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Licences : la grogne des utilisateurs

Les entreprises rechignent à suivre la valse des prix du logiciel. La révision des modes de calcul des licences, ainsi que les options payantes, sont chaque jour davantage décriées.

“Je n’investis que si la rentabilité apportée par un logiciel est mesurable. Le coup de force des éditeurs qui cherchent de nouvelles sources de revenus, auprès d’une base installée qui a cessé de croître, doit céder la place au partenariat”, assène Jean-Pierre Corniou, président du Cigref. De fait, le prix du logiciel augmente, contrariant l’argument de baisse des coûts avancé par les éditeurs. Par ailleurs, les licences sont élaborées de façon à inciter les entreprises à mettre la main à leur porte-monnaie. Oracle, Microsoft, Siebel ou PeopleSoft, entre autres éditeurs emblématiques, parent en effet leurs licences tantôt de clauses locatives, tantôt d’options payantes. Autant de modèles qu’il convient de détailler pour lever un coin du voile sur des pratiques souvent opaques.

Les coûts décollent en deux ans

Ainsi, dès le mois de mai 2000, Oracle tente de faire passer en France la tarification au mégahertz. Le prix de la licence est calculé selon une constante appliquée au logiciel puis multiplié par le nombre de cycles d’un processeur (pour le SGBD). L’autre solution consiste à facturer la licence à l’utilisateur nommé. Tollé des entreprises qui voient ?” dans leurs simulations, du fait même de la loi de Moore ?”, le prix des logiciels doubler. En juin 2001, Oracle introduit un modèle de facturation au processeur et à l’utilisateur nommé.Malgré ce retrait, force est de constater que la notion d’utilisateur concurrent a disparu des licences Oracle depuis fin 1999. Elle permettait d’acheter 25 licences correspondant à des connexions simultanées, pour 100 utilisateurs au total. Le surcoût généré provoque la colère des entreprises, qui doivent acheter autant de licences qu’elles ont d’utilisateurs.Mai 2001, Microsoft fait monter à son tour la grogne lors du lancement de son nouveau programme de licences. Principal point de friction : Software Assurance (SA). Un contrat de mise à jour bisannuel lié aux programmes d’achat de licences en volume Open et Select. Pour y souscrire, les clients doivent impérativement disposer des dernières versions des logiciels Microsoft. Initialement, ces mises à jour auraient dû être faites le 1er octobre 2001, date d’entrée en vigueur de SA. Mais, devant le mécontentement des entreprises, l’éditeur les a reportées une première fois au 28 février 2002, puis au 31 juillet 2002. Microsoft a également reculé en permettant aux entreprises équipées d’Office 2000 d’accéder à SA, et non plus aux seuls utilisateurs d’Office XP.Malgré ces aménagements, SA reste critiquable. En effet, ce forfait ne présente aucun intérêt pour les entreprises qui ont coutume de ne mettre à jour leur parc de logiciels que tous les trois ans. Prenons l’exemple d’Access 2002 : la licence pleine de ce logiciel est facturée 335 ? ht (2 200 F). Avec le modèle de Microsoft, ces entreprises devraient souscrire deux fois la SA sur une durée de quatre ans, les amenant à payer 389 ? ht (2 552 F), soit plus que le prix de la licence pleine. Un calcul simple qui ne peut que les inciter à acquérir une licence pleine.La tendance à l’enchérissement des logiciels se traduit également par des catalogues très segmentés. C’est le cas chez Siebel, par exemple, qui rechigne à divulguer sa liste de prix, et ce, malgré l’obligation légale de communiquer ses tarifs chaque fois que la demande en est formulée. Quoi qu’il en soit, notre enquête révèle des amplitudes importantes entre les prix catalogue et les tarifs pratiqués chez le client final. Explication : Siebel Sales coûte 1 100 ? ht (7 216 F) par poste en version de base. Mais ce prix n’intègre que des fonctions basiques de gestion commerciale, de calendrier ou de gestion de contacts. Les modules additionnels sont facturés entre 300 et 400 ? (1 968 et 2 624 F) chacun, hors options. “Le prix final constaté est souvent de 3 000 ou 4 000 ? [19 679 ou 26 238 F] par poste, en marge du conseil facturé entre 186 et 318 ? [1 220 F et 2 086 F] de l’heure”, témoigne un intégrateur.

Des remises à la carte

Par ailleurs, les politiques de remises ne sont pas codifiées, ce qui ouvre en grand la porte des négociations. Ce cas exemplaire n’est pas isolé. Pour sa part, PeopleSoft ne s’intéresse pas à la tête de son client, mais à ses revenus. “Depuis le lancement de PeopleSoft 8, nous avons modifié notre mode de facturation pour fixer nos prix selon un pourcentage du chiffre d’affaires”, indique Christophe Letellier, PDG de PeopleSoft France. La raison de ce changement : la nouvelle architecture 100 % web du progiciel de gestion intégré, qui délaisse ainsi le mode client-serveur traditionnel. “Les entreprises peuvent désormais ouvrir notre application à l’ensemble de leurs partenaires si elles le souhaitent. Nos prix deviendraient donc inabordables si nous appliquions un tarif à l’utilisateur”, poursuit-il. Selon lui, les pourcentages appliqués par PeopleSoft sur le chiffre d’affaires se situent en règle générale entre 0,1 et 0,5 %. L’éditeur refuse cependant de communiquer les variables qui lui permettent de les établir. Chaque année, PeopleSoft revoit en effet le chiffre d’affaires de son client. Aucune clause des contrats de PeopleSoft ne prévoit cependant de baisser le prix du logiciel en cas de diminution des revenus de ses clients.

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Francisco Villacampa et Fabrice Alessi