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Les acteurs du dégroupage se cherchent une place

Dès le 1er janvier 2001, France Télécom devra ouvrir son réseau local à ses concurrents. Ces derniers se pressent déjà devant les portes de l’opérateur historique pour avoir le plus grand espace possible.

Après quoi les opérateurs courent-ils ? Le décret qu’ils attendaient tant, portant sur l’instauration du dégroupage, est enfin paru au Journal officiel du 13 septembre. Une belle avancée sur un dossier qui semblait progresser à pas de souris depuis trois ans.Si déblocage il y a, il ne faut, cependant, pas s’attendre à ce qu’apparaisse en France une multitude d’offres ADSL avant quelques mois.Certes, techniquement, le dégroupage ?” qui consiste à dériver la paire de cuivre appartenant à France Télécom vers les installations d’opérateurs tiers ?” fonctionne. De cela, finalement, personne ne doutait. En effet, cette technique est déjà éprouvée aux États-Unis, en Allemagne, tout comme en Finlande.La plupart des opérateurs menant des expérimentations dans l’Hexagone s’accordent même à dire que France Télécom a, jusqu’ici, montré une assez bonne volonté pour que ces expérimentations se déroulent pour le mieux.” France Télécom s’est plutôt montré à l’écoute de ce dont on avait besoin “, remarque Guy Link, directeur du marketing et de la communication de KPNQwest. Chez LDCom, en revanche, on estime que ” France Télécom fait le minimum pour que cela se passe bien “.Derrière ces déclarations plus ou moins optimistes, il ne faut pas oublier que les tests n’ont porté que sur quelques dizaines de lignes. Et, pour dégrouper ces lignes, il n’est pas utile de disposer d’une grande quantité de matériels. Or, qu’en sera-t-il lorsque d’une phase d’expérimentation on passera à l’étape de la commercialisation ?Actuellement, les opérateurs se sont vu octroyer, au mieux, la possibilité d’installer deux baies pour mener leurs tests. Quand ils chercheront à capter des milliers de clients, il leur faudra déployer des équipements sur un grand nombre de mètres carrés… qui ne seront peut-être pas disponibles. En clair, parmi la trentaine d’opérateurs qui mènent des expérimentations, il n’y aura pas de place pour tout le monde.

Course au cuivre torsadé ou aux mètres carrés?

D’ailleurs, tous ne se sont pas lancés dans la même course. Les uns partent à la chasse aux paires de cuivre elles-mêmes, les autres à la recherche des mètres carrés des douze mille répartiteurs si âprement défendus par France Télécom. La nuance est de taille.En effet, alors que Cegetel, 9 Telecom ou Easynet auront pour but principal de vendre directement des services à haut débit à l’utilisateur, nombre d’opérateurs ne cachent pas leur intention de n’être que des intermédiaires dans ce marché. Ils inventent ainsi un nouveau métier en France, celui de carrier’s carrier de la boucle locale.” Nous courons après les mètres carrés “, confie Frédéric Gastaldo, directeur général de LDCom. Une stratégie que mène depuis plus de deux ans aux Etats-Unis l’américain Covad, qui reconnaît ne pas servir le client. Il s’installe dans le plus grand nombre de répartiteurs possibles et propose ensuite aux ISP des lignes dégroupées. Outre-Atlantique en effet, ce problème du mètre carré est également d’actualité, même près de quatre ans après le Telecom Act instaurant le dégroupage.” Dans les plus gros centraux des grandes villes, il n’y a pas de place pour plus de dix opérateurs. Dans les plus petits, nous sommes rarement plus de deux ou trois “, insiste Rex Cardinale, directeur technique de Covad. Pour illustrer sa volonté de s’aligner dans une course aux mètres carrés, l’opérateur américain n’affiche pas d’ambitions sur le marché allemand, pourtant déjà ouvert, mais montre un certain appétit pour l’Hexagone, où les répartiteurs de France Télécom ne sont pas encore encombrés des équipements de concurrents.

Ce problème d’espace physique peut être contourné, mais à plus grands frais, affirme Alexis de Goriainoff, de Cable & Wireless. “Il y a toujours la solution de la colocalisation distante, qui nécessite de trouver des locaux proches de ceux de France Télécom et d’y amener la paire de cuivre”, explique-t-il. Mais cette solution, plus onéreuse, nécessite qu’un groupe d’opérateurs s’entendent afin de mutualiser les travaux à réaliser. Face à ces problèmes non négligeables, certains acteurs ont tout bonnement décidé de… jeter l’éponge. C’est, semble-t-il, le cas de Tele 2 ou de GTS Omnicom, qui devraient se contenter de louer des lignes dégroupées à leurs concurrents installés dans la place.De son côté, Alexandre Archambault, chargé des affaires réglementaires de Linx Telecom (détenu à 95 % par Iliad, gérant l’ISP gratuit Free) souligne que “les expérimentations ne reflètent en rien ce qui se passera à l’ouverture commerciale des services. France Télécom ne souhaite pas donner dès le début la place réelle dont auront besoin les opérateurs”.D’après lui, le dégroupage commencera réellement au 1er janvier 2001, uniquement dans les sites expérimentaux, ce qui instaurera, de facto, “une prime au premier arrivé”. Pourtant, certains opérateurs ont l’impression, en découvrant les locaux de France Télécom, qu’ils ne manquent pas de place.” Quand on visite le site parisien de Turbigo, on a vraiment l’impression que c’est gigantesque “, s’étonne Hervé Leroy, en charge de l’ADSL chez Easynet. Plusieurs opérateurs s’accordent à dire que le dégroupage va s’installer lentement, et que la France ne comptera que cinquante mille lignes dégroupées à la fin de l’année prochaine. Pas de quoi sauter au plafond !

Netissimo se déploie à marche forcée

Et les opérateurs devront ensuite affronter une autre réalité pour vendre leurs services ADSL. Pendant qu’ils essaient désespérément d’obtenir tarifs, conditions techniques et renseignements sur la distribution des abonnés sur les répartiteurs, les opérateurs alternatifs voient France Télécom déployer insolemment et à vitesse grand V son offre ADSL, Netissimo, qui commence à être disponible dans la plupart des départements français. Sur ce sujet, les opérateurs qui ont choisi de ne pas revendre l’offre de France Télécom reconnaissent qu’ils vont prendre entre un an et un an et demi de retard. Les clients de France Télécom sont, en effet, contraints de souscrire un contrat de douze mois.

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Jérôme Desvouges