, Reef porta ses effectifs à plus de trois cent cinquante personnes, en Europe, aux Etats-Unis, mais aussi en Océanie à la mi-2001.En cette période bénie entre toutes, la réussite insolente de Reef rayonne aux quatre coins de la nouvelle économie. La société, fondée en 1998, figure en bonne place au palmarès de Capital IT. Et Time Digital, le supplément thématique de l’hebdomadaire américain, intronise par deux fois (en 2000 et en 2001) Philippe Brawerman au rang de gourou des NTIC sur le continent européen.

Personne ne remet en cause la stratégie

L’entreprise se pose en concurrent potentiel de Vignette et de Broadvision, et engrange les contrats (Vivendi, Siemens France, Hurwitz, Virgin, General Motors). Malgré tout, les rentrées financières restent symboliques au regard des investissements réalisés.En interne, la mode est au ” management Internet ” et pendant longtemps personne ne remet en question le modèle économique. Philippe Brawerman n’est-il pas, après tout, un ancien de Cisco Systems, dont les résultats parlent pour lui ?Reef subit de plein fouet le retournement de tendance du second semestre 2001. Aveuglement ou irresponsabilité, la société réussit tout de même à boucler en février dernier un troisième tour de table de 27 millions d’euros…En ce début d’année, la tension sociale commence à monter. Dans un article paru début avril dans 01 Informatique, certains salariés s’inquiètent pour leur avenir et dénoncent les
” pratiques illégales “
de la direction de Reef, notamment sur le plan des ressources humaines. Peut-être sous l’influence de la culture interne de l’entreprise, certains collaborateurs de Reef qualifient en retour ces informations de “ragots” et de “grandiose manipulation”. Le 8 avril dernier, la société Reef France est placée en liquidation judiciaire.Depuis, la direction de Reef a peut-être été contrainte de mettre en pratique l’une de ses règles, évoquée le 29 mars 2000 dans les colonnes de notre confrère Le Figaro Economie :“Slow to hire, quick to fire”
(” recruter lentement, virer rapidement “). Encore sous le choc, certains salariés de l’éditeur se refusent toujours à parler de l’aventure Reef, et préfèrent déclarer simplement “qu’ils ont tourné la page”

🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.


Xavier Biseul et Philippe Crouzillacq