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On ne rit pas !

De start-up en holdings, journal de bord d’un cadre de la nouvelle économie. Il se confie sous pseudo pour parler?” et parfois crier ?” plus librement…

La semaine dernière, je vous promettais la suite de mon petit manuel du tricheur. Mon “Comment faire triompher sa boîte sur le web en y perpétrant les coups les plus tordus” a remporté un vif succès, amplement mérité avouons-le. Aujourd’hui, vous avez à nouveau sorti vos 15 francs pour acheter Le Nouvel Hebdo, attendant avec impatience la suite de ce guide de l’arnaque. Mais vous ne l’aurez pas ! J’avais promis ? Eh bien, c’était juste pour vous démontrer à quel point il est facile d’attraper les gogos. Sans rancune ? Merci…Maintenant, c’est l’heure de notre leçon de la semaine, qui cette fois portera sur l’esprit de sérieux. Elle part d’un double constat : quand le boss plaisante, c’est rarement drôle. Et quand il ne plaisante pas, c’est pire. Roland fait partie de ces gens pour qui l’humour n’est qu’une perte de temps, un vilain bouton sur le nez de la rentabilité. Pire, même : un rot de l’esprit, dont le souffle fétide menace la bonne marche de l’entreprise et leur propre majesté. Pour résumer la pensée profonde de ces intégristes du besognisme : l’humour, ça manque de sérieux… Notre e-mam Roland, enturbanné dans sa dignité, a donc lancé une fatwa contre tous les mécréants pratiquant l’humour dans nos locaux. Ce sont des innocents qui vont mourir. Car, croyez-moi, nous sommes tous comme lui : nous nous empêchons d’être drôles, ce qui, dans la plupart des cas, ne nous demande pas beaucoup d’efforts… À peine ai-je dû bosser un peu plus que les autres pour atteindre cette forme d’électroencéphalogramme plat, garante de notre tranquillité et du bon versement de nos salaires. Mes impertinences, je les réserve maintenant au Nouvel Hebdo, qui me sert de soupape de sécurité : je raille ici pour ne pas dérailler là…Bref, dans ma boîte, ça ne rigole pas vraiment. Sourire sans se moquer, et afficher une personnalité dynamique tout en rasant les murs, voilà l’essentiel de notre boulot. J’ai appris à m’y tenir. Mais voilà que ce fragile équilibre, si chèrement acquis, menace de se rompre. D’où viennent mon angoisse et mon blues ? De ce que je suis un nègre. Pas de procès SVP, je n’emploie ce mot que dans un sens littéraire : c’est moi que Roland a chargé d’écrire “son” livre. Notre e-mam réclame son petit Coran sur mesure : une espèce d’autobiographie plus ou moins bidonnée, où il a décidé de chanter sa propre gloire dans un style furieusement modeste. Le jour où il m’a annoncé cela, j’ai cru à une blague. Mais comme je viens de vous l’expliquer, la plaisanterie n’est pas son fort. Pour se justifier, il m’a répété l’argument puissant de notre directrice générale : “Moi, je dis que cet ouvrage donnera à Roland une dimension hors business, excellente pour le business, moi je vous le dis”. Depuis quelques jours, cette menace a été mise à exécution, et me voilà recueillant sa sainte parole au magnéto, pour la transformer en prose taillée dans le bronze. J’ai eu beau faire une entorse aux directives anti-humour en lui proposant d’en glisser un zeste dans ce monument de platitude. Il veut du sérieux, de l’édifiant. Il a même précisé : “N’hésite pas à être chiant.” Je crains d’y avoir réussi. Vous aurez le premier chapitre dans le prochain Nouvel Hebdo : ne lachetez pas…

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La rédaction