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Places de marché : bilan en demi-teinte

Bristol-Myers, Oracle, Casino affichent des retours sur investissements très positifs. Mais les fournisseurs de plates-formes spécialisées souffrent. Paradoxe ?

Bristol-Myers Squibb le concède : le groupe a économisé entre 6 et 10 % dans la gestion de nombreuses catégories de produits et gagné plus de six semaines dans la gestion de ses processus. La raison des économies du géant pharmaceutique américain ? La création d’une place de marché dans le domaine de la santé.” En mettant en ?”uvre le système en à peine plus d’un mois, nous avons permis à Bristol-Myers Squibb d’obtenir un rapide retour sur investissement “, pavoise Mike Hills, vice-président pour l’Amérique du Nord d’Ariba, cet éditeur qui a fourni les solutions logicielles nécessaires à l’infrastructure. Au regard de la réussite nord-américaine, cette place de marché pilote, qui ne fonctionne pour le moment qu’outre-Atlantique, pourrait être exportée ” dans les prochains mois ” en Europe et en Amérique latine.Le cas de Bristol-Myers Squibb n’est pas isolé. Beaucoup d’entreprises sont conquises. ” Il s’agit pour elles de passer du “combien ça me coûte ?”, au “combien ça me rapporte ?” “, explique Jean-Marc Defaut, directeur du marketing chez Oracle France.Charité bien ordonnée commence par soi-même : l’éditeur de base de données estime avoir réalisé, sur un an, 1 milliard de dollars (plus de 1,1 milliard d’euros) d’économies grâce à ses propres solutions e-business. Le détail de ce chiffrage sera d’ailleurs révélé en France le 24 avril prochain.Et la liste n’est pas limitative : que dire de Casino, qui estime sa mise de départ dans les places de marché déjà ” largement remboursée “, ou encore du chimiste Du Pont de Nemours, qui attend ” plusieurs millions de dollars “ d’économies sur les achats directs, soit les équipements nécessaires à sa production ?Pourtant, tout n’est pas rose au pays des places de marché. Surtout pour les fournisseurs. Ariba essuie depuis quelques semaines revers sur revers. Le contrat entre le spécialiste des logiciels pour plateformes B to B et le groupe de transport Alstom Power est en suspens. Pourquoi une telle désaffection ?” Les éditeurs de solutions de commerce électronique ont vu trop grand. Ils sont partis sur des perspectives de croissance à la fois exagérément optimistes et trop larges “, estime Jean-Pierre Ullmo, directeur pour l’Europe du sud de Calico Commerce, un éditeur de solutions logicielles sales-side (orientées achats). “ Le marché a été déçu, il sanctionne ces entreprises. “Victimes de leur succès, la plupart des fournisseurs de ces places se sont trouvés dans l’incapacité d’allouer le niveau de ressources nécessaire pour satisfaire la de-mande. Dans la première semaine d’avril, les spécialistes du logiciel B-to-B ont tous émis des profits warnings. D’Ariba à Commerce One et de i2 Technologies à Web Methods, tous ont sacrifié sans hésitation à ce nouveau rituel.

Scepticisme des analystes

Les analystes, eux, sont extrêmement prudents sur les perspectives de rebond à court terme. Ils mettent en cause “ l’illusion que, du fait que ces applications étaient fondées sur le web, les lois du développement de logiciels ne s’appliquaient pas, comme l’explique Bruce Richardson, d’AMR Research. Comme si un programme pouvait être conçu, débogué, installé et fonctionner, sans avoir jamais été ni testé ni certifié !
Et d’enfoncer le clou en citant General Motors, qui avait promis en novembre 1999 que ses 30 000 fournisseurs prendraient part aux transactions dans un délai de dix-huit mois. Toujours selon lui, aujourd’hui les fournisseurs en question ne seraient, à expiration du délai, qu’une petite quarantaine !Or, le temps presse. Comme le fait remarquer un analyste du cabinet Entreprise Applications Consulting, “ si les acteurs des places de marché n’attirent pas rapidement tous les fournisseurs possibles, ils n’atteindront jamais la masse critique. Et les transactions resteront à l’état de communiqués de presse “. Alors, qui faut-il croire ? Bristol-Myers, Casino et Du Pont qui rient, General Motors qui peine, ou les fournisseurs qui pleurent ?Peut-être… les consultants. Pour Martha Rogers, spécialiste du B-to-B, les acteurs économiques ne tarderont pas à s’apercevoir que leur intérêt est de partager l’information et ” dématérialiser ” tout ce qui peut l’être.” Dans une conjoncture aussi délicate que celle que nous traversons, les entreprises doivent appuyer à la fois sur le frein et sur l’accélérateur, explique Martha Rogers. Les solutions logicielles qui équipent les places de marché, jointes à l’utilisation des bases de données relationnelles, leur permettront de faire les deux à la fois. ” Et d’abaisser les tarifs. Car, rappelle un responsable d’Oracle, ” contrairement à une idée reçue, ce que recherchent les gens qui signent avec Ariba ou Commerce One, ce n’est pas la mutualisation des risques. C’est l’obtention des prix les plus bas “.Dale Kutnick, fondateur et président du cabinet américain Meta Group, affiche, lui aussi, un optimisme raisonné. Lors d’un récent passage à Paris, il confiait que “ l’entreprise gagnante, ce n’est pas nécessairement celle qui a la technologie. C’est plutôt celle qui sait s’en servir intelligemment “.

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Pierre-Antoine Merlin