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Le Royaume-Uni pourrait ne plus bannir Huawei… si Trump n’est pas réélu

Alors que les autorités britanniques évoquent publiquement des raisons de sécurité nationale, en coulisses, elles auraient expliqué à Huawei que si les démocrates gagnaient la Maison-Blanche, elles pourraient revoir (de nouveau) sa décision. 

Comme le rapporte le Guardian, le gouvernement britannique a affirmé en privé au géant technologique chinois Huawei qu’il serait possible de réexaminer sa récente décision de l’interdire d’accès au réseau de télécommunications 5G, à la condition que Donald Trump ne soit pas réélu. Le déploiement de la 5G en Grande-Bretagne dépendrait donc de la prochaine élection présidentielle américaine en novembre 2020. 

Sécurité nationale ou loyauté envers les États-Unis ? 

Mais, ces aveux officieux ne concordent pas avec les déclarations publiques de la semaine dernière lorsque les autorités britanniques ont annoncé l’évincement de Huawei. Le gouvernement affirmait que la firme chinoise avait été interdite en raison de nouvelles préoccupations en matière de sécurité soulevées par le National cyber security centre (NCSC). Et non pour des raisons « géopolitiques ». 

« Le NCSC a signalé aux ministres qu’il avait considérablement modifié son évaluation de la sécurité sur la présence de Huawei au sein du réseau 5G du Royaume-Uni. Compte tenu de l’incertitude que cela crée autour de la chaîne d’approvisionnement de Huawei, le Royaume-Uni n’est plus certain qu’il sera en mesure de garantir la sécurité des futurs équipements 5G d’Huawei, affectés par le changement des règles américaines sur les produits étrangers », a déclaré Oliver Dowden, secrétaire d’État britannique au Numérique, à la Culture, aux Médias et au Sport. 

En clair, les interdictions américaines ont des conséquences sur les produits Huawei, ce qui ne permet plus de garantir un niveau de sécurité acceptable pour les Britanniques. Cette justification « de façade » permettrait de cultiver une image d’indépendance britannique vis-à-vis du pouvoir états-unien. 

Dix ans de retard et 32 milliards d’euros de frais

Pourtant, en janvier dernier, le gouvernement avait choisi Huawei pour équiper son réseau 5G et ainsi honorer la promesse de campagne de Boris Johnson de fournir ce réseau à ses concitoyens d’ici 2025.
Si le revirement de situation de la semaine dernière a ravi les députés conservateurs, qui avaient fustigé cette décision, il impliquerait un retard considérable dans le déploiement de la 5G sur le territoire britannique. Il pourrait être de dix ans et l’addition pourrait atteindre jusqu’à 32 milliards d’euros, d’après Huawei. 

Une décision « sensée » ? 

À l’origine de la guerre techno-commerciale avec la Chine, Donald Trump a salué à plusieurs reprises la décision de la Grande-Bretagne. Rejetant les rumeurs selon lesquelles le gouvernement britannique se courbe devant l’administration Trump en raison de la nécessité pour le Royaume-Uni de signer un accord commercial post-Brexit avec Washington, Matt Hancock, le secrétaire à la Santé, a déclaré sur Sky News

« Nous connaissons tous Donald Trump […] Mais je pense que c’est une décision sensée. Toutes sortes de personnes peuvent tenter de revendiquer le mérite de cette décision, mais cela s’est fondé sur une évaluation technique effectuée par le NSCS. »

« Pourquoi se passer de la Chine ? »

Néanmoins, pour Lord O’Neill, l’économiste qui a été nommé secrétaire commercial du Trésor britannique en 2015, les explications privées données à Huawei rendent la décision « plus rationnelle ». 

« Étant donné que le premier ministre continue de se décrire comme un sinophile, on pourrait penser qu’il essaie de minimiser les dommages. Autrement, la décision n’a aucun sens. La Chine a été le plus important contributeur au PIB mondial au cours des vingt dernières années. Alors pourquoi voudrions-nous nous passer de cela ? », explique-t-il au Guardian

La géopolitique a dépassé « les coûts économiques »

Le député travailliste Kevan Jones, ancien ministre de la Défense qui siège maintenant au comité du renseignement et de la sécurité de la Chambre des communes, a lui aussi déclaré au quotidien britannique qu’il était clair que les pressions américaines avaient influencé le gouvernement : 

« Bien sûr, la sécurité devrait être la priorité numéro un, mais il est clair que cette décision a été prise pour des raisons géopolitiques plutôt que pour tenir compte des coûts économiques pour le Royaume-Uni. » 

Au cours de la semaine, le secrétaire d’État américain, Mike Pompeo, se rendra à Londres et tiendra des pourparlers avec des députés conservateurs qui s’opposent à Huawei. Il devrait en profiter pour tenter de faire pression sur d’autres gouvernements européens lors de sa visite.
De son côté, Huawei a refusé de commenter ses pourparlers, rappelant seulement sa « déception » vis-à-vis du boycott britannique. 

Source : Guardian

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Marion SIMON-RAINAUD