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LK-99 : une semaine après, où est la révolution électrique ?

L’électricité n’est plus un mystère, sauf quand il s’agit de créditer une révolution. Des chercheurs sud-coréens viennent de le montrer en entretenant le doute sur leur trouvaille autoproclamée aux conséquences colossales pour le transport et le stockage de l’électricité. LK-99 serait supraconducteur à une température et une pression ambiantes. Une première mondiale.

« Nous avons réussi à synthétiser un supraconducteur à température ambiante », publiaient le samedi 22 juillet Sukbae Lee, Ji-Hoon Kim, Young-Wan Kwon sur la plateforme américaine arXiv, archive de prépublications d’articles scientifiques. L’un d’eux est chercheur à l’Université de Séoul, les autres travaillent au Quantum Energy Centre. Tous les trois sont coréens, inconnus du grand public et de la communauté scientifique internationale.

Pourtant, ils viennent d’informer le monde entier d’une consécration scientifique qui, si celle-ci est démontrée, sera une révolution. L’article est accessible à tous, gratuitement, mais ne fait que huit phrases. Suffisamment pourtant pour créer une onde de choc. Le PDF qui s’y greffe en dit davantage sur l’expérimentation, mais aucune mention de vérification ni aucune preuve formelle n’est disponible.

Leur trouvaille est-elle réelle ? La question se pose alors partout. LK-99 serait ce que beaucoup rêveraient de pouvoir trouver en premier et marquer leur nom en grand dans les encyclopédies. Internet s’enflamme, bien plus au final que la communauté scientifique, qui doute et investigue.

Ce que dit la prépublication sur LK-99

Les chercheurs coréens expliquent dans cette prépublication avoir réussi à synthétiser un matériau supraconducteur qu’ils ont baptisé LK-99, capable d’évoluer à pression et température ambiante, pour transporter de l’électricité et la stocker sans aucune friction et donc sans perte d’énergie. Une révolution technologique alors que les matériaux actuels nécessitent une température extrêmement basse, une pression élevée, ou les deux en même temps pour atteindre la transition de phase permettant la supraconductivité.

Les données expérimentales sont peu nombreuses. Pourtant, en parallèle aux critiques, certains préfèrent plutôt se mettre au travail et tenter de vérifier la prouesse de LK-99. De son côté, le grand public découvre le monde du supraconducteur, son intérêt et ses limites actuelles.

Pour devenir supraconducteur, LK-99 aurait modifié la structure originelle de son matériau de départ, un alliage de plomb et d’apatite, en remplaçant des atomes par d’autres, créant ainsi une tension interne. « Cette supraconductivité provient d’une distorsion structurelle minime résultant d’un léger retrait de volume (0,48 %) causé par le remplacement des ions Pb2 + par des ions Cu2 + dans le réseau isolant du Pb(2)-phosphate, générant ainsi du stress », détaillent-ils.

Jusqu’à présent, les contraintes physiques ont limité le champ d’action de la supraconductivité. On la retrouve surtout dans l’imagerie par résonance magnétique (IRM), et d’autres appareils faisant appel à des électroaimants supraconducteurs comme les accélérateurs de particules et la fusion nucléaire. Les projets de transport par câble supraconducteur sont peu nombreux (le Français Nexans en a produit un pour les États-Unis) et le plus long du monde se trouve depuis 2014 en Allemagne. Même chose pour le stockage.

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© Twitter / Raul Perte

Internet plus supraconducteur que LK-99

Si nous avions un matériau supraconducteur capable d’être utilisé à température et pression ambiantes, cela changerait drastiquement les choses sur le point de l’efficience des systèmes électriques et électroniques. À ce jour, un matériau comme le cuivre provoque une perte de l’ordre de 20 %, de quoi imaginer ce que serait une production électrique si nous n’avions plus à nous soucier de la capacité perdue (transformée en chaleur) des systèmes conventionnels.

Résultat, la popularité de LK-99 sur les réseaux sociaux a devancé les médias et beaucoup d’internautes à travers le monde ont découvert l’existence de l’étude coréenne avant même que celle-ci ne soit évoquée dans la presse. La recette est là : un titre percutant, et des chercheurs qui écrivent au sein même de leur publication qu’il s’agirait d’un « événement historique qui ouvre une nouvelle ère pour l’humanité ».

« ‘Le premier supraconducteur à température ambiante et à pression ambiante’ : cela a beau sonner obscure, mais en clair, cela veut tout simplement dire ‘S’il vous plaît, donnez-nous le Prix Nobel’ », commentait avec humour dans l’une de ses vidéos YouTube la Docteure Sabine Hossenfelder. D’autres scientifiques rappelaient que dans le milieu, les exemples de fausses études sur les supraconducteurs étaient nombreux et ont fait même naître le terme de « USO », pour « objet supraconducteur non identifié ». Un clin d’oeil aux OVNI.

Globalement, la plupart des physiciens reconnus ont refusé de commenter l’étude, la critiquant pour son manque de sérieux. D’autres se disent surtout sceptiques et invitent à prendre le temps. « Soyons très prudents : équipe inconnue, institut inconnu, plusieurs détails dans les manips étranges », écrivait sur Twitter le professeur et physicien Julien Bobroff de l’Université Paris-Saclay, qui conseillait de ne pas suivre ce genre d’informations « comme un événement sportif ».

Il faut dire qu’Internet s’est effectivement approprié le sujet pour en nourrir les passions. Sur la plateforme Polymarket, il est possible depuis mercredi 26 juillet de parier sur la question « Est-ce que le supraconducteur à température ambiante est réel ? » par le biais de token cryptographique. Le « non » l’a toujours emporté, sauf le lundi 1er août. La raison ? La publication par des scientifiques chinois d’une vidéo confirmant les dires sur LK-99. Du moins, en partie.

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© Polymarket

LK-99 : la course de toutes les tentatives

À l’Université des sciences et technologies de Huazhong, à Wuhan, le professeur Chang Haixin le chercheur postdoctorant Wu Hao et le doctorant Yang Li ont publié une vidéo présentant selon eux le résultat de LK-99 en action.

Ce qu’ils ont relativement démontré (en filmant un écran), est la capacité de lévitation supraconductrice du matériau LK-99, avec un angle plus grand que celui obtenu par les chercheurs sud-coréens. Cependant, pas de preuve concrète pour la résistance nulle (sans perte d’énergie), qui n’aurait pas encore été testée. La vidéo a atteint 10 millions de vues.

Le matériau LK-99 serait-il seulement diamagnétique ? C’est aussi ce que la Docteure Sabine Hossenfelder concluait dans sa vidéo, en se penchant quant à elle sur une plus ancienne démonstration des chercheurs coréens, où l’on pouvait voir une tentative de lévitation relativement réussie.

Si la motivation de certains dépasse l’entendement, ce n’est pas seulement parce que le sujet créditerait probablement d’un Prix Nobel. En fait, il s’avérerait que la préparation du LK-99 soit relativement simple à mettre en place pour un laboratoire. Si l’on ne prend pas en compte certaines instructions cruciales qui ne sont pas renseignées dans l’étude, le LK-99 ne nécessite que quatre ingrédients : du phosphore rouge et de cuivre pour synthétiser le phosphure de cuivre, du sulfate de plomb avec de l’oxyde de plomb pour fabriquer un minéral appelé lanarkite.

Ils étaient ainsi plus de 16 000 en temps réel sur Twitch à suivre un défi de l’ingénieur spatial Andrew McCalip, alors en train de tenter l’impossible pour reproduire LK-99. « Pourquoi ? Parce que c’est le Saint Graal », expliquait-il au magazine Wired, en attendant que sa préparation de 24 heures d’attente dans les fours ne se termine. Le média américain expliquait que pendant ces longues heures d’attente, les internautes n’en finissaient pas de commenter en débattant sur l’identité des auteurs de l’étude de LK-99, de leur nationalisme ou de leurs soucis internes.

Des tensions dans l’équipe de chercheurs ?

Outre les mesures inexactes présentées dans les graphiques de l’étude, LK-99 fait effectivement beaucoup réfléchir sur son sérieux quand on regarde le déroulement de la publication de la prépublication scientifique et de leurs auteurs. Quelques heures après le premier document sur arXiv, un deuxième est venu se greffer, comprenant cette fois-ci… trois chercheurs supplémentaires. En plus de ne pas avoir été vérifiées par des organismes indépendants donc, les prépublications ne sont pas logiques du côté de leurs signatures.

Si certains y voient un manque de sérieux, d’autres y voient plutôt la présence de frictions internes, pour savoir qui serait à l’origine de la découverte scientifique révolutionnaire. Un document enregistré et publié en avril dernier dans le Journal of the Korean Crystal Growth and Crystal Technology soutient cette hypothèse, car il démontre un antécédent dans les résultats finaux du 22 juillet dernier. Dans cette publication, l’équipe comprenant les six chercheurs était bien mentionnée. À ce moment, ils cherchaient alors à faire part de leur « considération » pour le matériau supraconducteur LK-99.

« Si c’est vrai, nous le saurons d’ici une semaine », déclarait à la revue scientifique Science le théoricien au Laboratoire national d’Argonne Michael Norman. La Docteure Sabine Hossenfelder est du même avis, elle qui ajoutait : « je suspecte que les premières tentatives de reproduction montreront que LK-99 n’est pas supraconducteur. On discutera pour savoir si le produit a bien été synthétisé, puis nous n’en parlerons plus jamais ».

LK-99, qui veut dire « Lee & Kim 1999 », a beau ne pas avoir encore répondu à sa question fondamentale, il a déjà fait une prouesse : être à la fois un troll, une trend Internet, une révolution et une hypothèse qui ne fait pas seulement rire la communauté scientifique. Après la politique, la justice et le journalisme, doit-on blâmer Internet de remplacer le travail des revues scientifiques ?

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© Unsplash / Valentin Salja

Un peu d’histoire sur la supraconductivité

La supraconductivité est loin d’être une première et n’être qu’au stade expérimental, mais ses dispositifs coûtent très cher. Cette capacité que l’on obtient par une transition de phase d’un matériau a été découverte il y a un peu plus d’un siècle après qu’un laboratoire a réussi à liquéfier de l’hélium pour atteindre une température proche du zéro absolu (degré Kelvin), soit -273,15° Celsius.

À partir de là, le milieu scientifique a accumulé les découvertes sur les matériaux capables de supraconductivité (cuivre, aluminium, plomb), mais cela impliquait à chaque fois de leur faire atteindre une température très basse.

Les avancées ont continué sur la deuxième partie du XXe siècle pour passer outre la barrière du champ magnétique (faisant retomber la supraconductivité, pour le dire de façon simplement) impliquant de limiter la puissance du courant électrique (qui crée lui-même un champ magnétique).

Au début des années 2000, une céramique supraconductrice à -180 degrés permet pour la première fois de passer de l’hélium à l’azote liquide, moins cher pour refroidir le système. À partir des années 2010, on assiste alors à une commercialisation de câbles supraconducteurs, supportant jusqu’à 5 kA.

Pas plus tard qu’au mois de mars, la dernière étude sérieuse en la matière qui a permis d’atteindre une supraconductivité à température ambiante (20 degrés), ne pouvait s’avérer être révolutionnaire car il fallait alors obtenir une pression mille fois plus élevée que la pression atmosphérique. En 2015, le même constat avait été fait avec un matériau supraconducteur à 203 K (soit -70 degrés), pour une pression de l’ordre d’un million de bars.

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Hadrien Augusto