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Massacre au Lions Club

De start-up en holdings, journal de bord d’un cadre de la nouvelle économie. Il se confie sous pseudo pour parler ?” et parfois crier ?” plus librement…

Dans votre boulot, êtes-vous dominant ou dominé ? Non, ce n’est pas le prochain thème de Ça se discute, de Jean-Luc Delarue. Nous ne vous demandons pas de témoigner sur un plateau de télé après être passés au maquillage. Ici, on discute sans fard, et les âmes mises à nu ne gardent pas leur string. Donc, posez-vous vraiment la question, et répondez-y sans chichi : êtes-vous un lion ou un paillasson ? Question terrible, car il n’y a pas de juste milieu. Et comme il y a peu de lions…Mais ne vous lamentez pas : les paillassons, à défaut de gloire et de promotions, ont une espérance de vie souvent très supérieure aux grands fauves qu’ils rêveraient d’être. Prenons pour exemple le groupe de nouvelles technologies dans lequel j’officie comme directeur de la communication, un poste aux attributions aussi nébuleuses que scintillantes. Dans la réalité comme sur le papier ?” celui de l’organigramme ?” que suis-je ? Un indiscutable dominant, de la race des lions. Et dans cette famille, j’appartiens au sous-groupe le plus impitoyable : celui des lions du jeudi, de type comité de direction. C’est en effet ce jour-là que se réunit chaque semaine notre directoire, où nous passons plus de temps à planter nos crocs dans la carrière et la chair de notre prochain (petits cadres et autre piétaille de la boîte) qu’à en améliorer le fonctionnement et les perspectives.
Notre directrice adjointe, Charlotte, est elle aussi de la race des lions broyeurs. Ne prenez pas pour du rouge à lèvres ce qui orne ses lèvres : ce n’est que du sang. Celui des veaux du marketing qu’elle égorge pour le principe, même quand ils font leur possible, ou celui des gazelles de la promotion, même quand elles déploient efficacement leurs charmes auprès des clients. Charlotte, animal fatale, n’accepte d’ailleurs dans son lit (ou sur la moquette savane de son bureau) que des animaux eux aussi dominants : Roland, notre président à mâchoire carrée, ou votre serviteur, dont les griffes n’ont jamais servi que lui-même… Évidemment, il y a une hiérarchie chez les tueurs : Charlotte s’écrase devant Roland, et je m’écrase devant Charlotte. Prêt à tout subir d’elle, sauf si elle met vraiment ma carrière en danger. Si elle s’y risque, je la tue. À ma manière, hypocrite, certes, et peu spectaculaire, mais efficace : un coup de griffe dans le dos, à la hauteur de la nuque. C’est la “méthode dossiers” : je garde bien au chaud une doc complète sur toutes ses erreurs de gestion qu’elle cache à notre boss.
De son côté, elle en a autant pour Roland : quelques “X Files” garnis de photos montrant ce que l’on pourrait appeler la montée en bourse de notre président, qui plairait peu à son épouse… Cet équilibre de la terreur maintient une certaine stabilité au sein du comité de direction, où le taux de mortalité reste néanmoins assez élevé. Car certains n’y sont en fait que des paillassons déguisés en fauves, et dès que le masque est levé, cest la curée… Alors que chez les petits cadres, nous massacrons sans excès : si nous décimions tous nos sujets, sur qui régnerions-nous ? Un conseil, donc : ne vous trompez pas sur votre nature profonde. Et ne trichez pas : à paillasson qui rugit, rien ne réussit…

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La rédaction