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Les majors arrivent à reculons sur le net

Depuis décembre, les premiers services de téléchargement musical à péage tentent de contrer les émules de Napster. Des dispositifs pirates accusés de plomber le marché du disque même si, en France, les CD se vendent bien.

“L’année 2001 sera celle de l’émergence d’un marché légal de la musique en ligne.” Il y a un an, le patron de Vivendi Universal, Jean-Marie Messier, proclamait la fin du Far West musical sur le net en ouverture du Marché international de l’édition musicale (Midem). La reddition de Napster, repris en main par Bertelsmann pour 60 millions de dollars, soit plus de 67 millions d’euros, et celle du pionnier MP3.com, racheté par Vivendi pour 372 millions de dollars, semblaient effectivement sonner l’hallali des sites de libre-échange et l’avènement des robinets de musique à péage. Depuis, les cinq majors mondiales du disque, Universal, Warner, EMI, BMG et Sony Music, ont déchanté. Et l’avenir de l’industrie musicale face à la révolution numérique sera encore au c?”ur de l’édition 2002 du Midem, qui se tient à Cannes du 19 au 24 janvier. Fin 2000, l’IFPI, la Fédération internationale de l’industrie du disque, chiffrait le manque à gagner lié à la piraterie numérique à 5,6 milliards d’euros (36,7 milliards de francs) et, l’an passé, la situation ne s’est clairement pas arrangée.

Chasse aux pirates

Au cours du premier semestre 2001, toujours selon l’IFPI, les ventes mondiales de disques ont chuté de 5 % en valeur et de 6,7 % en volume. Le recul est de 5 % aux États-Unis (40 % du marché mondial), de 8 % en Asie et de 20 % en Amérique latine. Et même si les marchés britannique (+10 %) et français (+9,2 % à 542 millions d’euros pour 74,4 millions d’unités vendues) ont fait mieux que résister grâce à une production locale très dynamique (65 % des ventes de disques en France), la puissante RIAA (Recording Industry Association of America) comme le Snep (Syndicat national de l’édition phonographique) ont systématisé la chasse aux pirates qu’ils accusent de ce recul.Mais les majors ont tardé à proposer une véritable alternative aux consommateurs. Lancés fin décembre aux États-Unis, les premiers services en ligne payants des maisons de disques, Music Net (Warner Music et BMG) et Press Play (Universal et Sony Music), font, en effet, des débuts plutôt discrets. Le premier, le 4 décembre, via le service de téléchargement Real One de Real Networks. Le second, le 19 décembre, en association avec Yahoo et Microsoft. De son côté, Universal Music France a occupé le terrain dès novembre avec son service maison E-Compil. Selon Webnoize, 1,8 milliard de fichiers MP3 ont ainsi été téléchargés au cours du seul mois d’octobre.

Le flop du modèle de l’abonnement

Toutes ces offres reposent sur le même principe : l’internaute doit payer un abonnement mensuel (entre 11,15 et 27,95 euros pour Music Net et Press Play ; de 8 à 15,5 euros pour E-Compil). En échange, il peut écouter et télécharger une centaine de titres au maximum par mois, mais à partir d’un catalogue limité. Si Music Net propose, par exemple, 75 000 titres, le fan cherchera vainement sa chanson préférée de Michael Jackson : l’auteur de Thriller est un artiste Sony Music uniquement présent dans l’offre Press Play… Inversement, Madonna (Warner Music) figure au seul catalogue de Music Net. Dans ces conditions, le cabinet d’études Gartner Group prédisait dès l’automne, en s’appuyant sur un sondage mené auprès de 4 000 internautes, le flop des juke-box payants des majors.Un scepticisme aujourd’hui largement partagé par Éric Scheirer, analyste chez Forrester Research :“Il y a peu de chances pour que les utilisateurs de sites “peer to peer” gratuits comme Morpheus se précipitent sur cette offre payante de première génération”, tranche-t-il. Il relève notamment trois freins au développement de Real One : l’impossibilité de copier des fichiers musicaux sur un CD ou un baladeur MP3, la pauvreté du catalogue disponible et la contrainte d’un format propriétaire interdisant l’usage d’un autre lecteur que celui de Real Networks. Le concurrent Press Play est jugé plus ” flexible ” et plus ” fun “, mais il ne permet de graver qu’un seul CD par mois ! En face, les successeurs de Napster ?” fermé sous sa forme initiale mais prêt à renaître sous forme payante ?” offrent gratuitement un catalogue de titres quasi illimité… Bref, ” J2M ” a appris qu’il est plus facile de faire un hit avec la Star Academy de TF1 (CD Universal aujourd’hui en tête des ventes d’albums en France) que de faire payer les millions d’internautes habitués à télécharger gratuitement de la musique…À défaut de pouvoir lutter efficacement contre les systèmes peer to peer, les majors tentent de protéger leurs CD : des prototypes incompressibles en MP3 sont actuellement en test. Mais quelle est aujourd’hui la priorité des ” Big Five ” : vendre de la musique en ligne ou liquider les activistes du MP3 gratuit qui menacent, à terme, leur vrai business ? Les ventes de CD traditionnelles représentent aujourd’hui un marché mondial de 41,5 milliards d’euros. Jupiter MMXI estime de son côté que la musique sur le net atteindra péniblement 6,2 milliards d’euros en 2006. Pour les deux tiers grâce aux ventes de CD en ligne.

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Jean-Christophe Féraud et Amaury Mestre De Laroque