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L’éducation hexagonale des opérateurs étrangers

Au-delà des effets d’annonce, l’internationalisation des opérateurs télécoms est rarement une sinécure. La France, de ce point de vue, est plutôt mal notée par les acteurs étrangers, pour qui l’ouverture du marché demeure biaisée.

” À l’image de ce que suggérait Flaubert dans L’Éducation sentimentale, un nouvel entrant d’origine étrangère doit faire, puis parfaire son éducation s’il souhaite ?”uvrer sur le marché français. Nous avons vu suffisamment d’échecs en ce domaine pour comprendre combien l’écart culturel peut être source de malentendus, de suspicions et, donc, d’erreurs.La première question est de savoir pourquoi un opérateur étranger choisit la France. Voici les réponses les plus banales : ” C’est un marché important, le second d’Europe”, ou “C’est une nécessité lorsque l’on veut avoir une approche paneuropéenne “, ou, enfin, “Compte tenu des parts de marché de l’opérateur historique, c’est certainement le pays européen qui présente le plus de potentialités”.Il conviendrait, par objectivité, d’ajouter que lorsqu’une entreprise étrangère fait un investissement en France, elle le fait concurremment à d’autres projets ; et nous avons pu constater, ces derniers temps, que l’Hexagone avait plutôt tendance à perdre de son attrait dans ce registre.Le récent exemple du concours de l’UMTS illustre parfaitement cette difficulté à attirer des investissements étrangers, puisque nous sommes dans une situation unique en Europe, avec seulement deux candidats, français, alors qu’il y a quatre licences à attribuer.De surcroît, cet état de fait n’est pas encourageant pour le futur utilisateur, qui n’aura guère l’occasion de bénéficier d’innovations venues d’ailleurs, à l’instar de celle apportée par NTT DoCoMo, qui a fait une percée tout à fait remarquable dans le domaine de l’i-Mode… En ce qui concerne l’approche paneuropéenne, on observe, là aussi, quelques contradictions, voire quelques contresens.

Les bizarreries ” franco-françaises “

On ne voit, en effet, aucun acteur de téléphonie fixe et mobile capable d’afficher à son tableau de chasse à la fois les quatre grands pays européens et les États-Unis.Vodafone pourrait apparaître comme l’exception qui confirme la règle. Mais, à n’en pas douter, cette entreprise souffrira à l’avenir de n’avoir aucune présence dans le fixe. Faut-il rappeler ici qu’un réseau de téléphonie mobile est essentiellement constitué d’infrastructures fixes ?Pourquoi ce peu d’attraction du marché français pour les opérateurs étrangers ? La France a acquis la réputation, presque définitive, d’être obligée d’épouser des régimes particuliers par rapport aux autres pays européens. En matière d’éducation internationale, nous avons nos propres caractéristiques qui, faute de faire sourire nos amis étrangers, relèvent d’un certain anachronisme.

Une entreprise publique… cotée en Bourse

Le plus flagrant, aujourd’hui, est cette législation qui fait de France Télécom une entreprise nationale dont le capital est majoritairement détenu par l’État. Plus le temps passe et plus cette situation semble décalée, eu égard aux enjeux du futur. Voilà donc un concurrent qui bénéficie d’un statut d’entreprise publique, même si elle est, pour partie, cotée en Bourse. Voilà donc aussi un régulateur dont les membres sont nommés par les pouvoirs publics, et un ministère de tutelle qui prend la plupart des décisions, tout en étant l’actionnaire majoritaire de l’opérateur dominant. Vue de l’étranger, cette situation mérite force pédagogie pour être expliquée et comprise.Voilà, enfin, notre opérateur étranger ayant procédé à plusieurs acquisitions et essayant de les rationaliser. Il faut bien comprendre que la France est un marché parmi d’autres et que, bien entendu, des priorités peuvent se présenter simultanément dans des pays tout aussi prometteurs. Autre question, celle de la capacité, pour une entreprise issue d’un monopole historique, à se transformer en une multinationale aux nombreuses ramifications.

Une exigence permanente de qualité

Autant il est facile de faire des acquisitions judicieuses – et parfois importantes – quand vous en avez les moyens financiers, autant il est difficile d’en assurer l’intégration, la digestion et la migration dans une culture elle-même en pleine mouvance avec une exigence permanente de qualité. Il s’agit donc de tout un état d’esprit qui laisse finalement peu de place aux innovations technologiques, qui sont elles-mêmes un levier à la pénétration du marché. Les clients internationaux, qui ne vont pas beaucoup plus vite que l’opérateur international dans leur intégration, y trouvent largement leur compte, au contraire des clients domestiques, qui voient se pérenniser des offres de services en décalage avec leurs besoins, finalement, assez peu porteurs d’innovations. Comment un opérateur étranger peut-il prendre place dans ce jeu international, notamment sur le marché français ? À l’instar de ce qui s’est passé aux États-Unis, nous sommes progressivement en train de reconstituer une Europe des monopoles à grande échelle. Témoin, l’univers de la téléphonie mobile où, selon Forrester Research, seuls quatre ou cinq opérateurs cellulaires survivront d’ici à quelques années.Il ne s’agit pas, ici, de juger si c’est un bien ou un mal, il s’agit simplement de comprendre que ” l’éducation internationale ” demande du temps. Nous pénalisons les idées neuves et imposons la facilité. Le consommateur français risque d’être le principal perdant de cette concurrence trop lente à émerger pour laisser vivre l’imagination et fertiliser de nouveaux schémas de pensée.”

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François Maire, Président de Deutsche Telekom France