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Pourquoi l’outil de Facebook contre la désinformation pendant la campagne électorale est inefficace

D’après un rapport indépendant, CrowdTangle, le tableau de bord fourni aux fonctionnaires américains par Facebook pour « rendre plus transparentes » les élections de 2020, comprendrait de nombreuses limites. Tellement, qu’il en deviendrait inutile. 

D’après une enquête du collectif américain Tech transparency project (TTP), CrowdTangle, l’outil fourni par Facebook aux fonctionnaires d’État pour lutter contre la désinformation en période électorale n’est pas efficace, voire inutile. L’objectif de « rendre les élections de 2020 plus transparentes », affiché dans les mails consultés par le TTP, semble loin d’être rempli. La liste des « problèmes » relevés par le collectif de journalistes, universitaires, décideurs et simples citoyens, est longue. 

« Des plaques tournantes de la théorie du complot »

En premier lieu, les angles morts sont problématiques. Si ce tableau de bord ajustable permet de surveiller les posts, les pages, les groupes publics, il ne comprend pas les messages et les groupes privés. Or, selon les fonctionnaires à qui s’adressent l’outil, la désinformation électorale vient surtout de la. Ces groupes sont les « plaques tournantes de la théorie du complot et des discours haineux », écrit TTP. 

Selon le rapport, la plupart des messages de désinformation sont diffusés par des utilisateurs individuels. Et lorsque les fonctionnaires ont demandé à ce que cette face privée du réseau social soit intégrée à l’outil, Facebook a répondu par la négative, arguant que cela porterait atteinte à la protection de la vie privée de ses membres.

Un outil pour se décharger de la modération politique

Au lieu d’être assisté par l’outil, ces mêmes fonctionnaires ont donc une responsabilité supplémentaire. Dans l’idée, CrowdTangle leur permet d’identifier et de signaler les cas d’ingérence électorale à Facebook, mais dans les faits, ils estiment que le réseau social se décharge de sa propre responsabilité. 

La logique aurait-elle été inversée ? Ce ne sont donc plus les agents d’État qui sont assistés, mais bien Facebook dans sa politique de signalement des contenus inappropriés. Pour le collectif TTP, tout porte à le croire. Cette logique s’inscrit parfaitement dans la tendance actuelle chez Facebook de donner le travail de modération à d’autres : des journalistes, des chercheurs, des utilisateurs pointus dans tel ou tel domaine. 

Un « doute de plus sur l’utilité de l’outil »

Autre problème : la plate-forme ne fournit pas toutes les données nécessaires pour signaler les contenus politiques. Pire encore, les cadres dirigeants de Facebook ont admis qu’elle ne montrait pas « ce que voient la plupart des gens » – ce qui, selon TTP, jette « un doute de plus sur l’utilité de l’outil ». 

CrowdTangle a été acheté par Facebook en novembre 2016, en réaction directe aux dernières élections présidentielles, durant lesquelles les fake news proliféraient sur le réseau. Pour celles de 2020, Facebook met publiquement l’accent sur ses efforts de lutte contre la désinformation.

Un discours ambivalent chez Facebook

Début septembre, Mark Zuckerberg a déclaré que Facebook s’associait aux autorités électorales de l’État pour « identifier et supprimer les fausses allégations au sujet des conditions de scrutin », ajoutant que la collaboration se poursuivrait « tout au long de l’élection jusqu’à ce que nous obtenions un résultat clair ». 

Mais comme le montre l’enquête du TTP, Facebook se sert des fonctionnaires pour nettoyer son réseau, sans pour autant leur donner accès à toutes les données dont ils ont besoin pour repérer ces contenus malveillants. D’autre part, Facebook envoie des messages contradictoires au sujet de CrowdTangle – en remettant en question publiquement son utilité tout en assurant en privé les fonctionnaires de l’État de sa valeur -, ce qui soulève des interrogations quant aux intentions réelles de l’entreprise pour assurer l’intégrité du scrutin de novembre prochain.

Source : TTP 

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Marion SIMON-RAINAUD