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L’occasion fait peau neuve: Les sites garantissent la bonne affaire

L’américain Half.com a bouleversé la hiérarchie des sites marchands en pratiquant des rabais de 50% et en se positionnant comme tiers de confiance. Ses émules français montent au créneau.

Du jour au lendemain, le petit bourg de Halfway, Oregon, s’est ” télétransporté ” en pleine Silicon Valley. Ce matin de janvier 2000, ses 345 habitants se sont réveillés à Half.com : pour 75 000 dollars (80 590 euros) et 22 ordinateurs, une start-up, fondée six mois auparavant, avait rebaptisé le village à son nom. Cette campagne de communication à moindre frais devait amener à son chef d’orchestre une notoriété nationale instantanée. Half.com se positionnait avec fracas sur le secteur encombré du commerce électronique. Avec un créneau qui allait en faire une des plus fulgurantes réussites de l’internet marchand : l’occasion à -50 % du prix neuf.

Une commission de 15% au passage

Moins d’un an plus tard, Half.com a intégré le tiercé gagnant des e-marchands sur la dernière période des fêtes de fin d’année. Selon le cabinet PC Data, le site s’est classé troisième de sa catégorie en nombre de visiteurs uniques sur le mois de décembre 2000, derrière Amazon et Ebay, excusez du peu. Le site d’enchères Ebay ne peut que se féliciter de se voir talonné par ce nouveau venu : le challenger lui appartient, depuis juin 2000. L’opération lui a coûté 300 millions de dollars. Le modèle d’Half.com n’est pas directement concurrent de celui de sa maison mère adoptive : les prix sont fixes, et le vendeur ne peut pas exiger plus de 50 % du prix neuf. De plus, il n’est pas question d’attendre plusieurs semaines pour savoir si on a effectivement décroché l’objet désiré. Half.com ne prétend pas se substituer au commissaire-priseur mais s’assure que la transaction se déroule dans de bonnes conditions en remplissant le rôle de tiers de confiance. Lorsque l’acheteur veut acquérir un produit repéré parmi le catalogue de 10 millions de livres, disques, films ou jeux vidéos, il le sélectionne d’un clic de souris et indique son numéro de carte bancaire. Le site se charge de contacter le propriétaire et lui indique l’adresse de l’intéressé. Half.com ne crédite le compte du vendeur qu’une fois l’objet réceptionné par le client. Au passage, une commission de 15 % sur le montant de la transaction est prélevée.Fini la simple mise en ligne de petites annonces, peu rémunératrice puisque la transaction avait lieu hors ligne. Ce nouveau type d’intermédiation permet, enfin, aux opérateurs du site, de récupérer à coup sûr une part des transactions. La formule a connu un tel succès commercial outre-Atlantique que les émules français n’ont pas tardé. Le 15 janvier dernier, Priceminister.com s’est immiscé sur le marché hexagonal avec une recette équivalente. Son fondateur, Pierre Kosciusko, ne fait pas mystère de sa source d’inspiration : ” Je travaillais aux États-Unis lorsque Half.com a été racheté par Ebay. Le concept m’a séduit et j’ai décidé de l’importer. Par contre, les livres se retrouvent en tête de gondole, car nous avons choisi de miser avant tout sur les biens culturels. Les Français en sont de gros consommateurs, et ce type de produits est à la fois le plus vendu, online et offline, sur le marché de l’occasion. “Ce marché réel, Pierre Kosciusko l’estime à 230 millions d’euros, et ne doute pas un instant des avantages qu’internet peut lui apporter : ” Le particulier ne verra plus le commerçant ven- dre 70 francs un livre qu’il lui a acheté 15 “. La marge des intermédiaires traditionnels de l’occasion paraît donc menacée à moyen terme. Pourtant, dès l’ouverture officielle du site, le 22 février, celui-ci ne référençait pas moins de 100 000 objets fournis par des éditeurs, des soldeurs ou des grossistes. En fait, utilisé comme un canal de distribution à part entière, ce site peut leur permettre de faire tourner leurs stocks plus vite, voire de dénicher les acquéreurs potentiels d’objets exhumés de leurs entrepôts.Mais si la sollicitation des professionnels de la brocante a permis l’amorçage de la pompe, Pierre Kosciusko espère que rapidement 75 % des objets seront mis en ligne par les particuliers. Après quelques semaines d’activité, il est déjà satisfait car le relais semble avoir été transmis: le fonds de commerce s’est vu enrichir de plus de 10 000 références. Un démarrage sous les meilleurs auspices, à l’entendre, ce qui lui donne confiance dans les objectifs 2001. Il table d’emblée sur un volume d’affaires de 6,1 millions d’euros, ce qui générerait par conséquence pour Price Minister un chiffre d’affaires propre de 910 000 euros.

Un créneau qui fait des envieux

Ces perspectives de revenus rapides ont permis une levée de fonds de 760 000 euros auprès de business angel. Pourtant, Pierre Kosciusko pense déjà à prospecter pour obtenir 2,3 millions d’euros supplémentaires car la formule est avide de capitaux, dans les premiers temps en tout cas. En effet, la barrière à l’entrée est forte : elle se situe au niveau des bases de données qu’utilise Price Minister pour répertorier les livres, disques et autres DVD. Difficiles à réunir et souvent monopolisées par certains sites, elles permettent au vendeur de mettre rapidement un objet en ligne, en indiquant uniquement le code barre du produit ou son numéro ISBN. De son côté, l’acheteur voit s’afficher un descriptif du produit tel qu’il pourrait le consulter sur Amazon.fr ou Fnac.com.Premier parti, Price Minister se voit emboîter le pas. La formule supposée magique fait des envieux. Dès la fin du mois de mars, le site d’échange trokers.net se lance à son tour sur le créneau de l’occasion à -50 %. Son jeune président et cofondateur, Aymeric Chotard, ne revendique pas directement la filiation avec Half.com : ” Notre inspiration vient effectivement des États-Unis, mais il s’agit de Switchouse.com, un site de troc en ligne, lancé début 2000. À l’automne, ils ont autorisé leurs internautes à ajouter un prix à leurs objets proposés au troc, et le principe nous a paru complémentaire. ” À la différence de Switchouse, Trokers n’a pas choisi de mélanger l’univers du troc et celui de l’achat/vente d’occasion sur un même site. Le nouveau service sera proposé sur un site indépendant nommé 2xmoinscher : la formule ressemble au final plus à Half.com ou Price Minister, même si la commission est moins élevée, soit 10 %, comme chez Switchouse.En octobre 2000, Trokers a levé 500 000 euros auprès de business angel, dont une partie en nature (locaux, matériel) auprès de l’incubateur du Silicon Sentier Tocamak. Avec sa double casquette d’adepte du troc référençant plus de 30 000 personnes et de futur brocanteur en ligne, Aymeric Chotard paraît serein : ” Nous misons sur notre trafic actuel pour amorcer la pompe et nous avons aussi réuni un fonds de 10 000 objets pour la mise en ligne de 2xmoinscher. ” Les trois jeunes fondateurs et leurs cinq collaborateurs espèrent faire leur trou, notamment en élargissant leur offre aux téléphones et aux PDA. Comme chez Price Minister, des partenariats sont annoncés, mais leur teneur reste floue en terme de services associés.Le créneau de l’occasion en ligne est certes prometteur, mais la concurrence se fait déjà jour. De la même façon que de grosses librairies ont choisi d’accoler un rayon livres d’occasion à celui des livres neufs, les commerçants en ligne français pourraient élargir leur palette aux biens d’occasion. La course est ouverte alors que le marché vient à peine de naître.

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Maxime Rabiller