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Les fournisseurs d’accès veulent faire payer les ténors du Web

Imposer aux Google, Microsoft et autres Yahoo! un droit de passage sur le Net. L’idée vient des principaux fournisseurs d’accès américains, qui ne veulent plus financer seuls le développement des réseaux.

Après les Etats-Unis, le débat gagne l’Europe. C’est l’opérateur allemand Deutsche Telekom qui est monté au créneau récemment. Son PDG, Kai-Uwe Ricke, a déclaré dans l’hebdomadaire
WirtschaftsWoche que ‘ les fournisseurs d’accès ne peuvent continuer à investir dans les infrastructures pour que d’autres en profitent ‘. En clair, les grands
fournisseurs de contenus et de services sur Internet devraient payer pour l’utilisation du réseau.Outre-Atlantique, les principaux FAI souhaitent imposer cette mesure à l’occasion de la nouvelle loi sur la régulation des télécommunications, en préparation au Congrès. Concrètement, les Google, Yahoo! et autres Amazon seraient
soumis à un droit de passage sur le réseau pour proposer leurs contenus aux internautes. Ce droit de passage serait d’autant plus élevé que leurs services nécessitent du haut-débit.Partisans et opposants au projet ont été entendus le 7 février par les juristes chargés de rédiger ladite loi. Mais le débat continue à agiter la classe politique américaine. Le 2 mars dernier, un sénateur démocrate, Ron
Ryden, déposait un projet de loi favorable à une ‘ neutralité du Net ‘, censé garantir aux internautes la possibilité de visiter tous les sites Web de leur choix, sans discrimination de la part des
FAI.

Amortir et améliorer le réseau

L’argument principal des fournisseurs d’accès est la rentabilité du réseau, et en particulier la nécessité pour eux d’amortir les coûts initiaux d’installation, que les abonnements payés par les internautes
ne suffisent pas à couvrir. Dans une interview à Business Week, le PDG d’AT&T, Ed Whitacre, s’en est violemment pris à Google et à Vonage (opérateur de téléphonie sur Internet) : ‘ Ce
qu’ils veulent, c’est utiliser gratuitement mon réseau, mais je ne les laisserai pas faire parce que nous avons investi un capital et nous devons aussi en tirer les bénéfices. ‘
En effet, les gros éditeurs de
services et de contenus réalisent des profits substantiels et les fournisseurs d’accès aimeraient avoir leur part du gâteau.Par ailleurs, ils prédisent déjà qu’ils n’auront pas assez d’argent pour améliorer le réseau : ‘ On ne pourra pas financer la prochaine génération de réseau haut-débit uniquement grâce
aux abonnements. Il nous faut d’autres sources de revenus ‘,
explique Bennett Ross, représentant légal de BellSouth.Pour les défenseurs de la neutralité du Net, une telle démarche serait nuisible à la qualité et à la richesse d’Internet, puisque l’accès au contenu serait fonction de la somme acquittée par les sites. Claudia Jones,
porte-parole d’AT&T, assure pourtant que les internautes ne seront pas lésés : ‘ Nos clients auront accès au contenu et aux applications qu’ils désirent. L’explosion d’applications qui requièrent
une large bande passante et du contenu sur Internet peut conduire à un engorgement du flot de l’information et à une dégradation des performances, si les investissements nécessaires ne sont pas faits. ‘

Un frein à l’innovation et à la compétitivité

Selon Vint Cerf, inventeur du protocole TCP/IP et ‘ évangéliste de l’Internet ‘ chez Google, cette discrimination par l’argent serait préjudiciable aux petites entreprises innovantes, qui
n’auraient pas les moyens de diffuser leurs idées sur le Net. ‘ La neutralité du système doit être préservée afin de permettre l’apparition de nouveaux Google, Yahoo! et Amazon ‘, a-t-il
affirmé devant le Congrès.Les partisans de la neutralité du Net soupçonnent également les fournisseurs d’accès de vouloir favoriser les services qu’ils proposent, téléchargement de musique et diffusion de vidéos, en ralentissant volontairement le débit
du reste de l’Internet à leur avantage. ‘ Si les fournisseurs d’accès réservent une grande partie de la bande passante pour leurs propres services, les internautes n’auront pas l’Internet dont notre pays
et notre économie ont besoin ‘,
avertit Vint Cerf.

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Hélène Labriet