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Les Hauts-de-Seine passent au très haut débit

Le projet Très Haut Débit Seine prévoit le déploiement d’un réseau de fibre optique sur la totalité des Hauts-de-Seine, d’ici à 2015. Visite sur le terrain.

“ Mais c’est vide ! ”, ne peut-on s’empêcher de lancer, un brin déçus. “ C’est à moitié rempli ”, tempère aussitôt Marc Duchesne, de Sequalum. Ce qui est l’intérieur d’un nœud de raccordement optique sent la peinture fraîche. Un local tout propre, éclairé d’une franche lumière artificielle, qui tranche avec le reste du sous-sol du bâtiment public qui l’héberge, à Boulogne-Billancourt, dans les Hauts-de-Seine. La ville est l’une des premières du département à bénéficier du projet Très haut débit (THD) Seine. Lequel, par la volonté du conseil général, prévoit la création d’un réseau de fibre optique sur tout le département d’ici à 2015. En six ans, à compter d’octobre 2009, sur les 36 communes des Hauts-de-Seine, ce sont 827 900 prises qui vont être installées, soit la totalité des logements, des bâtiments publics et des entreprises, qui vont pouvoir bénéficier du très haut débit, avec une connexion Internet de 100 Mbit/s.A ce jour, THD Seine est le plus ambitieux des projets européens de déploiement d’un réseau public très haut débit. On s’attendait donc à visiter des tranchées défigurant les rues, à arpenter des égouts où circulerait la fibre optique. Rien de tout ça ! Les Hauts-de-Seine ont l’avantage d’être un département de petite taille et très peuplé, avec une forte densité de 8 000 habitants au kilomètre carré. La fibre emprunte donc presque exclusivement des circuits déjà existants, notamment ceux de Numericable, déployés pour le câble. De manière invisible, la fibre passe donc dans des tubes en plastique sous les trottoirs des villes. Deux chantiers sont réalisés en parallèle. Le premier consiste à construire le réseau optique jusqu’au pied des habitations. Le second, à signer des conventions avec les immeubles, puis à tirer la fibre dans les étages jusqu’aux appartements. “ C’est le plus difficile ”, certifie Michel Schoeser, directeur général de Sequalum, le groupement d’entreprises chargé de l’installation du réseau THD Seine et de son exploitation

Local stratégique

Tout commence ici, dans l’un des 64 nœuds de raccordement optique (NRO) que prévoit le projet THD Seine. Un NRO est un point d’entrée sur le réseau de fibre optique, un local technique où se réalise la connexion avec les réseaux des fournisseurs d’accès. Il peut desservir jusqu’à 20 000 abonnés. “ Il doit être assez grand, 25 m2 environ, afin d’accueillir l’ensemble des baies, chemins de câbles et équipements optiques ”, précise Thierry Derval, maître d’œuvre du déploiement du réseau THD Seine. Ainsi qu’un système de climatisation. Les emplacements dessinés au sol accueilleront les armoires techniques des FAI, des équipements électroniques qui dégagent de la chaleur. Boulogne-Billancourt compte quatre NRO, plus un pour la zone d’aménagement concerté de l’île Seguin et des anciens terrains Renault.

Une délégation de service public

Le conseil général des Hauts-de-Seine a opté pour une délégation de service public. Au terme d’un appel d’offres, c’est Sequalum, un groupement d’entreprises dont Numericable fait partie, qui a obtenu la concession de 25 ans. A charge pour lui de déployer le réseau de fibre optique et d’en assurer la maintenance, selon un cahier des charges précis. Le budget global est de 426 millions d’euros sur 25 ans, dont 262 millions pour la construction du réseau. Le département participe pour 59 millions d’euros. “ La subvention compense l’obligation de service public, notamment la construction dans les zones peu denses ”, explique Michel Schoeser, directeur général de Sequalum. Le réseau THD Seine sera ensuite loué aux fournisseurs d’accès à Internet (FAI). Toutefois, la création d’un réseau public n’empêche nullement les opérateurs privés de déployer leur propre réseau de fibre optique. C’est même la course à qui fibrera en premier le plus d’immeubles. “ Le dialogue avec les opérateurs est parfois difficile ”, reconnaît Michel Schoeser.

Accès direct aux abonnés

Non, le local n’est pas vide. Plaquée au mur, une armoire laisse s’échapper trois gros câbles par son sommet. C’est l’armoire de desserte des abonnés, installée par Sequalum. C’est la première étape du réseau de fibre optique de THD Seine, loué aux FAI qui le souhaiteront, lesquels installeront alors leurs armoires techniques sur les emplacements dessinés au sol.

Un écheveau coloré

Un NRO arrosant jusqu’à 20 000 abonnés, cela fait près de 8 000 fibres à connecter à la main, une à une, pour relier chacune à la bonne prise optique de l’armoire du FAI correspondant. “ C’est du spaghetti à gérer ”, résume Marc Duchesne, directeur du déploiement chez Sequalum. Un code couleurs permet heureusement de s’y retrouver.

Palier prêt à être connecté

Les câbles serpentent dans la cage d’escalier dans des goulottes. Au deuxième étage, Thierry Derval présente le “ point de branchement optique ” : un boîtier composé de cassettes où s’enroulent les fibres optiques. A chaque logement correspondent deux fibres optiques. Leur nombre a été fixé après discussion avec les fournisseurs d’accès. Orange, SFR et Bouygues Telecom s’en partagent une, Free a exigé sa propre fibre.

Au pied de l’immeuble

Direction un autre sous-sol, celui d’un immeuble social. Après avoir circulé sous les trottoirs de la ville dans des gaines en plastique (les “ fourreaux ”), les câbles optiques pénètrent par un trou dans un renfoncement. A proximité des caves, un boîtier attire l’œil. C’est lui qui va répartir les fibres dans les étages, jusqu’aux appartements, 144 ici. Son nom technique est “ point de mutualisation ”. Les FAI qui préfèrent déployer leur propre réseau plutôt que de louer celui de THD Seine se brancheront ici pour desservir l’immeuble. Les câbles optiques, dûment étiquetés, s’échappent alors vers les étages en s’accrochant aux murs défraîchis du sous-sol.

Prochaine étape : choisir son FAI

Le travail de Sequalum s’arrête sur le palier. C’est le fournisseur d’accès à Internet retenu par le résident qui installera la prise optique (voir photo ci-contre) à l’intérieur de l’appartement, dans la pièce de son choix.

La fibre à la campagne

D’un département à l’autre, les conditions changent radicalement. L’Ain, par exemple, près de 33 fois plus vaste que les Hauts-de-Seine pour 2,7 fois moins d’habitants, affiche une densité 88 fois moins élevée, de 100 habitants par kilomètre carré. “ Les élus ont vite été conscients que les opérateurs traditionnels ne seraient pas présents pour investir dans le département pour des raisons purement économiques ”, témoigne Patrick Chaize, le directeur du syndicat intercommunal d’énergie et d’e-communication de l’Ain. C’est donc le syndicat qui a pris le relais. L’objectif est de desservir par fibre optique jusque chez l’habitant 90 % du département en 2013, la totalité en 2020, ce qui représente 250 000 prises potentielles. Pour construire le réseau financé et exploité par le syndicat, trois solutions se complètent : utiliser les fourreaux et les infrastructures existantes, comme les canalisations abandonnées ; emprunter les ouvrages du réseau électrique pour déployer la fibre par voie aérienne ; creuser de nouvelles tranchées. Le montant prévisionnel d’investissement est estimé à 170 millions d’euros, pour un coût de desserte de l’abonné qui varie de 800 à 4 000 euros selon les cas.

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Olivier Lapirot