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Les géants aux pieds d’argile

Les logiciels sont instables, c’est connu. Parce qu’ils sont mis sur le marché sans être complètement testés. Mais peut-être aussi en raison de leur taille démesurée.

Lorsqu’une fonction de votre logiciel ou de votre système d’exploitation refuse de fonctionner, que faites-vous ? Comme tout le monde : vous recommencez la manipulation. On ne sait jamais. Et le plus étrange est que la deuxième tentative, voire la troisième est souvent couronnée de succès.” On ne sait jamais. “ Voilà résumée, en quatre mots, la principale faiblesse de la micro-informatique d’aujourd’hui. En effet, chacun de nous peut citer une dizaine d’exemples de cas où une manipulation fonctionne un jour, et se voit obstinément refusée le lendemain sur une configuration pourtant strictement identique.
Voilà qui tranche avec le monde froid, logique, peuplé de zéros et de uns, de l’ordinateur idéal.Alors que faisons-nous ? Nous cherchons le coupable. En l’occurrence, ce dernier est vite désigné : il s’agit presque toujours du concepteur du logiciel, accusé d’avoir bâclé son programme pour le commercialiser plus vite.Soyons clairs : cette critique est parfaitement fondée. Mais la négligence des éditeurs n’est peut-être pas la seule cause de la fragilité des logiciels… En effet, des théoriciens parfaitement sérieux, à commencer par Von Neumann lui-même, considéré comme l’inventeur de l’informatique, ont émis l’hypothèse que tout logiciel, au-delà d’une taille critique, commençait à donner des signes d’un comportement inattendu, voire erratique. Le même phénomène a été évoqué par Bruno Lussato dans Le défi informatique, ouvrage paru il y a une vingtaine d’années.Et les faits se sont chargés de leur donner raison.La taille critique, pour un logiciel, correspond à une réalité patente : pour s’assurer de la fiabilité absolue d’un logiciel, il faut en effet enchaîner des tests dont le nombre augmente infiniment plus vite que le nombre d’instructions de ce programme. Certes, les logiciels sont toujours composés de modules, testés individuellement puis assemblés. Mais c’est précisément lors de cet assemblage que les anomalies commencent.Mais cette observation ne semble pas alarmer les acteurs de la micro. Ainsi, pour nous expliquer tout le bien que nous devons penser de Windows XP, Microsoft met en avant le fait que son logiciel vedette n’héberge pas moins de 3 millions de lignes de code.Ca vous rassure ? Pas moi.Alors, messieurs les éditeurs, laissez tomber la course au gigantisme. Quand je vois que la taille de Winword.exe, le programme exécutable de Word XP (je ne compte pas, bien entendu, les innombrables DLL qui l’accompagnent) dépasse 11 Mo, je m’interroge sur le nombre d’instructions qu’il comporte… et le temps qu’il faudrait pour en chasser les bugs.Des programmes plus petits, modulaires, sont techniquement possibles et ne nuiraient en rien à notre productivité. Et ne parez pas de toutes les vertus les logiciels de taille démesurée : vos géants ont des pieds d’argile.* Chef de service de la rubrique Pratique de L’Ordinateur IndividuelProchaine chronique le mercredi 31 octobre 2001

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Etienne Oehmichen*