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L’Inde est sur la Lune, dans une zone très stratégique

Le quatrième pays à se rendre sur la Lune vient d’atteindre une région encore jamais foulée. À la clé, une leçon de résilience et un terrain de jeu stratégique. Les composants trouvés sur place ont été préservés de l’activité solaire.

« Nous attendions tous que l’altitude atteigne zéro et au moment où Vikram a atterri, nous avons éclaté de joie », a déclaré à The Economic Times le PDG et fondateur de Agnikul Cosmos, Srinath Ravichandran, en se remémorant le moment. À 14h34, heure de Paris, le 23 août 2023, l’atterrisseur Vikram de la fusée indienne Chandrayaan-3 se posait sur la surface lunaire. L’agence spatiale indienne (ISRO), comme toute la communauté de l’industrie spatiale du pays, retenait son souffle jusqu’au moment fatidique. Et désormais, « l’Inde est sur la Lune », déclarait Vishesh Rajaram, associé directeur du fonds deeptech Speciale Invest.

Outre la récompense d’entrer dans le club fermé des quatre pays à avoir atteint la surface du satellite naturel de la Terre, beaucoup d’acteurs d’entreprises spatiales indiennes se sont réjouis des conséquences positives que cela allait apporter, notamment dans l’attrait des capitaux étrangers pour l’industrie. Et le succès n’est pas près de redescendre, car l’atterrisseur lunaire s’est posé au pôle Sud de la Lune, une zone non explorée et peu cartographiée. De quoi « révéler les mystères du système solaire qui sont restés cachés pendant plus de quatre milliards d’années… », se réjouissait le PDG de Skyroot Aerospace, Pawan Kumar Chandana, à The Economic Times.

Des avantages scientifiques

Après les États-Unis, la Chine et la Russie, l’Inde va pouvoir commencer ses missions dans une région très prisée par la course spatiale. Pourtant, le budget de l’ensemble de Chandrayaan-3 n’a pas dépassé les 69 millions d’euros. Pour se donner une échelle de ce que cela représente, il suffit de comparer avec le coût du film Gravity, d’Alfonso Cuarón, qui s’élevait bien plus haut, à 100 millions de dollars, comme le comparait le journal Le Monde. Nous ne sommes jamais allés sur la Lune de façon si économique, et le budget est en trompe-l’œil avec les avantages scientifiques de la mission, que beaucoup de pays peuvent envier. Mais pourquoi ?

Toujours selon le fondateur et PDG de la société Skyroot Aerospace, « ces régions contiennent très probablement de la glace, qui s’est construite sur plusieurs milliards d’années, déposée par des météorites et préservée de l’activité solaire. […] Le pôle Sud offre des avantages scientifiques, l’urgence d’y parvenir est évidente dans la nouvelle course à l’espace », expliquait Pawan Kumar Chandana au journal économique. Le fait de s’y retrouver seul, alors que le pôle Sud n’avait pas encore été approché par un autre pays, renforce d’autant plus la position indienne en tant que grande puissance spatiale.

Le rover à six roues de la mission est déjà sorti de l’atterrisseur, et foulera le sol pour le cartographier et pour récolter des échantillons pendant les deux semaines que durera son séjour. L’eau sur la Lune est un sujet de taille, et la contenance des glaces présentes sur la surface de l’astre sera déterminante pour les prochaines missions de colonisation.

Deuxième tentative et une preuve de résilience

Quelques heures avant l’arrivée de l’Inde sur la surface lunaire, la Russie voyait sa mission avec Luna-25 s’écourter. Dans la même région que Chandrayaan-3, la sonde russe s’est écrasée quelques heures plus tôt, un exemple « des défis de l’exploration spatiale [qui] sont immenses et impitoyables », déclarait Anirudh Sharma, fondateur et PDG de Digantara, basée à Bangalore en Inde, là où se situe également l’agence spatiale du pays et son centre de contrôle. Au chapitre de la résilience et de la détermination, le pays sait de quoi il parle. Pour que Chandrayaan-3 soit une réussite, il aura fallu passer par l’échec d’une autre mission du même type, en 2019.

Pour décrocher la Lune, il a fallu essuyer un échec de taille, et ne pas baisser les bras. La mission aurait ainsi servi « de grande leçon de résilience – même si vous échouez la première fois, vous pouvez revenir plus fort et faire taire tous vos opposants », déclarait l’un des entrepreneurs derrière la plateforme de voyage indienne Ixigo, à The Economic Times. « L’ISRO a présenté au monde la technologie de pointe de l’Inde et ce que nous pouvons réaliser avec un travail acharné, de la concentration et de la ténacité » complétait Harsh Jain, cofondateur et PDG de Dream11. « Des événements comme ceux-ci renforcent la confiance dans notre capacité à repartir de zéro », déclarait enfin Tarun Mehta, qui a lancé la marque de voitures électriques Ather Energy.

En parallèle à l’aérospatial, l’Inde est aujourd’hui dans une autre course : celle à la production des composants tels que les semi-conducteurs pour les grandes entreprises américaines et chinoises. Face à la Corée du Sud, qui connaît, elle aussi, une place stratégique, l’Inde continue de relever son économie et planifie à la fin 2024 la sortie de ses premiers semi-conducteurs, des puces mémoires qui serviront l’entreprise américaine Micron.

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Source : The Economic Times


Hadrien Augusto