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MMORPG 1/9 : Realtime Worlds, grandeur et décadence d’un studio

Le dépôt de bilan du créateur d’All Points Bulletin ressemble à un mauvais feuilleton. Retour en détail sur la chute d’un développeur qui aura misé gros, et longtemps, sur un titre décevant.

Cela aura été le feuilleton de l’été pour nombre d’observateurs du petit monde du MMO, et il n’est pas fini : les Ecossais de Realtime Worlds (RTW), à l’origine de Crackdown et du tout récent All Points Bulletin (APB), sont officiellement en dépôt de bilan. APB est resté en développement pendant plus de sept ans, a coûté selon des informations officieuses environ 100 millions de dollars, et le studio aurait perdu plusieurs millions par mois depuis le début de l’année 2010, rien qu’en frais de fonctionnement. Retour en quelques dates sur la chute précipitée d’un développeur qui aura misé gros, et longtemps, sur un titre décevant.

7 juillet 2010 : Une semaine après le lancement d’APB, David Jones, le fondateur du studio, annonce dans un communiqué la restructuration des équipes de RTW afin d’offrir un « soutien total » à son nouveau bébé : une grosse partie des développeurs de son second projet de MMO, jusqu’alors tenu secret, se voit alors affectée à la gestion au jour le jour d’APB, dont l’équipe technique subit de nombreux licenciements.

28 juillet : RTW dévoile son nouveau titre, Project : MyWorld. Un MMO social permettant de fusionner « les réseaux sociaux, le social gaming et le jeu traditionnel ». Tout va toujours pour le mieux dans le meilleur des mondes.

13 août : Alors que les rumeurs vont bon train sur les ventes médiocres d’APB et la mauvaise santé financière du développeur, RTW se fend d’un communiqué indiquant que, « à la suite du communiqué de presse du 7 juillet, le préavis de 30 jours pour les équipes concernées prend fin. Nous ne pouvons réaffecter ces équipes et devons malheureusement nous en séparer ». Aucun chiffre n’est communiqué officiellement, mais, selon une source interne, « toute l’équipe de MyWorld a été demantelée. Pas loin de 60 personnes sont parties ». Sur le front d’APB, même constat : « La quasi-totalité de l’équipe de développement est au chômage technique pour quatre à huit semaines », ce qui ne laisse qu’une poignée de personnes pour s’occuper du suivi.

17 août : Le couperet tombe, RTW dépose le bilan. Un salarié raconte : « Toute l’équipe d’APB, plus de 100 personnes, a été regroupée dans une salle de réunion. Les noms des personnes licenciées étaient égrenés au micro, et elles sortaient une par une pour récupérer leur lettre de licenciement. » Par la voix de son représentant Paul Dounis, l’administrateur judiciaire Begbies Traynor indique que 53 postes seront conservés en Ecosse et 14 aux Etats-Unis : 185 personnes restent sur le carreau. La structure aurait près de 3 millions de livres sterling (environ 3,6 millions d’euros) de dettes. Des « repreneurs anglais et américains » auraient manifesté leur intérêt pour le rachat.

Le malheur des uns faisant le bonheur des autres, de nombreux développeurs (Sony, Sega, Crytech, Activision, Codemasters…) sautent sur l’occasion pour débouler en Ecosse et organiser des séances d’embauche dans l’hôtel Apex tout proche.

19 août : Il faut lire le blog d’un ancien employé de RTW pour se faire une idée du ressentiment à l’encontre des équipes dirigeantes et bien comprendre à quel point la partie semblait, même en interne, jouée d’avance.

20 août : 23 personnes des équipes de MyWorld, récemment licenciées, sont finalement réembauchées en Ecosse. « En tant que petite entité, MyWorld intéresse grandement des acheteurs potentiels », indique Paul Dounis. De nombreuses rumeurs parlent de la création d’un nouveau studio uniquement consacré à MyWorld, qui pourrait même être monté par des gens très proches de RTW. Apparemment, David Jones aurait réussi à récupérer les droits pour continuer le développement de MyWorld. Quid d’APB ? « Nous allons continuer de le soutenir. »

24 août : A l’heure où nous écrivons cet article, l’avenir d’APB – qui s’est récemment vu patché et dont les serveurs sont toujours en activité – semble des plus incertains. Un communiqué nous apprend qu’il aurait réuni plus de « 130 000 utilisateurs enregistrés » et que « les joueurs payants dépensent une moyenne de 28 dollars par mois ». Si certains, comme Paul Dounis, voient dans cette annonce « des chiffres sains », d’autres se demandent si elle n’est tout simplement pas formatée pour rameuter des repreneurs qui ne se bousculent pas pour l’instant au portillon. Le jeu passera-t-il l’hiver ? On peut se poser la question, mais un titre comme APB, s’il ne voit pas son contenu régulièrement mis à jour, peinera beaucoup à maintenir son intérêt.

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Richard Homsy